L’UE « a besoin d’une nouvelle crise financière » pour parachever l’union bancaire

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Avez-vous apprécié la crise financière de 2008 ? Moyennement, sans doute, mais pour les fédéralistes européens, elle est sans doute à classer parmi les événements positifs qui jalonnent la route de la construction de l’UE. La preuve, c’est qu’un haut responsable européen, Olivier Guersent, vient d’appeler de ses vœux une nouvelle crise qui permettrait d’affoler suffisamment les leaders politiques européens pour qu’ils acceptent de parachever l’union bancaire dans la zone euro. On n’est pas plus cynique, mais au moins les choses sont dites.
 
Pour Guersent, directeur général de la stabilité financière, des services financiers et de l’union des marchés de capitaux – l’organe de la Commission européenne chargé de la politique de l’UE dans les secteurs bancaires et financier – les hommes politiques ont besoin « d’une crise assez grande pour leur faire suffisamment peur, mais pas assez grande pour nous tuer ».
 
« J’ai l’impression que [les Etats membres] ont la fausse impression que tout va bien, mais tout ne va pas bien et le travail est à moitié fait », a-t-il expliqué lors de la conférence annuelle du Conseil de résolution unique à Bruxelles, lundi. Ce conseil (CRU, ou SRB en anglais) chargé de « la résolution ordonnée des banques défaillantes, avec une incidence minimale sur l’économie réelle et les finances publiques des pays de l’UE participants et d’autres pays », est une agence de l’UE « indépendante et autofinancée », parfaitement dans la ligne du fédéralisme supranational.
 

De l’utilité d’une crise financière pour la construction de l’UE

 
Attendons-nous donc à apprendre la survenue d’une telle crise, puisqu’elle est indispensable à l’acceptation de nouvelles prises de pouvoir au niveau de l’union européenne…
 
La première crise financière a déjà donné lieu à des pas dans la direction de l’union bancaire, envisagée « autour de trois piliers » : une supervision financière centralisée sous l’autorité de la Banque centrale européenne, acquise à la fin de 2014 ; la mise en place du mécanisme de résolution unique qui a permis au CRU de devenir responsable en janvier 2016 du processus de démantèlement ou de restructuration de banques en difficulté ; la création d’un plan d’assurance des dépôts qui reste à réaliser, notamment en raison du refus persistant de l’Allemagne.
 
En attendant, les Etats de la zone euro envisagent une autre avancée sur cette voie en mettant en place un nouveau « filet de sécurité » capable de prendre le relais du Fonds de résolution unique (FRU), financé par l’industrie et riche de 25 milliards d’euros cette année (les fonds devraient atteindre environ 55 milliards d’ici à 2024), au cas où surviendrait une défaillance bancaire trop importante.
 

L’union bancaire européenne a besoin d’une crise financière pour s’autojustifier

 
Les leaders de l’UE sont d’accord sur le principe : si le FRU devait être confronté à la défaillance d’une banque « trop grosse pour faire faillite », il faudrait que le mécanisme européen de stabilité, chargé notamment du sauvetage des Etats membres en difficulté, puisse intervenir en tant que prêteur en dernier ressort.
 
Pour Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne, il est important que les négociations à propos de ce filet de sécurité soient achevé d’ici à la fin de l’année, même si le projet est « ambitieux ».
 
A la même réunion, Andrea Enria, président de l’Autorité bancaire européenne, a sonné l’alerte à propos du déficit des 35 principaux groupes de banques européennes : 125 milliards d’euros l’an dernier, selon le CRU. Et d’expliquer que la « fenêtre de tir » pour recueillir des capitaux capables d’absorber les pertes se referme actuellement, alors que les marchés de financements internationaux deviennent plus volatiles.
 
Bref, les ingrédients de la crise et de sa résolution supranationale sont tous bien présents. Suffit-il d’attendre ?
 

Anne Dolhein