Donald Trump poursuit sa tâche herculéenne de nettoyage des écuries d’Augias : après avoir multiplié les décrets présidentiels et provoqué des prises de décisions dans les « ministères » fédéraux contre l’idéologie du genre, l’immigration clandestine, les privilèges accordés aux prétendus motifs de la « diversité-équité-inclusion », après avoir envoyé des coups de pieds dans les fourmilières de la « transition énergétique » et des dépenses inconsidérées, voici qu’il annonce la mise en place de droits de douane à tout va. Faut-il rendre à l’Amérique sa grandeur (Make America Great Again) ? Alors il faut lui rendre son indépendance, ses industries, sa richesse ; et sa capacité de peser pour ses intérêts face à d’autres pays dont l’action ou l’inaction nuit aux Etats-Unis : telle est la pensée du 47e président des USA, et il entend la rendre efficace au moyen du grand retour des droits de douane.
La presse internationale acquise à la mondialisation n’a pas de mots assez durs pour « the Donald » : il rallume la guerre économique, il va pousser les partenaires des Etats-Unis vers la récession, il va même pousser les Etats-Unis vers la récession. Le grand méchant loup a élu domicile à la Maison Blanche, s’il faut en croire tous ces adorateurs du libre-échange. Ils ont répété à qui mieux mieux que deux des premiers visés – le Canada et le Mexique – ne supporteraient pas l’affront et se dresseraient contre leur puissant voisin.
Trump brandit la menace des droits douane – et il est entendu
La réalité est assez différente à cette heure, et sur plusieurs plans.
C’est en invoquant l’existence d’une « urgence économique nationale » créée par l’arrivée de migrants clandestins et de drogues par la frontière mexicaine, de fentanyl – ce stupéfiant tueur qu’il accuse de faire 75.000 victimes par an – depuis le Canada, que Trump a signé samedi dernier un décret imposant aux deux pays des droits de douane de 25 % (10 % pour les importations d’énergie canadienne).
La Chine est aussi dans le collimateur présidentiel : des droits de douane de 10 % sur tous les produits importés depuis l’Empire du Milieu ont été annoncés, notamment parce que des produits chimiques servant à la fabrication du fentanyl en font partie.
Sans doute y a-t-il moult autres raisons de vouloir stopper l’importation de produits de ces partenaires commerciaux, mais l’insistance sur des pratiques illégales et des produits dangereux dont ils ne contrôlent ni n’empêchent la circulation est-elle ce qui justifie l’« urgence internationale »…
Trump lui-même a pris à témoin le peuple américain sur son réseau Truth Social, en écrivant, dimanche : « Y aura-t-il une certaine souffrance ? Oui, peut-être (et peut-être pas !)… Mais nous rendrons à l’Amérique sa grandeur, et le prix à payer en vaudra la peine. » Aux journalistes, il a déclaré le même jour : « Il se peut qu’à court terme, nous souffrions un peu, et les gens le comprennent. Mais sur le long terme, les Etats-Unis se sont fait arnaquer par pratiquement tous les pays du monde. »
La droite libérale affolée par les droits de douane
La droite libérale américaine s’étrangle : Thomas DiLorenzo, président de l’Institut Ludwig von Mises, a prévenu que « la seule chose dont protègent les droits de douane, c’est des prix bas ». Même un site anti-mondialiste comme The New American voit dans l’initiative présidentielle une manière de pousser les Américains, étranglés par la hausse des prix, vers la préférence pour le libre-échangisme et la promotion d’un nouveau traité façon NAFTA, l’USMCA, au service de « l’accélération de l’intégration globale ». Au passage, l’article présente faussement le mécanisme des droits de douane, en prétendant qu’ils s’appliquent sur le prix final de l’article vendu au particulier : en réalité, ils sont payés sur le prix du bien importé , et ne comprennent ni son transport, ni la marge des vendeurs et revendeurs finaux…
Quoi qu’il en soit, la menace brandie par Trump a déjà fait de l’effet : la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum a déjà annoncé l’envoi de dix mille soldats à la frontière avec les Etats-Unis pour prendre à bras-le-corps la question des clandestins et des stupéfiants. Aussitôt, Trump a mis en place un moratoire de trente jours sur les droits de douane annoncés. Les deux chefs d’Etat ont eu une conversation « très amicale », a-t-il d’ailleurs déclaré.
Même chanson au Canada : après quelques rodomontades et des menaces de mise en place de droits de douane réciproques, le Premier ministre sortant Justin Trudeau a fait savoir qu’il prenait des mesures pour mettre fin au trafic de stupéfiants vers les Etats-Unis. Aussitôt, Trump a annoncé un moratoire de trente jours. Cette fois, c’est le leader canadien qui a posté un message sur X annonçant qu’il avait eu une « bonne conversation » avec son homologue étatsunien.
Trump n’en a pas fini avec les droits de douane
Cepandant, on nous explique que l’Europe – également menacée par Trump pour cause d’échanges et de droits d’importation déséquilibrés – est menacée des pires malheurs économiques du fait de l’atteinte américaine aux principe du libre-échange.
Notons d’emblée que celui-ci n’est pas total : l’UE sait ainsi jouer de ses réglementations au moins dans certains domaines pour protéger une portion congrue de son industrie.
Mais notons surtout que le libre-échange n’est pas le passeport universel vers la richesse et la croissance ! Lorsque la Chine a pu au début des années 1980 faire son entrée, souvent avec la clause de la nation la plus favorisée, et rejoindre l’OMC avec l’aide de Kissinger, cela a eu pour elle l’effet d’un boost de sa croissance jusqu’à la propulser au sommet des économies mondiales… tandis que les pays occidentaux voyaient leur croissance s’effondrer et leur tissu industriel décliner face à la concurrence agressive, et déloyale, de la Chine. La délocalisation reste un fait, tout comme l’appauvrissement des travailleurs européens qui bien souvent ne parviennent pas à joindre les deux bouts même lorsqu’ils travaillent en couple.
Trump pourrait lire Maurice Allais…
Plus largement, le libre-échange mondial, réclamé par les pays du « sud global » dans leur relation avec les pays riches, profite largement à ces derniers, facilitant la redistribution des richesses vers les pays en développement et plongeant une belle part de l’Occident dans la dette et la paupérisation de ses classes travailleuses et moyennes. A telle enseigne que le libre-échangisme mondial produit certainement ce pour quoi il a été mis en place.
Maurice Allais, prix Nobel d’économie, n’avalait pas ce mensonge sur les vertus du libre-échange à tout prix. Il montrait l’importance de l’homogénéité des économies acceptant le principe des échanges sans droits de douane ; il dénonçait le démantèlement des protections douanières dans le cas contraire, assurant que celui-ci avait pour conséquence inéluctable le déclin de l’emploi et ne saurait provoquer à terme que la dépression mondiale.
On ne peut pas dire que sous nos latitudes, tout aille pour le mieux… Trump, lui, semble décidé à améliorer le sort des siens. Cela passe-t-il par l’explosion du mythe du mondialisme ? Ce ne sera pas le seul mensonge auquel il se sera attaqué.