Faute d’accord pour l’entrée des Bulgares et des Roumains au Canada et aux Etats-Unis, l’Union européenne envisage d’imposer – et donc de rétablir – des visas aux ressortissants d’Amérique du Nord, Américains et Canadiens. La chose pourrait paraître anecdotique, et relever de la réponse du berger à la bergère. Mais cela pourrait aller plus loin, puisque les éventuels accords économiques et commerciaux en discussion avec l’Amérique du Nord pourraient y laisser des plumes.
Au point de départ, il y a le fait que certains ressortissants de pays de l’Union européenne se voient toujours imposer des visas pour se rendre en Amérique du Nord. C’est ainsi le cas des Bulgares et des Roumains. Les Etats-Unis étant plus stricts encore que le Canada demandent également un visa aux Croates, Chypriotes et Polonais, malgré l’accord de libéralisation desdits visas qui a été conclu avec les autres Etats-membres de l’Union européenne.
Des visas pour les Américains et les Canadiens venant en Europe ?
Ce 12 avril, la Commission européenne étudiait donc la question de près. Parce qu’il lui paraît insupportable que, quels que soient les motifs qui poussent les Etats-Unis et le Canada à agir de la sorte, il y ait ainsi inégalité de traitement pour les divers ressortissants de l’Union européenne.
D’autant que, depuis le 20 décembre 2013, un règlement impose à tous les pays de l’Union européenne d’agir de concert sur la question des visas, surtout vis-à-vis des pays tiers qui imposent des conditions différentes aux citoyens européens selon leur pays d’origine.
En-dehors même de toute réglementation particulière, il paraît assez logique que Bruxelles défende une égalité de traitement pour l’ensemble des citoyens des Etats-membres de l’Union, quand bien même les Etats-Unis et le Canada pourraient y opposer une autre logique, en considérant certains problèmes de sécurité du fait, notamment, de la porosité de certaines frontières avec des pays avec lesquels les Etats-Unis, notamment, ne sont pas dans les meilleurs relations – pour se contenter d’un euphémisme. En l’occurrence, l’euphémisme suffit d’ailleurs, puisque les Américains attachent davantage d’importance à leur subjectivité qu’à l’objectivité d’une situation. Mais c’est sans doute aussi ce qui leur a permis de dominer de façon habituelle dans les relations internationales…
L’Union européenne envisage de froncer les sourcils, mais en a-t-elle le pouvoir ?
La difficulté présente dépasse le simple cadre des bisbilles anecdotiques. Parce que, si l’Union européenne venait à prendre cette décision de réciprocité à l’encontre des ressortissants américains et canadiens, Washington et Ottawa pourraient en prendre ombrage.
Même si, de fait, la politique des visas canadienne n’est pas basée sur la réciprocité, il n’y a pas, de leur point de vue, une agressivité quelconque dans leur démarche vis-à-vis des Européens, mais simple application d’une politique habituelle. A l’opposé, la décision bruxelloise pourrait être perçue comme inamicale.
Pour aller plus loin, la situation pourrait entrainer certains pays européens à bloquer la ratification du CETA – qui est au Canada ce que le TTIP est aux Etats-Unis, un accord économique et commercial global dont les négociations se sont conclues en août 2014, mais dont le texte doit encore être approuvé par le Conseil et par le Parlement européens.
Ce n’est pas que ce type d’accords soit particulièrement réjouissant. Si l’Europe venait à l’adopter en effet, 98 % des droits de douanes entre l’Union européenne et le Canada seraient supprimés, ce qui ne serait pas pour faire le bonheur d’un certain nombre de nos producteurs et de nos commerces européens.
Mais cela créerait une nouvelle tension entre les deux continents, tension que l’Europe n’a pas la volonté politique de soutenir par un esprit d’indépendance vis-à-vis des Américains. Dans la situation actuelle, l’une ou l’autre solution aura, pour nous, des conséquences préjudiciables…