Il avait parlé dans ses promesses de campagne de « ramener le christianisme » aux Etats-Unis, autrement dit de lui redonner politiquement et socialement sa place. Trump multiplie depuis le début de son second mandat les déclarations et les décrets en ce sens. Le 1er mai, il a profité de la Journée nationale de prière, célébrée chaque premier jeudi de mai aux Etats-Unis, pour annoncer et signer un décret établissant une Commission sur la liberté religieuse.
Il y est peut-être question, dans ses objectifs, de « pluralisme religieux pacifique ». Mais le président américain vise très ostensiblement, avant tout, la préservation de la liberté des chrétiens dans l’exercice de leur foi, en réponse à toutes les attaques qu’elle a subies sous l’ère Biden. D’aucuns ont évidemment pointé du doigt un désaveu de la Clause d’établissement du premier amendement, interdisant au gouvernement fédéral de favoriser une tradition religieuse particulière. Seulement il en faut davantage pour embarrasser Trump qui veut rehausser « la fierté des citoyens envers [leur] histoire fondatrice ».
La Commission doit identifier les « menaces à la liberté religieuse intérieure »
Trump flirte-t-il réellement avec les limites que lui octroie la Constitution américaine ? Ce qui est certain, c’est qu’il a manié l’ironie ce 1er mai, lorsqu’il a déclaré : « Ils parlent de séparation entre l’Eglise et l’Etat… J’ai dit : “D’accord, oublions ça pour une fois.” Nous avons dit : vraiment ? La séparation ? Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Je n’en suis pas sûr. Mais qu’il y ait séparation ou non, vous êtes à la Maison-Blanche, là où vous devriez être, et vous représentez notre pays. Nous ramenons la religion à la vie dans notre pays. »
Et « la religion », ce n’est pas un sentiment religieux quelconque, c’est l’héritage reçu des premiers colons.
Officiellement, comme le précise le communiqué officiel de la Maison Blanche, cette nouvelle Commission entend « faire respecter avec vigueur les protections historiques et solides de la liberté religieuse inscrites dans la loi fédérale ».
Mais elle est, ni plus ni moins, une réaction à toutes les politiques fédérales, étatiques et locales qui ont menacé, lors du dernier mandat, la liberté des Américains, en particulier les droits des parents en matière d’éducation religieuse, le libre choix de l’école, les symboles religieux dans les espaces publics, la protection de la conscience, la liberté d’expression des entités religieuses, l’autonomie institutionnelle.
Trump veut réconcilier droits civiques et liberté religieuse
C’est la dernière pierre (pour le moment) de l’édifice de restauration religieuse spécifique revendiqué par Trump. Deux semaines après son retour à la Maison Blanche, le nouveau président avait prononcé des discours qualifiés de fondateurs, où il avait notamment répété à plusieurs reprises l’expression « Bring religion back » (« Faire revenir la religion »).
Rapidement, il avait signé un décret en créant un « Groupe de travail pour éradiquer les préjugés anti-chrétiens », pour lutter contre la « pratique flagrante de l’administration Biden consistant à cibler les chrétiens pacifiques tout en ignorant les délits violents et anti-chrétiens », en particulier les attaques contre les lieux de culte et les poursuites pénales par le ministère de la Justice visant des personnes dont le seul tort était d’avoir prié devant les cliniques pratiquant des avortements.
Puis le 7 février, un autre décret instaurait le Bureau de la foi de la Maison Blanche, à la tête duquel il installait une de ses proches, la télévangéliste Paula White. Elle fera d’ailleurs partie des membres de la Commission créée ce 1er mai : elle a appelé à « une refonte spirituelle de notre nation, à un retour à ce qui est juste, à une révérence pour le sacré, à un véritable alignement avec votre dessein divin », comme l’a noté The Daily Wire.
Une (très) grande majorité de chrétiens dont deux prélats et au moins deux laïcs catholiques
Les chrétiens forment, de fait, la très grande majorité de ce nouvel organisme auquel participent au moins quatre catholiques : le consensuel cardinal Timothy Dolan, archevêque de New York et l’évêque médiatique Robert Barron, ainsi que deux laïcs. On compte également un rabbin. Les noms de tous les membres n’ont pas été révélés. Peut-être, parmi eux, un imam ? Trump s’est adressé aux musulmans lors de son discours, quoique de manière décalée en évoquant les 38 vierges, censées attendre les djihadistes…
Très protestant, tout ça ? Certes, et la presse s’est focalisée sur ce qu’elle a appelé « un revival évangélique ». Ce 1er mai, le célèbre chant chrétien « Amazing Grace » a retenti, la Première Dame a étendu les bras, et Paula White, celle qu’on appelle la conseillère spirituelle de Trump, a demandé à Dieu d’accorder au président « une sagesse au-delà de l’entendement humain et (…) des rêves et des visions divines ».
Le décalage avec notre société arc-en-ciel, imbue de matérialisme, férue de progressisme et de haine de la chrétienté, est patent. Nous-mêmes en sommes presque interloqués. Mais que ne donnerions-nous pas, pourtant, pour entendre le dirigeant français déclarer à l’instar de Trump : « Pour que [la France] soit une grande nation, nous devons toujours être une nation unie sous l’autorité de Dieu » ?
Trump demeure, il ne faut pas l’oublier, « un homme d’apparences et d’arrangements », comme avait dit Pauline Mille sur RiTV. Par tous ces gestes forts, il rend ainsi grâce à sa fidèle base électorale évangélique ainsi qu’à sa base catholique qui a pris 15 points entre 2014 et 2024. Mais certains disent qu’il rend aussi grâce à « Dieu tout-puissant » par qui il estime avoir été sauvé lors des deux tentatives d’assassinat dont il a fait l’objet.
Les fruits de ces dispositions politiques concrètes, en particulier dans les écoles, restaureront en tout cas une part de la liberté des enfants… de Dieu.