La Turquie sans majorité ni coalition

Turquie sans majorité coalition
 
Le premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, a remis mardi au président Recep Tayyip Erdogan le mandat que celui-ci lui avait confié le 9 juillet dernier en vue de former un nouveau gouvernement. Le constat selon lequel la Turquie se retrouve non seulement sans majorité, mais dans l’impossibilité même de dégager une coalition gouvernementale, laisse le président sur un échec qui va le contraindre à organiser de nouvelles élections anticipées à l’automne.
 
Depuis que l’AKP, le Parti de la justice et du développement, qu’il a fondé au début des années 2000, a perdu la majorité absolue lors des législatives du 7 juin, le président Erdogan sait qu’il a, partiellement du moins, perdu la partie. En organisant de nouvelles élections, il prend en effet le risque de perdre totalement le pouvoir, ou, au mieux, de se retrouver dans la même situation avec une opposition qui se refuse à toute idée de coalition. Il serait fort étonnant en effet, que, en l’état actuel des tensions qui divisent son pays, les urnes rendent à cette occasion la majorité absolue à l’AKP.
 

La Turquie sans majorité ni coalition

 
Il y aurait cependant une autre possibilité. Que Recep Tayyip Erdogan confie au Parti d’action nationaliste (MHP), arrivé en seconde position en juin, la tâche de former un gouvernement. S’il y parvenait, le président s’éviterait de nouvelles élections potentiellement dangereuses, mais il aurait définitivement perdu sa majorité.
 
Une perspective qui ne semble pas avoir la préférence du président Erdogan dont l’espoir, selon certains analystes, repose sur l’idée qu’un nouveau scrutin puisse rendre la majorité à l’AKP. Le premier président élu au suffrage universel direct saisirait sans doute alors l’occasion pour mettre en place une réforme de la Constitution qui lui tient manifestement à cœur, et s’octroyer ainsi des pouvoirs plus étendus. Devant l’impossibilité de constituer un gouvernement, il avait d’ailleurs suggéré la semaine dernière, à la colère de ses opposants, que le régime turc avait de facto changé, pour devenir un régime présidentiel.
 

Pas de putsch constitutionnel

 
Malheureusement pour lui, le pouvoir n’est actuellement pas assez fort pour pouvoir réaliser ce qui constituerait un putsch constitutionnel. D’autant que l’économie se ressent assez mal de cette incertitude politique, et que la livre turque ne cesse de baisser sur les marchés de change, pour atteindre une dépréciation de plus de 19 % par rapport au début de l’année.
 
Les analystes s’inquiètent de ce que, malgré cette mauvaise tenue de la monnaie nationale, la Banque centrale ait pris la décision de ne pas relever les taux d’intérêt, se contentant d’annoncer une politique monétaire plus restrictive – déclaration qui a eu pour effet immédiat de faire chuter davantage encore la monnaie nationale.
 
Quelle que soit la décision à laquelle s’arrêtera finalement le président Erdogan, il aura sans doute tout intérêt à se prononcer rapidement, et à ne pas attendre au maximum des délais prévus par l’actuelle Constitution.
 

François le Luc