Profitant de « l’espace politique » créé par le Brexit – même si celui-ci est loin d’être consommé – les hauts responsables de la Commission de Bruxelles s’activent pour obtenir une nouvelle avancée vers la création d’une armée européenne. Le « ministre » européen des Affaires étrangères, Federica Mogherini, se prépare selon des sources citées par le Telegraph à accélérer le calendrier de mise en place de structures militaires propres à l’Union européenne, capables d’agir de manière « autonome » par rapport à l’OTAN.
Parler d’« armée européenne » comme le font certains pays n’est certes pas un abus de langage. Il s’agirait d’une prise en mains par le pouvoir non élu de Bruxelles d’une des fonctions régaliennes par excellence des pays membres, d’une atteinte supplémentaire et pour ainsi dire définitive à leur souveraineté. Mener la guerre, ne pas la mener relèverait dès lors de l’UE, à mesure que son « armée » prendrait forme.
Le Brexit a permis d’accélérer le pas vers la création d’une armée européenne
Federica Mogherini ne s’est pas cachée, selon la presse britannique, de vouloir saisir une chance pour l’UE de se « relancer » après le « choc » du vote favorable au Brexit. « Nous avons l’espace politique aujourd’hui de faire des choses qu’il n’était pas vraiment possible de faire auparavant », a-t-elle déclaré aux ambassadeurs de l’Union européenne.
Dans sa configuration actuelle, le plan militaire pour l’UE prévoit que des pays comme la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Pologne créent des structures militaires permanentes qui soient en mesure d’agir au nom de l’Union européenne, de manière à permettre le déploiement de groupes de combat européens, ainsi que de 18 bataillons nationaux.
Qui dit groupes de combat dit unités de commandement. Un nouveau QG de pour la planification et les opérations militaires de l’UE verrait le jour à Bruxelles.
Celui-ci pourrait-il devenir un rival de l’OTAN ? C’est la crainte de certains, et c’est peut-être l’objectifs de pays membres comme la Hongrie et la République Tchèque qui ont fait savoir la semaine dernière qu’ils sont favorables à la « mise en place d’une armée européenne conjointe » alors qu’ils résistent de manière décidée à de nombreuses politiques européennes.
L’UE veut renforcer son fédéralisme à travers la création d’une armée commune
Une résistance qui connaît des failles, donc : à leur manière, ces Etats de l’ancienne Europe de l’Est, dans leur désir de se démarquer de l’Alliance atlantique et de marquer la puissance européenne face aux grands blocs servent malgré tout le projet de régionalisation du monde et de suppression des pouvoirs propres aux nations, à défaut de souhaiter l’abolition des frontières.
Le Premier ministre italien, Matteo Renzi, est lui aussi réputé favorable au projet, demandant à tout le moins une plus importante coopération européenne sur le plan de la défense selon le quotidien italien La Repubblica. Il souhaite entre autres voir les équipementiers militaires dispensés de TVA et bénéficier de subventions européennes pour la recherche – faudrait-il dire « fédérales » ?
Prendrait-on la peine pour cela de renégocier les traités, et de quelle manière ? Théoriquement, cela s’imposerait puisque en leur état actuel, ils restreignent sévèrement le recours au budget de l’UE pour les dépenses militaires.
L’Union européenne prendra-t-elle la peine de renégocier ses traités ?
Quoi qu’il en soit, une réunion sur le sujet est prévue le 16 septembre prochain à Bratislava lors de la prochaine rencontre des chefs d’Etat, à l’exception de Theresa May, bien entendu. Le Brexit élimine en effet des discussions le Royaume-Uni, seule grande puissance de l’UE à avoir manifesté son hostilité à un projet porté à la fois par la Commission, la France, l’Allemagne et l’Italie. Débarrassées de l’importun…
Côté britannique, les conservateurs sont peut-être lucides sur la motivation fédéraliste du projet, invoquée par le porte-parole pour la Défense, le parlementaire Geoffrey Van Orden, mais leur souci est surtout de maintenir intacte la puissance de l’OTAN :
« Les Etats-Unis et le Royaume-Uni aussi, d’ailleurs, se laissent tromper s’ils pensent que de telles manœuvres vont renforcer l’OTAN, le garant clef de notre défense collective. Au contraire, la création de structures de défense UE, séparées de l’OTAN, ne feront que conduire à la division parmi les partenaires transatlantiques à un moment où la solidarité est nécessaire face aux nombreuses menaces, complexes et dangereuses, qui pèsent sur les démocraties », a-t-il dit.
D’un mondialisme l’autre ?