Lors d’un entretien croisé avec un évêque évangélique diffusée par la chaîne autrichienne ZIB 2 vendredi soir, dans la foulée de l’attentat de Berlin, le cardinal Christoph Schönborn a affirmé que l’accueil des migrants dépasse actuellement la capacité de l’Autriche et de l’Europe, reconnaissant qu’il avait changé de regard sur la crise des réfugiés. Il a reconnu l’existence d’« inquiétudes » parmi les populations. L’archevêque de Vienne rompt ainsi avec discours d’accueil sans limites.
Interrogé sur l’inquiétude des Autrichiens et des Européens par rapport aux migrants, et l’idée que la crise n’a pas été prise suffisamment au sérieux, le cardinal Schönborn a répondu : « Je pense que cela vient tout simplement du fait que nous avons été surpris par le grand nombre de réfugiés. Personne n’aurait pu l’imaginer. Sans doute les experts avaient-ils compris qu’il y aurait un grand mouvement de migrants. »
Trop de migrants, reconnaît le cardinal Schönborn
Et il explique : « Nous avons connu des étapes : cela a commencé avec la mort horrible de 71 personnes dans un camion frigorifique – cela a été un énorme choc qu’une telle chose peut se produire sur une autoroute en Autriche – et s’est terminé avec le sentiment d’être submergés par le nombre incroyable de réfugiés. (…) Nous voulions simplement aider, nous voulions aller à la rencontre des gens, et je pense que c’est une réaction très spontanée, une idée très répandue dans la société civile. Beaucoup, beaucoup de gens, pas seulement ceux qui font partie des Eglises, beaucoup de gens voulaient aider. »
Mais le désenchantement n’a pas tardé : « Puis nous avons dû faire l’expérience nous-mêmes du fait que cela dépasse nos capacités, nos possibilités. Et nous sommes – je suis devenu plus prudent. Bien sûr, au début, j’ai dit la même chose qu’Angela Merkel : nous ferons ce que nous pouvons. En Autriche, beaucoup d’experts importants ont dit que nous pouvions le faire, comme nous l’avions fait en 1956 pour la Hongrie, ou pour Prague en 1968, ou lors de la guerre de Bosnie qui avait fait venir beaucoup de réfugiés. C’est alors que nous avons compris qu’il y a une dimension différente, il nous faut une politique européenne commune, nous avons besoin de beaucoup plus d’aide au niveau local. C’est aujourd’hui devenu, je crois, clair pour tous : nous ne pouvons pas accueillir tous les réfugiés, nous devons d’abord œuvrer pour qu’ils puissent retrouver leur maison pour vivre de nouveau chez eux. Dieu merci, il y a en Irak par exemple, l’espoir que les gens puissent rentrer chez eux. »
Les capacités d’accueil de l’Autriche sont « dépassées »
La prise de conscience reste, on le voit, limitée, et le cardinal se refuse à nommer la question de l’islam, continuant de prôner une solution européenne. Dans le même entretien, il a déclaré à propos de l’attentat de Berlin :
« Il y a un sentiment grandissant d’insécurité, mais d’un autre côté, il ne faut pas oublier des choses qui certes concernent la vieille génération », a-t-il dit, expliquant que si l’Autriche est en paix depuis plus de 70 ans elle a connu du temps de la génération de ses propres parents une époque où l’on pouvait craindre de perdre la vie dans les bombes « dans des conditions incomparablement pires » : « Peut-être que nous avons juste besoin d’apprendre, alors que nous avons pris l’habitude de la paix – et heureusement que nous avons cette habitude de paix – qu’il ne va pas de soi d’avoir la certitude de vivre dans un état de droit, dans un Etat-providence, et que notre vie reste tout aussi incertaine. Nous pouvons tomber malades, un accident peut arriver, et il peut aussi être une attaque terroriste se produise. »
Le cardinal Schönborn voit bien les migrants, mais pas assez l’islam
Mais pourquoi ces attaques peuvent-elles se produire, et que signifient-elles ? Le cardinal ne l’évoque pas.
Il faut dire qu’il avait été vivement critiqué lorsqu’il avait parlé en septembre dernier de la possibilité d’une « troisième tentative islamique de conquérir l’Europe » : « De nombreux musulmans y pensent et le désirent, et disent que l’Europe est arrivée à sa fin. » Il avait précisé un peu plus tard : « L’héritage chrétien de l’Europe est en danger, parce que nous autres Européens l’avons dilapidé. Cela n’a absolument rien à voir avec l’islam ni avec les réfugiés. Il est clair que de nombreux islamistes aimeraient profiter de notre faiblesse, mais ils n’en sont pas responsables. C’est nous qui le sommes. »