Allemagne : la coalition de gauche d’Angela Merkel

 
 
Angela Merkel peut, sans doute, pousser un soupir de soulagement. L’accord donné par les sociaux-démocrates du SPD à Martin Schulz pour mettre en œuvre une nouvelle « grande coalition » avec la CDU permet d’envisager une sortie de la crise politique qui sévit en Allemagne depuis les élections législatives de septembre 2017, Angela Merkel n’ayant pas réussi à constituer, jusque-là, un gouvernement. Reste, pour le chancelier, à résoudre une équation délicate : celle qui consiste à remonter une nouvelle coalition à gauche quand l’électorat allemand vote de plus en plus à droite…
 
Il aura fallu deux scrutins ce dimanche à Bonn pour que les 600 délégués du SPD donnent effectivement leur soutien à l’idée d’une coalition avec la CDU – du moins à la poursuite des négociations engagées par Martin Schulz, secrétaire général du parti. Lui aussi doit se sentir soulagé, car c’est tout de même son avenir politique qu’il risquait dans l’opération. Encore ne l’a-t-il emporté qu’avec 56 % des voix de ses amis, ce qui laisse présager, quand bien même le SPD entrerait au gouvernement, des lendemains compliqués pour l’ancien président du Parlement européen.
 

Allemagne : vers une seconde chance pour Angela Merkel

 
Angela Merkel a salué, comme il se doit, ce résultat. Il est vrai que, huit semaines après la rupture des négociations avec les Verts et les libéraux du FDP, un échec de cette option de la dernière chance aurait sans doute marqué, pour elle aussi, une mise sur la touche quasi définitive.
Cela dit, rien n’est encore définitivement réglé. Echaudée par le mol soutien de ses troupes, la direction du SPD devra faire en sorte que les sujets d’actualité chers à la gauche – accueil des réfugiés, regroupement familial et encadrement des contrats à durée déterminée – ne soient pas oubliés. D’ailleurs, pour plus de sécurité, l’accord de base de la coalition sera soumis à l’approbation des militants du SPD. Pour parvenir à un consensus, et obtenir enfin un gouvernement, Angela Merkel devra donc sans doute se livrer à quelques compromis qui risquent de mécontenter fortement sa propre base…
 

Une coalition à gauche ?

 
Dans l’opération, Angela Merkel aura néanmoins renforcé ses liens avec Paris. En soulignant vouloir établir, à la veille du congrès du SPD, un « gouvernement stable » afin de pouvoir « agir en Europe », le chancelier est en effet pleinement entré dans les vue d’Emmanuel Macron. Vendredi dernier, Angela Merkel était d’ailleurs en visite à l’Elysée, où ils ont convenu de célébrer, avec un symbolisme particulier, l’anniversaire, il y a 55 ans, du traité de l’Elysée signé entre Charles De Gaulle et Konrad Adenauer. Une idée qui ne pouvait que sourire à Angela Merkel, qui cherche à redorer un blason quelque peu défraîchi. Quant au président français, en perte d’estime dans le cœur de ses compatriotes, il cherche ni plus ni moins à se mettre dans les pas du « plus grand des Français »…
 
Pas question, d’ailleurs, de se contenter de souffler des bougies. Les deux dirigeants entendent bien revisiter le traité à la lumière de la doxa bruxelloise. Histoire de relancer le moteur franco-allemand, qui, depuis le Brexit, semble demeurer le seul à même de faire avancer la construction européenne, mais qui peine à se relancer.
 

Hubert Cordat