Kim Jong Un, Macron, G7, nucléaire, Corée : derrière le cinéma de Trump

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Donald Trump superstar tourne autour du monde. Au Québec il bouscule le G7, Merkel et Macron, à Singapour il signe un accord nucléaire avec Kim Jong Un, le maître de la Corée du Nord. Qu’y a-t-il derrière ces images de cinéma, quelle politique ?
 
Surmontant les obstacles que posaient sur leur route les préjugés du passé pour relever le défi de travailler ensemble, Donald Trump et Kim Jong Un, mutuellement honorés, se sont longuement serré et secoué paumes et phalanges devant leurs drapeaux respectifs, alignés afin de composer un décor symbolique. Cette poignée de mains, chacun en convient, est historique. Elle ouvre une nouvelle ère. Ce que sera cette nouvelle ère, nul ne le sait, c’est le propre des nouvelles ères.
 

Nucléaire : « vérifiable et irréversible », ou « ferme et inébranlable » ? 

 
Les gens qui n’aiment pas Trump, ils sont nombreux, relèvent que, certes, c’est la première fois qu’un président américain rencontre ainsi un phare de la pensée nord-coréenne, mais que c’est justement un signe de faiblesse. Kim Jong Un, son père et son grand père, rêvaient de cette poignée de mains depuis des années, Trump la leur offre sur un plateau d’argent avant toute négociation. Ils ajoutent que les termes du communiqué commun final sont agréables et flatteurs mais d’un flou remarquable. L’objectif des Etats-Unis était d’obtenir l’engagement de la Corée du Nord vers une dénucléarisation « vérifiable et irréversible », et Kim Jong Un n’a promis qu’un engagement « ferme et inébranlable ». Mais ces engagements, quelle légitimité les Etats-Unis ont-ils de les exiger ? Quant à la vérification, l’histoire de l’Irak, la Syrie et l’Iran le montre, c’est un sujet de controverse sans fin. En somme, les poignées de main, sourires guindés et déclarations vagues de Kim et Trump, c’est comme toujours du vent, du théâtre. Words, Words, Words !
 

Trump fait son cinéma à Kim Jong Un avec sa limousine

 
C’est plutôt du cinéma. Trump est maître de la chose. Il a demandé aux journalistes chargés de prendre la photo que les chefs d’Etat aient « l’air beaux, élégants et mince ». Et il a fait les honneurs de sa limousine de sept tonnes, The Beast, la bête, qu’il avait fait transporter à Singapour. Kim Jong Un, lui, ne lui a pas fait visiter ses toilettes privées, qui avaient fait le voyages elles aussi pour raisons de sécurité, mais, quand Donald viendra à Pyongyang, il aura plein de choses à lui montrer. On est dans un remake un peu bavard du Dictateur.
 
Mais les anti-Trump obsessionnels qui se rongeaient les ongles et les sangs dans la crainte du champignon nucléaire l’an dernier au moment de la crise des missiles devraient en être contents. Tout cela, les menaces réciproques, l’apocalypse atomique frôlée à deux doigts, c’était du cinéma.
 

Kim Jong Un et Trump : ne pas confondre Peter Falk et Colombo

 
Les deux fous aussi, donc, c’était du cinéma. Kim Jong Un, le pire des dictateurs du monde, c’était un simple personnage. Sans doute la Corée du Nord n’est-elle pas un modèle de développement économique et de droits de l’homme, mais on peut en dire autant de sa grande voisine la Chine. Et Trump, le versatile irascible imprévisible, c’était du cinéma aussi. C’est un acteur très réfléchi, il choisit soigneusement rôles et scénarios. Il n’a jamais serré la main de Bachar ou d’un Ayatollah. Ce sera pour plus tard, si les producteurs veulent bien. 
 
Les spectateurs que nous sommes devraient être satisfaits. Dans notre monde d’images, n’existe que ce qui paraît exister. Trump et Kim Jong Un viennent de mettre fin à un film de guerre pour commencer un film de magouille ordinaire. Tous les amateurs de paix devraient applaudir si quelque chose ne les retenait : ils n’aiment pas les acteurs. C’est ça l’ambiguïté du cinéma, on assimile les acteurs à leur rôle. Essayez d’imaginer Peter Falk autrement qu’en Colombo. Trump et Kim Jong Un, c’est pareil.
 

Moins tactile qu’avec Macron, plus solennel qu’au G7

 
Le jeu de Trump, celui de ses mains en particulier, a été un peu moins tactile qu’avec Macron. Il faut dire que Kim a plus de masse à déplacer, et qu’il doit se formaliser facilement. Ce n’est pas trop le genre claque dans le dos et give me five, il faut s’adapter, innover. Tous les grands acteurs le font, jusqu’à leur rôle de trop. De Niro, par exemple. Il a été fabuleux, du Voyage au bout de l’enfer à Mon beau-père et moi, et puis, là, il est en train de se planter. Depuis la primaire américaine, il tient le rôle de coryphée des anti-Trump. Il est apparu dans une pathétique bande de propagande pour Hilary Clinton avec d’autres fans démocrates. Il a jeté depuis, à chaque occasion, une poignée de piques contre le président américain, comme les enfants de chœur de jadis lançaient des pétales de rose pour la Fête-Dieu. Bref, Taxi driver et Raging bull s’est transformé en militant gauchiste de base.
 

Trump inspire son dernier rôle à De Niro : « Tête à claques »

 
Sans trop de nuance ni d’imagination. De passage au Canada après le G7, il a « tenu à s’excuser » pour le « comportement idiot » de Trump. Et, à la remise des Tony (les Molière de Broadway), il a récolté de gros applaudissements en répétant : « J’emmerde Trump, j’emmerde Trump ». Le hic est que Trump, s’il aime faire son cinéma, regarde la télé. Il a immédiatement tweeté : « Robert de Niro, un individu au Q.I. très bas, a reçu au cinéma trop de coups à la tête assénés par de vrais boxeurs ». Et d’ajouter : « Je l’ai vu hier soir et je crois vraiment qu’il est groggy. Je suppose qu’il ne se rend pas compte que l’économie est au mieux, avec un taux d’emploi au plus haut et beaucoup d’entreprises qui reviennent dans notre pays. Réveille-toi, tête à claques! » Avec plus d’alacrité que de finesse, le POTUS pose une vraie question, à laquelle nous ne sommes plus habitués : derrière le cinéma du pouvoir, derrière l’infomusement des médias, quelle est la réalité économique et politique, comment vit-on dans la vraie vie ?
 

Le cinéma sur la Corée permet à Trump d’avancer ses pions

 
Que cherchent et que trouvent Kim Jong Un et Macron quand ils touchent Trump et se montrent avec lui ? Macron croit-il vraiment qu’avec des coups de fil, des bras de fer pour rire et des Hugs il va faire bouger la géopolitique ? Quelle réalité vise-t-il ? Et Trump, à part faire oublier ses démêlés, ou plutôt sa lutte à mort, avec les institutions américaines qu’on nomme parfois Etat profond ? Difficile à discerner, mais je vois trois pistes. D’abord, pendant qu’on se demande sérieusement dans notre presse, s’il est fou, Trump fait avancer ses réformes économiques, qui marchent, comme ne l’a pas vu De Niro. Ensuite, pendant qu’il fait du cinéma en Syrie, en Iran et en Corée du Nord, on lui fiche la paix avec l’ambassade des Etats Unis à Jérusalem. Enfin, pendant que l’Europe entière furax se dresse contre lui, on ne s’avise pas qu’il annonce la réduction du déficit américain – ce que le monde entier souhaite, sauf quelques banquiers qui y puisent un pactole depuis des décennies. Ainsi se dessine la carte de ses alliés et de ses cibles, et ma foi, il n’avance pas si mal ses pions. Mais quand il s’agira de négocier avec la haute finance la réduction des rentes qu’elle tire de la dette américaine, ce sera un autre cinéma qu’avec ce bon Kim Jong Un.
 

Pauline Mille