Le baroque des Lumières

baroque Lumières
 
Le Petit-Palais propose une intéressante exposition sur l’Art religieux catholique au XVIIIème siècle, affublée seulement d’un titre singulier, le baroque des Lumières.
 

UN TITRE ETRANGE OU PROVOCATEUR, LE BAROQUE DES LUMIERES

 
Le baroque des Lumières est donc un titre provocateur ou du moins étrange, qui associe deux idées opposées dans le temps et l’espace : le baroque est un mode d’expression artistique dominant en Europe au XVIIème siècle – sauf en France et en Angleterre, classiques -, tandis que les « Lumières » renvoient au XVIIIème siècle, le siècle dit des « Philosophes » qui ont prétendu refonder idéologiquement l’Europe encore chrétienne. Des spéculations de ces « Philosophes » a résulté directement le torrent de sang qui a ravagé la France, puis l’Europe, la Révolution française, dont les conséquences de long terme se font encore sentir. L’opinion commune veut voir dans ces « Lumières », ou prétendues telles, un phénomène globalement positif, ce qui n’est pas du tout notre opinion. Louis XIV, qui n’était pas parfait, a bien davantage respecté la vie et la dignité humaine que Robespierre, grand admirateur de Rousseau.
 
Le titre accrocheur de l’exposition tient donc de l’oxymore, parfaitement volontaire, afin de piquer la curiosité du public. Le sous-titre heureusement explique les choses : les « chefs d’œuvres des églises parisiennes du XVIIIème siècle ». Il aurait fait, à notre sens, un meilleur titre. Le baroque des Lumières possède toutefois l’unique mérite de rappeler que la peinture, la sculpture, l’architecture religieuses, ont été très actives encore au XVIIIème siècle en France en général, et à Paris en particulier. La capitale a toujours tenu son rôle de phare des Arts en France, y compris celui de l’Art religieux catholique. Et cette activité est très couramment ignorée du grand public. La grande rupture de civilisation en fait, avec sa transcription dans les Arts, est opérée en 1789-1791, et non en en 1700, ou même 1715 – mort de Louis XIV – ou 1774 – mort de Louis XV.
 
En 1792, avec l’avènement de la République, cessent toutes les commandes. Au contraire, les richesses des églises parisiennes sont systématiquement confisquées, les bâtiments profanés et souvent détruits. Ces actions néfastes se déroulent avec une continuité parfaite, pour le pire, de 1792 à 1799, avec certes un pic en 1793-1794 sous la Terreur, mais un pic seulement, et non une phase unique et aiguë de vandalisme, comme ont voulu le faire croire dès l’époque des faits, ou quasiment, et aussi par la suite les apologistes libéraux ou même catholiques-libéraux de la Révolution.
 

UN ART RELIGIEUX CATHOLIQUE INJUSTEMENT OUBLIE

 
Tout un art religieux, exclusivement catholique, le catholicisme étant alors la religion de 99 % des Français et la pratique restant élevée jusqu’aux années 1770, a donc brusquement cessé d’exister à la Révolution française. Cet art religieux renaîtra péniblement au XIXème siècle, et sera brisé par la Troisième République, des années 1880 à 1905, par de multiples lois laïcistes, les baisses des budgets, et enfin la Séparation de l’Eglise et de l’Etat.
 
Cette exposition est liée à un hasard circonstanciel, la rénovation actuelle du Musée Carnavalet. Ainsi, est présenté ailleurs, au Petit-Palais, ces peintures religieuses françaises du XVIIIème siècle, qui appartiennent aux riches collections permanentes de ce musée d’histoire de Paris. Il y a néanmoins là un véritable sujet de premier plan, faire redécouvrir un Art chrétien trop méconnu, et pas nécessairement assez mis en valeur dans le parcours permanent du Musée Carnavalet. Le cadre du Petit-Palais, avec de vastes salles hautes, permet une scénographie qui met bien davantage en valeur les œuvres proposées que les petites salles du Musée Carnavalet. Certaines salles ont reçu à l’occasion de cette exposition un décor provisoire rappelant les nefs d’églises, ce qui permet de se faire une meilleure idée du contexte d’origine des œuvres. Le contraste est net avec l’exposition sur les tableaux religieux au XVIIème proposée par le Musée Carnavalet en 2012, dont cette exposition au Petit-Palais propose en quelque sorte la suite, suivant la logique chronologique. Si les tableaux sont un peu moins intéressants à notre goût, l’effort du décor permis par le Petit-Palais donne des effets visuels des plus réussis. Le visiteur peut vraiment reculer, apprécier les œuvres de loin, puis de près, respirer, chose impossible dans les petites salles du Musée Carnavalet. Ajoutons que lors de notre visite, l’exposition n’avait pas rassemblé des foules de visiteurs, ce qui avait permis un confort exceptionnel pour un parcours muséographique parisien.
 

UN TRES RICHE PATRIMOINE DES EGLISES PARISIENNES

 
Certaines peintures proviennent aussi d’églises parisiennes. En effet, on le sait trop peu, après le Concordat de 1801, de nombreux tableaux religieux confisqués à la Révolution, et non-vendus comme biens dits nationaux – en fait spoliation du patrimoine de l’Eglise -, ont été répartis dans les églises parisiennes, celles d’origines ou d’autres. La moitié au moins des églises parisiennes, en particulier celles de monastères, a été détruite à la Révolution.
 
Si l’exposition s’intéresse surtout à la peinture, elle ne néglige pas l’architecture, et présente un peu de mobilier liturgique. Les églises parisiennes ont été souvent réaménagées au XVIIIème siècle. Les jubés ont été assez systématiquement abattus, ce qui a été l’occasion de mener des travaux dans les chœurs. Les exemples les plus remarquables se visitent encore à Saint-Merri, ou à la chapelle de la Vierge à Saint-Sulpice. Les grands chantiers de constructions d’églises au sens strict sont cependant rares au XVIIIème siècle, les grandes époques de constructions, aux temps modernes, étant les règnes de Louis XIII et Louis XIV, puis Napoléon III – correspondant à une extension matérielle de ville, beaucoup plus, hélas, qu’à un intense renouveau religieux catholique. Le seul grand chantier religieux qui traverse tout le XVIIIème siècle, commencé au siècle précédent, est celui de Saint-Sulpice. La Révolution a interrompu tous les travaux en cours, parfois dès 1789 ou en 1791 au plus tard : ainsi le chantier de la Madeleine n’a-t-il vraiment repris qu’à la Restauration – pour un achèvement sous la Monarchie de Juillet – sur des plans très différents de ceux d’origine. L’exposition, qui propose plans, maquettes, tableaux des intérieurs, invite à visiter ces églises de Paris, qui sont, la plupart du temps, ouvertes la journée.
 

LES DEUX STYLES DOMINANTS DU XVIIIEME RELIGIEUX : ROCOCO ET NEOCLASSIQUE

 
Comment définir ou approcher cet Art religieux français du XVIIIème siècle ? L’expression « baroque » nous semble erronée, puisque anachronique, et a fortiori après 1750. Il est possible, à la rigueur, d’associer avant rococo et héritage baroque. L’exposition, même si ce n’est pas forcément très explicite dans son propos, permet de distinguer deux périodes artistiques fondamentales, 1710-1760 et 1760-1791. La première est souvent qualifiée de rococo : une peinture qui insiste sur les courbes au sein du tableau, ou l’usage d’une large gamme de couleurs, en des tons peu vifs et des contours délibérément flous. De même le mobilier liturgique affectionne des formes courbes complexes, sinon tordues. Le modèle en est la fête galante de Watteau, transposée sur des thèmes religieux. Ce style rococo dominant, avec des artistes comme Lemoine ou Carle Vanloo, n’exclut pas à sa marge un courant contradictoire prolongeant la grande peinture classique. Ce dernier s’inscrit dans une filiation nette avec les compositions religieuses de Philippe de Champaigne au siècle précédent, avec donc au XVIIIème siècle Largillière et surtout Restout. Parmi les tableaux les plus remarquables de ce premier XVIIIème siècle, relevons Saint Augustin prêchant devant l’évêque Valère de Carle Vanloo, ou Saint Vincent de Paul institué aumônier des dames de la Visitation par Saint François de Salles de Jean Restout.
 
Après 1760 s’impose nettement l’esthétique néoclassique, inventée par Vien. L’exposition propose quelques toiles intéressantes de ce peintre, tout comme de son principal disciple, devenu beaucoup plus célèbre que lui et considéré comme l’incarnation même du néoclassicisme, David. Elle s’impose un sérieux historique, voire archéologique, parfois remarquable pour l’époque, en reconstituant une Antiquité idéale. Les premiers chrétiens, comme les patriarches, ont vécu dans l’Antiquité, donc ces épisodes de la Bible conviennent parfaitement à l’esthétique néoclassique. Détonne par contre un Saint Louis qui mélange le XIIIème siècle et l’Antiquité gréco-romaine, ce qui démontre la limite du système. Parmi les tableaux les plus remarquables, relevons L’Annonciation de Vien et Saint Germain bénissant Sainte Geneviève de Joseph-Benoît Suvée. Quant au mobilier liturgique, il affectionne désormais les formes simples, droites.
 

UNE EXPOSITION A VOIR EN FAMILLE, ET QUI RAVIRA AUSSI L’AMATEUR D’ART

 
Ces tableaux proposés dans l’exposition Le baroque des Lumières permettent de réviser en famille des épisodes fondamentaux des Ecritures, ou des traditions chrétiennes en France, de Clovis à des miracles parisiens oubliés du XVIIIème siècle. Elle est donc à voir en famille à ce titre. Sur le plan esthétique, les tableaux nous ont semblé réussis, méritant aussi le déplacement. Tout un pan de l’œuvre de grands artistes comme Natoire – rival de Boucher, aussi célèbre que lui en son temps – mais aussi Vien et David est à redécouvrir ainsi à l’occasion de cette exposition Le baroque des lumières.
 

Hector JOVIEN

 
Le Baroque des Lumières
Chefs-d’œuvre des églises parisiennes au XVIIIe siècle
Du 21 mars 2017 au 16 juillet 2017
Exposition organisée avec la Conservation des œuvres d’art religieuses et civiles de la Ville de Paris (COARC).
 
 
* DATE :

Du Mardi 21 mars 2017 au dimanche 16 juillet 2017

 
* LIEU :

Le Petit Palais, Paris 75008


* HORAIRE :

Divers horaires

 
* TARIF :

De 9,5 à 12,7 euros

 
Fermé le lundi et les jours fériés
 
Entrée valable une heure, temps de visite libre.
 
Gratuit pour les moins de 18 ans, les chômeurs et les personnes bénéficiaires des minimas sociaux.
 
Tarifs réduits :
 
Jeunes : de 18 à 26 ans
Famille : Paris Pass Famille et carte famille nombreuse
Enseignant ou Education (enseignants et documentalistes en activité dans les établissements scolaires)
Seniors titulaires de la carte « Navigo-Améthyste-Emeraude » ; seuls les Seniors titulaires de cette carte bénéficient du tarif réduit.