Ukraine : quel cessez-le-feu ?

Ukraine : quel cessez-le-feu ?
 
Les forces armées ukrainiennes ont abandonné mercredi matin la ville de Debaltseve, dans l’est de l’Ukraine, qui est donc désormais aux mains des séparatistes pro-russes. Pour l’Union européenne, cette prise de Debaltseve constitue une claire violation du cessez-le-feu ; Bruxelles a ordonné, nous dit-on (mais à quel titre ?), aux rebelles de « cesser toutes leurs activités militaires ». Pour sa part, le président ukrainien Petro Porochenko a immédiatement quitté Kiev par avion pour se rendre sur le front.
 
L’Union européenne implique pleinement la Russie dans ce nouvel avatar du cessez-le feu. « La Russie et les séparatistes doivent immédiatement et pleinement mettre en œuvre les engagements pris à Minsk, (…) à commencer par le respect du cessez-le-feu et le retrait de toutes les armes lourdes », a déclaré le chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, qui a précisé que l’UE se tenait prête à toute action appropriée au cas où les combats et d’autres développements négatifs violant l’accord de Minsk se poursuivraient. Sans précision, bien sûr, mais il est clair que la diplomatie européenne n’est pas dans l’optique d’empêcher une nouvelle escalade de la violence…
 

Un cessez-le-feu mal compris

 
Berlin a été plus loin encore – si c’est possible – en déclarant cette prise de Debaltseve « très néfaste pour les espoirs de paix », selon les propos du porte-parole du gouvernement, Steffen Seibert, estimant qu’il s’agissait là, en effet, d’une « violation massive » du cessez-le-feu.
 
« Désormais, a-t-il ajouté, il faut observer la situation. » Ce qui signifie clairement que Berlin, comme l’ensemble de l’Union européenne, est impuissante à voir clair dans la situation, et à s’opposer à la guerre. Il est vrai que, en contrant systématiquement le point de vue des séparatistes, elle n’a guère fait preuve de beaucoup de diplomatie. Ceux-ci avaient en effet souligné à plusieurs reprises considérer que le cessez-le-feu ne pouvait concerner ce qu’ils considèrent être leur territoire, mais n’avoir donc d’impact que sur la frontière les séparant du nouveau territoire de l’Ukraine. Quoi qu’on en pense par ailleurs, n’en avoir pas tenu compte réduit les accords de Minsk, quel que soit le numéro qu’on leur donne, à n’être qu’une sinistre mascarade !
 
En attendant, Vladimir Poutine peut être satisfait. Le président russe avait, quelques heures plus tôt, lancé un appel à Kiev pour que les autorités ukrainiennes n’empêchent pas leur armée de déposer les armes.
 

Quelle Ukraine ?

 
Il y a donc, comme c’était prévisible, deux compréhensions contradictoires du même accord signé pour un cessez-le-feu en Ukraine. Avec un risque d’extension du conflit, sans qu’on puisse en mesurer la limite. Car les Etats-Unis, qui ne peuvent admettre cette restriction apportée à leur sphère d’influence, menacent désormais directement la Russie. Dans un entretien téléphonique qu’il a eu mardi avec le président ukrainien Petro Porochenko, le vice-président américain Joe Biden prévenait déjà que « le prix à payer pour la Russie sera plus lourd ».
 
Sans être précisée, la menace n’en est pas moins lourde de conséquences : économique, politique, et, éventuellement, militaire…
 
On gage que le nouvel entretien téléphonique qu’Angela Merkel et François Hollande doivent avoir ce soir avec Petro Porochenko et Vladimir Poutine ne pourra qu’entériner les désaccords. Il sera en tout cas tendu !