Ah, ce n’est pas facile d’être « anti-système » (ou du moins anti un certain système…). L’ancien ministre grec des Finances déchu, Yanis Varoufakis, a voulu jouer la carte de la transparence face à la classe médiatique et politique européenne qui a réussi à l’évincer, en publiant sur son blog la liste de ses allocutions ainsi que le montant de ses honoraires… Si un faible pourcentage, seulement, a été rémunéré, l’effet attendu n’a pas été le bon. « 1.000 euros la minute !» titrait la presse française. La chasse a été brusquement et bruyamment ouverte.
La transparence a opacifié la bonne foi de Varoufakis…
Il voulait faire passer un peu de ce « Printemps d’Athènes », face à la Troïka qui l’a évincé, lui, trublion impénitent des accords européens grecs… Par-delà son échec face à l’Union européenne, la Banque Centrale européenne et le Fonds monétaire international, contre les campagnes de dénigrement médiatique, il a voulu « faire briller la lumière de la transparence sur le processus décisionnel de l’Europe comme une condition préalable à la lutte contre le déficit démocratique de l’Europe gargantuesque » (cf son blog).
La gauche radicale a de ces accents, qu’on y croirait presque… Il aurait pourtant mieux fait de se taire. Si l’Europe – et le monde – connaît une vague réelle de socialisation en politique, elle s’accommode fort bien une solide défense bureaucratique libérale qui, malgré les apparences, travaille dialectiquement dans le même sens, comme la Chine en apporte quotidiennement la preuve.
1.000 euros la minute sur une chaîne italienne
De ces allocutions et conférences tenues depuis le mois d’août, Yanis Varoufakis a publié deux listes : la « liste A » qui répertorie celles de ses interventions qui n’ont généré quasiment aucune perception d’honoraire, voire aucun frais de transports. La « liste B » qui recense deux interventions malheureusement fortement lucratives…
Le 27 septembre, pour 22 minutes sur la télévision publique italienne, l’ancien ministre grec a touché 24.000 euros… sans compter un beau billet d’avion en première classe. Une somme folle, qui plus est pour parler de crise économique, qui a été immédiatement relevée par les réseaux sociaux et montée en épingle – heureusement qu’il a précisé sur son blog, « après déduction des frais fiscaux italiens »…
Le 21 octobre, c’était la rondelette somme de 28.800 euros acquis lors d’une présentation dans le cadre de la conférence annuelle Abraaj à Singapour. Avec un billet en classe affaires.
Le « très demandé » Varoufakis face à la curée médiatique
C’était, s’est-il défendu, « pour maintenir mon indépendance économique ». N’empêche. On l’accuse de profiter de la crise grecque – difficile de sortir de l’arène… Surtout quand un hebdomadaire, l’athénien Proto Thema, publie consciencieusement un mail de la célèbre agence de communication, le « London Speaker Bureau », qui gère désormais l’agenda du ministre limogé.
On y trouve notamment qu’il a décidé de facturer 60.000 $ un discours prononcé « en dehors de l’Europe », 5.000 $ si c’est dans le territoire européen et qu’il donnerait une conférence à l’université pour 1.500 $. M. Varoufakis exigerait également « de voyager en classe affaires », sans compter « l’hébergement, l’aéroport et les transferts terrestres, repas et frais accessoires ».
Face aux questions, l’agence a répondu qu’il pouvait bien le faire, étant aujourd’hui « très demandé »… Mais Proto Thema est d’une virulence sans appel – et révélatrice : « L’homme qui a contribué à la catastrophe de l’économie grecque par l’obstruction des négociations avec les créanciers internationaux (…) a trouvé une mine ».
Leçons de l’affaire
Cette affaire montre au premier abord que le socialiste dur Varoufakis n’a pas su résister au système confortable des conférences internationales dont use et abuse un certain nombre de personnalités « sorties » de leur poste politique – et on peut largement en sourire.
Mais la curée médiatique est encore plus éloquente, car elle est largement outrancière (du moins pour le moment) : on reste encore très loin des chiffres mirobolants d’un Nicolas Sarkozy qui toucherait, selon le JDD, jusqu’à 150.000 euros par intervention, ou d’un Bill Clinton qui crève le plafond avec une moyenne de 300.000 euros par allocution…
Mais Varoufakis est « un Syriza » et, parfaitement fidèle à ses idéaux de gauche radicale, il devrait étaler son désamour aurifère ! Contre celui qui a tenu tête au diktat européen, la petite vengeance est palpable…
Mais loin de gêner le Système, la présence grandissante de l’extrême gauche lui sert de repoussoir ou l’accompagne dialectiquement dans sa politique de mondialisation politique et économique. Et ses hommes, Varoufakis après Tsipras, en témoignent mieux que toute analyse.