Trump, Iran, Israël : la dimension eschatologique d’un conflit aux ressorts profonds

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Depuis dimanche matin, le monde s’est de nouveau divisé entre « Est » et « Ouest » ; un conflit aux dimensions eschatologiques se déroule sous nos yeux. Non pas parce qu’on serait sur le chemin immédiat de l’Apocalypse, mais parce qu’il implique Israël et sa place dans le monde ; parce que Donald Trump a mené une action pour éviter qu’il ne soit exposé à une destruction irréversible.

L’opération « Midnight Hammer », qui a vu une flotte de bombardiers américains furtifs B-2, soutenue par des bâtiments de guerre au large du Yémen et du Pakistan, s’abattre sur les trois plus importants centres de recherche militaire nucléaire iranien s’est achevée, dans la nuit de samedi à dimanche, selon Donald Trump, par l’« oblitération complète et totale », des sites visés. Et eux seuls. Les Etats-Unis n’ont pas attaqué d’autres cibles, ni militaires, ni civiles.

Le président américain s’est félicité d’une opération extraordinaire qui n’a laissé aucune chance à l’appareil militaire des Mollahs : l’effet de surprise a été total.

 

Les Etats-Unis ciblent ce qui depuis l’Iran peut détruire Israël

Face à la satisfaction affichée par Trump à l’égard d’une opération réussie, un proche de l’ayatollah Khamenei assure au contraire que l’uranium enrichi dont dispose l’Iran avait pu être mis à l’abri, alors qu’il était supposé invulnérable, enterré à des dizaines de mètres sous la montagne – ce qui signe, finalement, la volonté de la République islamique de se doter de l’arme nucléaire, alors même qu’elle proteste que son programme était exclusivement pacifique. Mais même si c’est exact, même si l’uranium enrichi a été placé ailleurs, disposer du « carburant » nucléaire (et l’Iran en avait des quantités inouïes pour le cadre purement civil qu’il revendique) ne sert à rien si le reste du programme est en miettes. Et ce d’autant que les scientifiques nucléaires iraniens ont été décimés au préalable par Israël : les têtes pensantes ne sont plus.

Alors, Donald Trump aurait-il rejoint le camp des « neocons », avides de déstabilisation et de guerres lointaines au profit du « complexe militaro-industriel », outrepassant au passage ses pouvoirs constitutionnels – comme le proclament des Démocrates aux USA – pour déclencher cette offensive ? S’est-il montré « instable », comme on a pu l’entendre sur France Info, parce qu’il avait évoqué une période de 15 jours au bénéfice du régime iranien en lui enjoignant de négocier et qu’il a frappé en moins de 48 heures ?

La remarque du journaliste était absurde. Trump annonçait le 19 juin qu’il prendrait une décision vis-à-vis de Téhéran « au cours des deux prochaines semaines ». Il a en fait mis le maximum de chances de son côté tout en créant l’incertitude. Il a pu déplacer des navires et autres dispositifs militaires sous forme de leurres, à la fois plaçant la défense iranienne dans un état de fausse sécurité et tournant ses regards dans une mauvaise direction. La complexité et la précision de « Midnight Hammer » n’arguent en rien d’une décision prise à la va-vite : elle a forcément été préparée longtemps en amont, dans une discrétion remarquable et avec une évaluation des risques reposant sur des renseignements fiables et étendus. Rien d’« instable » là-dedans, comme le montre a posteriori le succès de ce que certains appellent le plus grand pari de Donald Trump. Pari ? Coup hardi, mais calculé dans ses moindres détails, plutôt.

 

Trump joue un rôle eschatologique

La première réalité éclairant cet événement qui change profondément la donne au Proche-Orient, c’est la décision de Trump d’aller de l’avant alors même que le renseignement américain, par la voix de sa directrice Tulsi Gabbard, avait exclu au mois de mars que l’Iran fût sur le point de pouvoir construire des missiles nucléaires. Trump a dit tout net qu’elle avait tort. Le président des Etats-Unis déclarait alors que ce qu’elle pouvait dire lui était parfaitement égal. Samedi matin, moins de 24 heures avant l’attaque, Mme Gabbard s’est rattrapée en affirmant que ses propos de mars avaient été déformés par les médias : elle assurait penser l’Iran était effectivement à quelques jours ou à quelques mois tout au plus de la construction d’armes nucléaire : « Le président Trump a clairement dit que cela ne doit pas se produire et je suis d’accord. » Mais Trump ne semble guère prêter de l’importance à son avis.

Au-delà de ce va-et-vient, l’affaire montre que Trump n’a pas peur de s’opposer frontalement à ce qui incarne fondamentalement l’« Etat profond » dont on parle si légèrement sans les évoquer : les services du renseignement. On le sait grâce au transfuge Anatoliy Golitsyn, haut placé au KGB : la Pérestroika opérée par l’Union soviétique avait été décidée dès le début des années 1960 et élaborée par le KGB. D’ailleurs ses livres New Lies for Old et The Perestroïka Deception publiés en 1984 annonçaient, parmi bien d’autres prédictions qui se sont réalisées, la chute du mur de Berlin, la réunification allemande, la fin du pacte de Varsovie et la « libéralisation » en Russie, de manière à la laisser prendre des forces avant d’opérer une deuxième révolution d’Octobre… La révolution communiste prend son temps.

Le pouvoir politique et les présidents passent ; les « services » sont stables, dotés d’un budget secret pour lequel ils n’ont pas à rendre de comptes, capables de monter des opérations secrètes elles aussi. Et on peut dire que Trump a raison de s’en moquer : juste avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, c’est le renseignement qui faisait une fois de plus entendre sa petite musique rassurante, mais fausse, selon laquelle les 100.000 hommes massés par Poutine à la frontière n’étaient là que pour de bénignes manœuvres.

 

« Midnight Hammer » : une attaque très réfléchie contre l’Iran

La deuxième réalité que devrait rappeler à notre mémoire l’opération « Midnight Hammer » est celle de l’hostilité radicale du communisme à l’égard des Juifs et d’Israël. C’est une opposition constitutive, qui s’explique sans aucun doute par le caractère infernal du communisme qui se dresse contre Dieu sur tous les plans, exprimant en quelque sorte la haine démoniaque contre la miséricorde divine : la conversion finale n’est-elle pas promise au peuple élu, le peuple dans lequel le Christ s’est incarné et qu’Il aime comme sa famille charnelle ?

Cette haine s’est déjà exprimée à travers les siècles, et de la manière la plus spectaculaire et la plus meurtrière dans l’Allemagne nazie… national-socialiste. Hitler était bien un homme de gauche et la haine des Juifs est du même métal, comme on le voit aujourd’hui dans les réactions politico-médiatiques à travers le monde.

Cette haine, on la retrouve à un autre niveau dans cette analyse de l’histoire qui voudrait qu’un complot « judéo-maçonnique » soit à l’œuvre dans le monde pour imposer le mondialisme et la destruction des valeurs chrétiennes.

L’Eglise catholique, d’ailleurs, n’a jamais dénoncé un tel complot. Si elle a condamné la franc-maçonnerie des centaines de fois, depuis l’origine de celle-ci et sans varier – Léon XIII la qualifiait d’« œuvre du démon » – il n’en va pas de même pour les Juifs qu’elle a au contraire protégés au long de l’histoire, dénonçant les pogroms, ainsi que la haine à leur égard qui n’a absolument rien de chrétien. Les ghettos eux-mêmes, où ils étaient contraints de vivre dans les sociétés chrétiennes, ont pu protéger les Juifs dans leur existence communautaire : en tout cas ceux-ci ne relevaient pas de la haine destructrice ou d’une volonté de les éliminer de la cité.

Mais voici que cette haine s’exprime au XXIe siècle par le truchement d’une République islamique, l’Iran, qui n’a aucun scrupule à la dire de la manière la plus violente, particulièrement à l’égard d’Israël qu’il a entouré de ses groupes terroristes affidés, depuis le Hamas jusqu’au Hezbollah, et jusqu’aux rives de la mer Rouge où les Houthis du Yémen apparaissent clairement comme les exécuteurs de ses volontés pour perturber le trafic vers le canal de Suez. Dans la foulée de l’attaque américaine contre ses bases nucléaires, l’Iran n’a-t-il pas menacé de réactiver ces attaques contre les cargos étrangers, tout en bloquant la circulation du gaz et du pétrole par le détroit d’Ormuz (mais au détriment de ses propres exportations) ?

L’Iran fait aujourd’hui et plus que jamais partie du grand bloc qui se constitue autour de la Russie et de la Chine.

 

Le monde des deux blocs s’explique dans la dimension eschatologique

Il y a là une continuité naturelle : le globalisme socialiste, et surtout le communisme marxiste qui en est l’expression la plus pure, sont par nature ennemis d’Israël. D’abord parce qu’Israël est le grain de sable dans la machinerie du mondialisme : avec ses frontières à défendre et son nécessaire nationalisme, il contredit la nouvelle construction de Babel, il est le nœud gordien qu’il faut pouvoir trancher en vue de créer un gouvernement mondial négateur des droits des peuples et des nations. Mais aussi, comme nous l’avons dit, parce qu’eschatologiquement Israël, qu’il le veuille ou non, est dans l’attente de la miséricorde surabondante du Rédempteur, du Messie qu’il a rejeté et auquel celui-ci a promis le salut par la conversion des Juifs avant la fin des temps. Et c’est pour cela qu’il est menacé de destruction, vraiment.

Aussi, il serait bien téméraire de penser que l’Iran ne cherche pas les moyens d’opérer cette destruction, et il est au fond rassurant de voir un homme comme Trump, un homme véritablement opposé à l’Etat profond, prendre des moyens aussi spectaculaires pour l’en empêcher.

L’Iran, nous l’avons dit, s’inscrit dans un nouvel axe qui en fait dans une certaine mesure l’exécuteur des basses-œuvres de son voisin et allié russe, et qui l’a fortement rapproché de la Chine restée ouvertement communiste. Ce n’est pas un hasard si Vladimir Poutine a qualifié les frappes américaines d’« irresponsables »… Il s’était associé à Xi Jinping la veille de l’attaque pour condamner les actions d’Israël contre Téhéran et aujourd’hui Xi, somme toute peu désireux à l’heure actuelle de se heurter frontalement aux USA, lance des appels à la « désescalade » du conflit où ces derniers ont fait leur rentrée si fracassante.

 

Etats-Unis, Iran, Israël et le communisme

Le communisme, il faut le souligner, ne s’exprime plus aujourd’hui a travers l’évaluation de la possession des moyens de production, qui n’est plus à l’ordre du jour, mais selon le sens profond de ce système politique : le (néo) communisme vise le contrôle de l’individu totalement soumis à l’Etat par le biais du contrôle social, du crédit social. La Chine en est le parfait exemple. Islam et communisme font à cet égard bon ménage : le brillant sociologue Jules Monnerot n’appelait-il pas le communisme « l’islam du XXe siècle » ?

On nous parle beaucoup de multipolarité comme une sorte d’idéal à atteindre, qui permettrait aux diverses régions du monde à échapper à l’unipolarité constituée par l’hégémonie américaine. Elle serait le nouveau paradigme faisant suite, quarante ans après la chute de l’URSS, à la destruction de la logique des deux blocs – le « monde libre » et le monde des Républiques Socialistes et de leurs alliés.

Mais c’est autre chose que l’on voit. C’est depuis cinquante ans que le bloc communiste de jadis, voué à l’écroulement par son inévitable échec économique, a constitué les forces dont il fait montre aujourd’hui. La Chine, soutenue par les forces mondialistes à l’Ouest, a pu faire son entrée sur les marchés et bénéficier de ses avantages démographiques et de main d’œuvre à bas coût jusqu’à devenir l’usine du monde, dialectiquement transformée en grande puissance dont les dépenses militaires – directes mais aussi indirectes puisque toute la société civile est officiellement considéré comme faisant partie de cet effort – sont devenues ces dernières années colossales.

Pendant ce temps, deux Etats dont rien ne laisse penser qu’ils sont menacés d’annihilation par les Etats-Unis concentrent leurs efforts sur l’obtention de la bombe atomique et la construction de missiles balistiques : l’Iran, avec sa volonté affichée de détruire Israël, et la Corée du Nord, qui s’attache à son allié russe au point d’envoyer ses hommes se faire tuer à la guerre que celui-ci mène contre l’Ukraine.

L’intermède stratégique touche à sa fin. La bipolarité – deux grands blocs qui se font face – reprend ses droits. Russie, Chine, Corée du Nord, Venezuela, Iran… et une bonne part des pays jadis « non alignés » mais alignés de fait sur les intérêts de l’URSS se sont retrouvés ou rapprochés et se resserrent les coudes, parfois de manière fort visible comme dans le cadre des BRICS où s’intègre également l’Inde, qui pèse de plus en plus lourd. Le monde s’affiche de nouveau fracturé, et les Etats-Unis sont largement condamnés pour leur action, alors même que la donne a changé en raison de la puissance chinoise.

C’est aussi cette nouvelle donne – ce nouvel équilibre qui risque de basculer – qui a certainement joué dans la décision de Donald Trump de frapper maintenant. Non pas en faveur d’un Etat impeccable – Israël ne l’est pas – mais contre un mal plus grand.

 

Jeanne Smits