Jeux interdits pour Zemmour et Mélenchon : derrière l’ordre public, la guerre civile

Zemmour Mélenchon guerre civile
 

Cette semaine, l’université de Lille a interdit la conférence de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan, candidate franco-palestinienne LFI aux Européennes, de même que le bourgmestre de la commune bruxelloise de Sant-Josse a interdit une réunion publique où devaient se produire Eric Zemmour, Nigel Farage et Victor Orban. Derrière ces deux décisions, la même raison alléguée, garantir la sécurité publique, ou l’ordre public. Quelle que soit la bonne ou la mauvaise foi des preneurs de décision, on voit que certaines opinions ne sont plus libres d’être exprimées sans provoquer des controverses extrêmes – et peut-être des voies de fait. Comme si les responsables de la paix publique avaient laissé monter sur les territoires dont ils ont la charge des tensions telles qu’on se rapproche de la guerre civile.

 

Comment l’extrême gauche inverse l’ordre public

L’ordre public a bon dos. Pendant plus de vingt-cinq ans, les associations de militants violents opposés à Jean-Marie Le Pen, du type SCALP, ont utilisé une tactique simple : attaquer toutes les réunions publiques du Front. Dans ce cas, les préfets recevaient soit l’ordre d’annuler la réunion pour risque de trouble à l’ordre public (qui était mis sur le dos du FN), soit de laisser faire, et les CRS l’arme au pied regardaient les chevau-légers des SCALP caillasser le public du FN à coups de cannettes ou de boulons. Sans doute, dans le cas de Zemmour à Bruxelles comme dans celui de Mélenchon à Lille, les pouvoirs publics ont-ils craint des attaques analogues. Il s’y ajoute, bien sûr, les préférences personnelles des dirigeants qui tiennent les manettes. Dans le cas de Zemmour et des nationalistes, le bourgmestre de Saint-Josse, Emir Kir, a eu la simplicité d’ajouter : « L’extrême droite n’est pas la bienvenue. »

 

Zemmour, Orban et le Conseil d’Etat belge

Cela a permis des réactions faciles. Zemmour a parlé de « dictature » et Orban et Farage de « communisme » : « On est vraiment dans le registre du communisme à l’ancienne, en gros, si tu n’es pas d’accord avec moi, tu dois être interdit », dixit Farage. Sans aller jusque-là, le premier ministre belge Alexander de Croo a jugé la chose « inacceptable » et le britannique, Rishi Sunak, « extrêmement inquiétante ». Finalement, le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative belge, a suspendu l’arrêté du bourgmestre, arguant qu’il « convient de prendre des mesures pour contenir les manifestations sur la voie publique plutôt que d’interdire une réunion privée », le droit de se réunir étant « inscrit dans la Constitution ». La réunion a donc pu se tenir le lendemain. Mais la question de l’ordre public reste posée.

 

Mélenchon fauteur et victime de guerre civile ?

Pour tout observateur non prévenu, l’argumentation du Conseil d’Etat belge tombe sous le sens : quel que soit le côté provocateur des orateurs, et certes ni Zemmour ni Mélenchon ne manquent de compétence en cette matière, et ils en jouent, le trouble à l’ordre public n’est pas causé par celui qui parle mais par ceux qui le caillassent : c’est donc sur ceux-ci qu’il convient d’agir. Quand les dirigeants se disent incapables de le faire, c’est toujours inquiétant. Soit en effet ils disent vrai, et ils ont laissé croître des inimitiés sociales d’un tel niveau qu’on est au bord de la guerre civile. Soit ils mentent, comme naguère dans le cas du SCALP, et ils mènent une manœuvre hypocrite, avec la complicité des groupes violents qu’ils manipulent, pour interdire en fait ce qu’ils n’osent ni ne peuvent interdire en droit. Je tiens Mélenchon en très piètre estime et le crois dangereux, mais l’interdit de l’université de Lille est une sottise, et contreproductive : on lui fait de la pub.

 

Pauline Mille