A quoi sert un budget (II) ? L’Union européenne, arc-en-ciel radicalisé

Union européenne arc-en-ciel radicalisé
 

Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, vient de présenter ce que l’on nomme le budget à long terme de l’Union européenne, lequel fixe le cadre financier de l’Union entre 2028 et 2034, pour une période de sept ans qui succède à la période 2021-2027, encore en cours. Le montant total de l’enveloppe est fixé à deux mille milliards d’euros. Le projet de budget a déjà suscité l’opposition de l’Allemagne et des Pays-Bas, qui contribuent et l’estiment trop élevé, et de la Hongrie, qui en refuse la ventilation, notamment l’aide à l’Ukraine et la baisse des aides agricoles. Le détail des recettes et des dépenses détermine en effet un projet politique. Dans l’ensemble, il révèle une tendance ancrée de l’Union Européenne, toujours plus radicalisée, au dirigisme, au socialisme visant à l’établissement d’un Etat fédéral, en même temps qu’une conformité à l’idéologie du genre, de l’écologisme et de l’immigrationnisme, en somme une promotion décidée de l’arc-en-ciel mondialiste.

 

Le budget de l’Union européenne, casse-tête organisé

Le budget européen et ses règles sont un tel casse-tête et ont subi depuis la création de la CECA en 1950 tant de modifications, dans une complexité et une opacité croissante, qu’il convient de rappeler quelques données de base utiles. Si le traité de Rome en 1957 en donne un premier aperçu, c’est la présidence de Jacques Delors qui en a dessiné à peu près la forme actuelle, plusieurs fois retouchée. Il y a d’une part le budget à long terme sur sept ans, de l’autre le budget annuel. Les recettes se partagent en trois tranches, les « ressources propres » (surtout des droits de douane perçus aux frontières extérieures), la TVA (rétrocédée en partie par les États membres), et la contribution des Etats membres, appelée RNB, parce qu’elle est calculée en fonction du Revenu National Brut de chaque membre. La part des revenus propres approchait 30 % (contre 11 % de RNB) en 1988, elle est tombée en 2014 à 12 %, contre 74 % de RNB. En d’autres termes, le « budget européen » est massivement abondé par les contribuables des nations européennes, Allemagne et France en tête.

 

Budget des valeurs et de la souveraineté européennes

Côté dépenses, on est passé de 93 milliards de budget annuel en 2000 à 159 milliards en 2018 et 193 milliards en 2025. Deux principaux postes de dépenses l’emportent nettement sur les autres. Les « ressources naturelles et environnement », pour 57 milliards d’euros, financent les convictions écologistes et la transition énergétique, et le bloc « Cohésion, résilience et valeurs », pour 78 milliards, le plus important, au-delà du développement des régions, illustre l’idéologie arc-en-ciel, genre, LGBTQ, « antiracisme », etc., sous couleur d’Etat de droit et de démocratie. Significativement, le bloc migration et gestion des frontières n’utilise que 4,8 milliards d’euros. La question qui se pose est simple : est-ce que le projet déposé par la présidente maintient cette orientation, l’accentue ou la corrige ? Notons avant de répondre que le budget s’établit à 2.000 milliards d’euros contre 1.071 pour la période précédente : mais une rallonge spéciale de 750 milliards avait été rajoutée au moment du covid. On reste à peu près dans les mêmes montants, un peu plus de 1 % du PIB de l’Union européenne.

 

Endettez-vous au profit de l’arc -en-ciel

On relève cependant une tendance générale rendre ordinaire les dépenses extraordinaires. Cela provoque forcément l’augmentation des contributions augmentées à terme (bien qu’Ursula Von der Leyen annonce de « nouvelles ressources propres », toutes dans la veine écologiste) et un endettement consécutif. Fait notable et caractéristique, l’Union européenne, qui édicta jadis les critères de Maastricht limitant le déficit et la dette pour mieux enrégimenter les Etats membres, provoque dans la pratique déficits et endettement, et elle montre l’exemple par l’augmentation du budget comme par les fonds spéciaux qu’elle décrète à tout bout de champ, pour le covid ou la guerre en Ukraine. Le quoi qu’il en coûte est devenue la règle ordinaire de gestion. Ce n’est plus le « enrichissez-vous » de Guizot, c’est un « endettez-vous », il en restera toujours quelque chose, un peu plus de dépendance vis-à-vis de l’Union. Le budget européen est d’abord un moyen de faire advenir un Etat européen fédéral. Sur ce point, le nouveau cadre financier pour sept ans est une aggravation du phénomène.

 

Un système de dépenses de l’Union radicalisé

Regardons maintenant le détail des dépenses prévues. Les « paquets » ont été redécoupés de façon qu’on puisse mal comparer, mais, si l’on isole par exemple celui qui correspond à l’agriculture, on voit qu’il passe de 387 milliards sur la période 2021-2027 à 300 milliards. Près d’un quart en moins. Comme si Bruxelles partageait les sentiments de Sandrine Rousseau pour les paysans. Quant au « fonds européen pour la compétitivité », il inclut la « préparation aux crises » et la « défense et l’espace », c’est-à-dire un nouvel abandon de souveraineté des Etats au profit d’une Union européenne régalienne. Le nouveau programme Agora entend formater en outre la société civile via les médias, l’audiovisuel et « les valeurs » de l’UE. Quant à l’environnement et la transition énergétique, la Commission annonce un bloc de 700 milliards, répartis sur plusieurs paquets. Le projet Von der Leyen est donc un projet arc-en-ciel radicalisé. Sauf sur un point : les 244 régions de l’Union, qui dans le système existant négociaient directement avec Bruxelles la dotation qui leur était allouée par le « fonds de cohésion », devraient rétrograder : l’Union s’adressera désormais aux Etats membres.

 

Des fonctionnaires arc-en-ciel engagent l’avenir de l’Europe

Mais cette reconquête apparente sur des souverainetés usurpées ressemble plutôt au choix de nouvelles priorités par l’Union européenne, qui redistribue les fonds à l’origine régionaux à l’Ukraine, à la défense, ou à l’environnement (« résilience hydrique, logement abordable »). Les négociations à venir et la censure qui menace Ursula Von der Leyen n’auront au fond qu’une incidence minime. Un monstre politico-administratif hybride, à la fois exécutif et législatif, composé de hauts fonctionnaires irresponsables, dessine à sa convenance l’avenir d’un morceau de continent sur lequel il exerce un pouvoir usurpé, renforçant par le budget prévu tant le pouvoir que l’usurpation, et l’idéologie arc-en-ciel qui l’anime. Et ce monstre compte sur la division des Etats pour tempérer la vivacité des oppositions que ses desseins suscitent.

 

Pauline Mille