Après le travail des médias, l’Union Européenne lance une enquête contre la Pologne sur le respect de l’Etat de droit

Union Européenne Pologne enquête Médias
Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne.

 
La bouche en chœur, les médias européens font tous la même constatation : « en pleine dérive autoritaire », la Pologne fait craindre des atteintes à l’Etat de droit… Personne ne doit donc s’étonner de la décision prise mercredi par l’Union Européenne de lancer une « enquête préliminaire. » L’un ne va pas sans l’autre.
 
Une décision inédite qui doit répondre aux remaniements « inquiétants » du gouvernement du Parti Droit et Justice (PiS), vainqueur des présidentielles en mai et surtout des législatives en octobre qui lui ont octroyé la majorité absolue au Parlement. La totalitaire Bruxelles n’aime pas la dissidence et veut imposer ses propres « valeurs », relayées encore et toujours par le pouvoir médiatique : une double tenaille à laquelle il est difficile d’échapper.
 

L’enquête sur la Pologne est ouverte

 
C’est la première fois que la Commission européenne enclenche le fameux mécanisme de surveillance des États suspectés de ne pas respecter les règles de droit – il avait été imaginé en mars 2013, à la suite des incartades hongroises.
 
« Clarifier les faits de manière objective » et « entamer un dialogue », tels sont les objectifs officiels. La sanction éventuelle au titre de l’article 7 prévoit quand même la suspension du droit de vote du pays concerné au Conseil européen…
 
Reste qu’elle requiert l’unanimité et que Viktor Orbán a d’ores et déjà annoncé qu’il s’y opposerait.
 

Deux crimes de lèse-démocratie ? Importance des juges et des médias

 
La Pologne cherche à museler l’opposition : voilà ce qui ressort de la hargne médiatique européenne et, parallèlement toujours, des pouvoirs bruxellois.
 
Deux crimes de lèse-démocratie. Au niveau du Tribunal Constitutionnel, le PiS a cherché à contrer les coups bas avancés par le précédent gouvernement libéral (PO), en annulant les toute récentes nominations de juges et en faisant les siennes propres. Et il a parallèlement, le 22 décembre dernier, durci la majorité interne nécessaire au tribunal pour censurer les lois, en passant aux deux tiers.
 
Concernant les médias publics, le Parlement a mis, le 31 décembre, un terme aux mandats des actuels dirigeants de la télévision et de la radio. La nouvelle loi prévoit que le Conseil national des médias sera choisi par le président et les deux chambres du parlement, pour défendre le « système des valeurs chrétiennes » et « cultiver les traditions nationales et patriotiques ».
 
De quoi hérisser les poils européens.
 

Extraordinaire hypocrisie de l’Union Européenne…

 
De fait, ils se hérissent. Et le couple médias-Bruxelles joue de plus belle. On nous dit que la rue polonaise manifeste pour « des médias libres », face au tournant « nazi » du gouvernement… que les manifestations n’en finissent plus de rassembler de nouveaux défenseurs de la démocratie… Un éditorialiste du journal européiste Standard de Vienne écrit : « Il s’agit d’un parti qui ne respecte ni les valeurs fondamentales de l’UE ni les principes démocratiques. »
 
Il semble pourtant que les deux s’opposent drôlement en la matière… Le totalitarisme européen éclate ici de la manière la plus franche. Cette Commission européenne dont les commissaires n’ont jamais été élus…. se prend pour qui ?
 
Qu’on se rappelle les mots du président du parlement européen, Martin Schulz, parlant le 14 décembre dernier, d’une sorte de « coup d’Etat » polonais. Ou de ceux du commissaire européen – et allemand – Günther Oettinger, parlant de placer « Varsovie sous surveillance »…
 

Une question de souveraineté

 
La réponse de la Pologne a été magistrale, dans sa dissidence assumée. Répondant, le 12 janvier, aux critiques de Frans Timmermans, de la Commission, le ministre de la justice polonais, Zbigniew Ziobro a mis en garde Bruxelles contre la tentation de « donner des instructions et en intimidant le parlement et le gouvernement d’un État souverain et démocratique dans le futur. » Il a notamment mis en lumière le fait que Timmermans n’avait usé d’aucun des canaux habituels pour se renseigner de façon approprié sur les remaniements constitutionnels, préférant s’en fier aux médias – une énième consécration politique d’iceux-là…
 
A Günther Oettinger, la réponse fut encore plus directe : « Où étiez-vous quand, en juin 2014, des agents des services spéciaux ont pénétré de force dans la rédaction d’un des plus grands hebdomadaires en Pologne, Wprost, et ont malmené le rédacteur en chef pour lui arracher son ordinateur portable avec des enregistrements compromettants pour le gouvernement dirigé [alors] par l’actuel président du Conseil européen Donald Tusk ?! » Les effets semblent différer…
 
Pas de leçon de démocratie à recevoir de l’Allemagne, qui sait si bien nommer dans la pratique ses chefs de radio et de télévisions publiques… à même de taire quand il faut les agressions politiquement nocives pour le gouvernement, confer Cologne !
 
La question demeure : peut-on encore défendre sa souveraineté ? Bruxelles veut se placer au-dessus de toute légitimité démocratique.
 

Réalité d’une dissidence anti-européiste… mais toujours atlantiste ?

 
La réalité est celle d’une dissidence anti-européiste, politique et culturelle, qui secoue cette Europe centrale et orientale contre la très gauchiste Bruxelles. « Comme si le monde ne devait automatiquement aller que dans un seul sens, selon un modèle marxiste – un nouveau mélange de cultures et de races, un monde de cyclistes et de végétariens, qui ne mise que sur les énergies renouvelables et combat toute forme de religion », avait résumé le ministre polonais des affaires étrangères au journal Bild
 
La Pologne a choisi d’aller à contre-courant, en soutenant, toujours selon les mots du ministre, « ce que veut la majorité des Polonais : les traditions, la conscience de son histoire, l’amour de la patrie, la foi en Dieu, en une vie de famille normale entre un homme et une femme ».
 
Reste que sa position demeure inédite. En ce qu’elle demeure, de par son caractère profondément antirusse, vassalisée en quelque sorte à l’OTAN qui a des installations sur son sol et soigne comme il faut cet opposant bienvenu à l’Europe de l’Est. Le Financial Times a néanmoins rapporté à la mi-décembre que le nouveau gouvernement aurait chassé la direction d’un centre de contre-espionnage de l’OTAN à Varsovie, lors d’un raid effectué en pleine nuit par un groupe de gendarmes militaires… La Pologne voudrait-elle aussi reprendre un peu de pouvoir sur ce terrain ?
 

Clémentine Jallais