Au Venezuela, le président Maduro ordonne à l’armée d’occuper cinq ports pour prendre en main l’approvisionnement et la distribution de nourriture afin de gagner la « guerre économique » qu’il accuse les milieux d’affaires de mener. L’opposition met en cause son « incompétence », et aux Etats-Unis on dénonce une « dictature militaire ».
Paradoxe : le Venezuela possède dans son sous-sol des réserves de pétrole parmi les plus importantes du monde et le peuple est au bord de crever de faim. Qui en est responsable ? La « guerre économique » menée par les milieux d’affaires et ses ennemis politiques, prétend le président Maduro. Et d’accuser nommément la Citibank, qui assure le règlement des transactions en devises étrangères depuis l’établissement des contrôles des changes en 2003, de « blocus financier ». La Citibank s’en défend, elle justifie ses décisions par l’analyse des risques qui pèsent sur l’économie du Venezuela à cause de la façon dont elle est dirigée.
Le pétrole seule source d’approvisionnement au Venezuela
Maduro, marxiste comme son prédécesseur Hugo Chavez, continue sa politique de contrôle des prix, établie elle aussi en 2003, sur les biens de nécessité publique, mais d’après des calculs d’observateurs indépendants, il semblerait que 40 % de ces produits seraient vendus en contrebande en Colombie avec une forte plus-value. L’une des caractéristiques de l’économie du Venezuela est qu’elle repose sur le seul pétrole, et que le pays ne produit pas grand-chose d’autre, notamment en matière agricole, ce qui le met très loin de l’autosuffisance alimentaire. D’où un gros problème depuis que le cours du brut est tombé, d’autant que la politique socialiste de Chavez et Maduro a habitué le petit peuple à l’assistance de l’Etat providence. Il y a à la fois une crise budgétaire de l’Etat et une crise des subsistances, et comme toujours dans ce cas les accusations contre les accapareurs et les spéculateurs se multiplient, qui sont à la fois en partie justifiée et provoquées par la politique socialiste.
L’armée chargée de distribuer la nourriture
Quoiqu’il en soit, devant la difficulté croissante que rencontre la population pour trouver de la nourriture, Maduro a nommé le général Vladimir Padrino, ministre de la défense du Venezuela, patron d’une grande mission d’approvisionnement souverain : son premier acte a été d’occuper cinq ports, Guanta, La Guaira, Puerto Cabello, Maracaibo et Guamache afin d’avoir la maîtrise des importations et des circuits de distribution.
Cette disposition n’a pas été bien perçue par tout le monde. La conférence épiscopale du Venezuela a déploré « une menace sur la tranquillité et la paix ». Et les Américains, qui n’ont jamais supporté que le Venezuela de Chavez et Maduro soit à la fois marxiste et jaloux de sa souveraineté, en particulier en matière de pétrole, ont recueilli une foule de témoignages négatifs dans les milieux politiques et économiques.
Maduro, dictateur, incompétent, et/ou patriote ?
Le président de la chambre de commerce du Venezuela, Juan Pablo Olaquiaga, s’en tient à un jugement économique : « Le président montre qu’il ne sait pas comment s’occuper d’économie ». Mais d’autres sont plus sévères sur le plan proprement politique. Un parlementaire qui fut membre de la commission de la Défense, Luis Manuel Esculpi affirme : « C’est désormais un gouvernement complètement militarisé. L’armée est la seule source de légitimité de Maduro ». C’est un abus de langage, mais certains faits n’en sont pas moins inquiétants, comme l’arrestation arbitraire de l’ancien maire de Caracas, Antonio Ledezma, en septembre 2015, qui n’est toujours pas jugé. Et le professeur Nelson Agelvis, qui est aussi consultant commercial estime qu’aujourd’hui au Venezuela seule prévaut la volonté de Maduro : « Il n’y a pas de contrôle, ni d’équilibre, ni de séparation des pouvoirs ». Les conservateurs américains traduisent cela par : dictature de l’armée.