Faire du Valle de los Caídos un centre laïque : le gouvernement espagnol veut faire partir les Bénédictins

Valle Caídos centre laïque
 

Ángel Víctor Torres, ministre de la Politique territoriale et de la Mémoire démocratique du gouvernement socialo-communiste espagnol, vient de déclarer dans une interview au quotidien El País qu’il souhaite transformer en centre laïque le Valle de los Caídos dans la vallée de Cuelgamuros, le sanctuaire érigé par l’Etat espagnol sur décision de Franco pour accueillir les restes mortels des combattants des deux bords de la Guerre civile de 1936-1939. Cela impliquerait le départ des moines bénédictins qui y assurent depuis 1955 une présence spirituelle à l’Abbaye Sainte-Croix. Et en toute logique, à la désacralisation de la basilique.

La pression en vue de faire disparaître le caractère visiblement religieux du lieu ne cesse de se renforcer, après ses premières victoires : l’exhumation de la dépouille du général Franco et son transfert vers un coin inaccessible d’un cimetière civil de la banlieue de Madrid en octobre 2019, puis en 2022 celle de l’un des auteurs du coup d’Etat en 1936, le général Queipo de Llanon, et celle des restes de José Antonio Primo de Rivera, fondateur de la Falange, en avril de l’année dernière.

 

Faire partir les Bénédictins : une urgence pour le gouvernement espagnol

Le ministre a été on ne peut plus clair sur la volonté du gouvernement de chasser les Bénédictins :

« Si cela ne tenait qu’à nous, nous aurions davantage avancé dans les exhumations de la vallée de Cuelgamuros, les moines bénédictins ne seraient plus là… mais il y a eu beaucoup de rendez-vous électoraux. Maintenant, nous sommes passés à la vitesse supérieure. »

Sur l’insistance de la journaliste qui demandait s’il existait une possibilité pour que les moines restent sur place – ils occupent seulement la partie avancée du complexe qui précède la basilique partiellement enfouie sous la montagne et surmontée d’une immense croix – Ángel Víctor Torres a répondu :

« Nous voulons qu’ils s’en aillent. Nous discutons actuellement avec eux et avec les autorités ecclésiastiques. Il faut que ce soit un centre laïque qui serve à expliquer la guerre et ce qui s’en est suivi. Il n’est pas possible qu’ils restent. »

Il a reconnu que les moines « ne veulent pas partir ; il y a des résistances ». Mais « il y a eu aussi des résistances à l’exhumation des restes de Francisco Franco et finalement la justice a donné son aval ». Où l’on comprend que le gouvernement est prêt à tout pour les expulser.

 

Le Valle de los Caídos insupporte la gauche

Alors que la journaliste l’interrogeait sur les lacunes dans les connaissances des jeunes Espagnols sur leur histoire, récemment mises au jour à l’occasion d’une enquête, le ministre a déploré leur « immense inculture historique » : « Elle me hérisse le poil », a-t-il répondu, alors que la loi espagnole impose l’enseignement de la « répression » franquiste – une exigence qualifiée par la droite d’obligation d’« endoctrinement ». Pour le ministre, le Partido Popular (droite libérale) est complice des mouvements de droite de conviction qu’il qualifie d’« extrême » pour empêcher ce formatage des esprits.

Torres a également confirmé que le gouvernement cherche désormais à déplacer les restes de José Moscardó Ituarte qui reposent toujours dans l’Alcazar de Tolède qu’il commandait et défendit héroïquement au cours d’un siège de 7 mois, refusant de céder au chantage des Républicains qui menaçaient de fusiller son fils Luís – ce qu’ils firent un mois après le refus de Moscardó de leur abandonner la place-forte. Mais le ministère de la défense semble s’opposer au transfert, comme à celui de Jaime Milans del Bosch, impliqué dans le coup d’Etat manqué du 23 février 1981, enterré dans la même crypte (fermée au public) de l’Alcazar que Moscardó.

 

Un « centre laïque » qui ne tolère aucune présence religieuse

Si la volonté du gouvernement socialo-communiste de gommer la mémoire des nationalistes espagnols dans une démarche relevant de la logique woke relève de la politique, celle-ci se répercute dans le domaine religieux de la même manière, quoique aujourd’hui symbolique : la Guerre d’Espagne avait porté les Républicains à se livrer à une persécution anti-catholique sanglante et meurtrière, martyrisant de nombreux prêtres, religieux et religieuses ainsi que des laïcs exécutés en raison de leur foi.

En cherchant à expulser les Bénédictins de Los Caídos, le gouvernement n’hésite d’ailleurs pas à passer outre aux dispositions légales dont bénéficient (encore) les lieux de culte en Espagne. Ainsi, seule l’Eglise, et non le gouvernement, peut prendre la décision de désacraliser la basilique qui surplombe l’ensemble architectural du Valle de los Caídos afin de le convertir en « centre laïque ».

Infocatólica précise : « En outre, le 27 mai 1958, Pie XII a publié le bref pontifical Stat Crux, un cas unique au XXe siècle en ce qui concerne l’ordre de Saint-Benoît, dans lequel il a pris toutes les dispositions nécessaires pour l’érection immédiate du monastère en abbaye. En d’autres termes, ni l’archevêque de Madrid ni la conférence épiscopale espagnole ne peuvent décider du sort de la communauté bénédictine de la vallée. »

 

Jeanne Smits