Le début du voyage du pape François en Afrique a été marqué, au Kenya, par plusieurs discours aux autorités civiles ou non catholiques qui permettent de saisir clairement les contours de la politique du Saint-Siège sous son pontificat. Climat et dialogue interreligieux : si le deuxième est présent depuis longtemps dans les discours des papes avec les non chrétiens – avec des variantes importantes cependant – le premier souci, celui du « climat », marque une nouveauté.
C’est lors de sa rencontre avec les autorités kenyanes et avec le corps diplomatique à State House, à Nairobi, mercredi, que le pape François a longuement insisté sur le devoir de l’homme « de transmettre la beauté de la nature dans son intégralité aux futures générations, et l’obligation de bien administrer les dons que nous avons reçus », non sans avoir salué la fécondité du Kenya : « Les jeunes sont les ressources les plus précieuses de toute nation. »
En cela, on ne peut dire que le pape adhère totalement à l’écologisme qui lui, voit la fécondité comme une menace pour la planète et l’homme comme son ennemi. « En effet, il y a un lien évident entre la protection de la nature et la construction d’un ordre social juste et équitable. Il ne peut y avoir aucun renouvellement de notre relation avec la nature sans un renouvellement de l’humanité elle-même », a-t-il déclaré, renvoyant au paragraphe de Laudato si’ qui affirme : « On ne peut pas exiger de l’être humain un engagement respectueux envers le monde si on ne reconnaît pas et ne valorise pas en même temps ses capacités particulières de connaissance, de volonté, de liberté et de responsabilité. »
En Afrique, le pape appelle à la mobilisation pour le climat
En plaidant pour l’apaisement dans les sociétés marquées par des « divisions, qu’elles soient ethniques, religieuses ou économiques », le pape a affirmé : « L’expérience montre que la violence, le conflit et le terrorisme se nourrissent de la peur, de la méfiance ainsi que du désespoir provenant de la pauvreté et de la frustration. »
A la suite des attentats de Paris – mais aussi des nombreux attentats, bien plus meurtriers par leur bilan, vécus dans les nations africaines où l’islamisme sévit – cette explication est un peu courte.
Même discours sibyllin lors de la rencontre interreligieuse qui s’est tenue jeudi à la nonciature apostolique. Alors que le pape François rencontrait des leaders protestants et islamiques, il a évoqué les attentats, les « attaques barbares » à Westgate Mall, Garissa University College et Mandera, affirmant : « Trop souvent des jeunes tombent dans l’extrémisme au nom de la religion, sement la discorde et la peur, et déchirent le tissu même de notre société. »
L’islam n’a pas été nommé.
Au contraire, le pape a interpellé les leaders des autres « traditions religieuses » afin qu’elles collaborent pour faire reconnaître la « dignité conférée par Dieu à chaque individu et aux peuples, et leur droit à vivre dans la liberté et le bonheur ». « Droit au bonheur ? » Nous l’avons abdiqué par la faute originelle, il nous a été chèrement reconquis par le sacrifice rédempteur du Christ, et ce bonheur n’est pas selon le monde…
Pape François : « le dialogue interreligieux n’est pas un luxe »
« En promouvant le respect de cette dignité et de ces droits, les religions jouent un rôle essentiel dans la formation des consciences, dans le fait d’insuffler aux jeunes les profondes valeurs spirituelles de nos traditions respectives et dans la préparation de bons citoyens, capables d’infuser dans la société civile l’honnêteté, l’intégrité et une vision du monde qui valorise la personne humaine par rapport au pouvoir et au gain matériel », a poursuivi le pape. Il faut croire que le droit de se convertir à la religion catholique n’en fait pas partie, puisque les pays islamiques sanctionnent lourdement leurs nationaux qui osent une telle « apostasie »…
« Je pense ici à l’importance de notre conviction commune selon laquelle le Dieu que nous cherchons à servir et un Dieu de paix. Son saint Nom ne doit jamais être utilisé pour justifier la haine et la violence », a également déclaré le pape François avec beaucoup d’optimisme, mais prenant soin de parler du Nom de Dieu et du Tout-Puissant plutôt que de Notre-Seigneur.
Obligation diplomatique dans un dialogue « interreligieux » qui cherche à préserver non seulement les droits, mais la vie même des catholiques et des chrétiens ? Sans doute, mais cela en dit long sur la réalité d’une situation où en vérité, toutes le religions ne se valent pas.
Le pape venait d’affirmer que « le dialogue œcuménique et interreligieux n’est pas un luxe » dans notre monde déchiré. Parler avec les hommes qui professent d’autres religions est en effet une nécessité, et même un commandement, puisque c’est un préalable à l’évangélisation.
Pratiquer le dialogue interreligieux qui prétend s’adresser non aux hommes, mais entre « traditions religieuses », est en revanche une entreprise à la fois plus délicate, plus limitée et semée d’embûches.
C’est sa logique qui impose de fermer les yeux sur la violence et sur l’erreur des religions qui non seulement ne correspondent pas à la lumière de la Révélation, mais rejettent une part importante de la loi naturelle.