Censure au Parlement européen : la nouvelle règle 165 prévoit de stopper la diffusion des débats en cas de « discours ou actes racistes »

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L’information a été relévée par le quotidien espagnol La Vanguardia et reprise dans la presse britannique : discrètement, les règles de fonctionnement du Parlement européen ont été modifiées afin de donner à son président la faculté de stopper la diffusion en direct des débats si ceux-ci comportent des discours et des actes jugés « racistes ». C’est la porte ouverte à la manipulation de la censure, et une atteinte évidente à la liberté d’expression des parlementaires, sans compter le droit des spectateurs d’avoir accès à l’information au sujet de leurs discours. La nouvelle règle 165 prévoit également la possibilité d’expurger vidéos et enregistrements audio après leur première diffusion.
 
Tom Weingaertener, président de l’Association de la presse internationale, a aussitôt protesté en soulignant que cette nouvelle faculté accordée au président du Parlement européen « porte atteinte à la fiabilité des archives du Parlement à un moment où les suspicions de « fausses nouvelles » et de manipulation menacent la crédibilité des médias et des hommes politiques. »
 

Discrètement, le Parlement européen installe la censure sur les débats

 
Taxer un adversaire de « racisme » et ses propos de « discours de haine » – pour reprendre la formule anglo-saxonne – est une vieille technique parfaitement éprouvée pour éliminer des indésirables. En l’occurrence, la pression pour clore ainsi le bec à des élus de partis nationalistes ou souverainistes est déjà ancienne et a été exacerbée avec les succès électoraux de Marine Le Pen ou de Geert Wilders sur le plan national, au grand dam de ceux que le quotidien irlandais The Independent appelle le « mainstream politique européen ».
 
Les discours dans les différentes assemblées des parlementaires européens sont parfois hauts en couleur : on s’y invective volontiers et de temps en temps, les élus arborent des T-shirts ou brandissent des banderoles portant des slogans politiquement incorrects. Certains osent même – horresco referens ! – mettre un petit drapeau national sur leur pupitre.
 
La nouvelle règle 165 doit son adoption aux efforts du parlementaire européen socialiste britannique Richard Corbett au prétexte que « il y a eu un nombre croissant de cas de représentants politiques disant des choses qui dépassent le cadre normal de la discussion et du débat parlementaires ». Au cours des débats en vue de l’adoption de la règle 165, il s’est demandé ce qui arriverait si ces incidents n’étaient plus isolés, mais utilisés par des personnes qui se seraient rendues compte de la « plate-forme fantastique » que constituent les débats menés à Bruxelles ou à Strasbourg : « C’est large, c’est diffusé en direct. Tout cela peut être enregistré et répété. Servons-nous en pour faire quelque chose de plus bruyant, de plus spectaculaire. »
 

La règle 165 du Parlement européen permet de censurer les discours « racistes »

 
Désormais, le président de séance peut prendre la décision de mettre fin à la diffusion en direct « en cas de langage ou de comportement diffamatoire, raciste ou xénophobe de la part d’un membre », celui-ci pouvant être en outre mis à l’amende, à hauteur de 9.000 euros ». La fin de l’immunité parlementaire accompagne ainsi la censure décidée par un adversaire politique…
 
La nouvelle règle n’a semble-t-il pas fait l’objet de publicité de la part de Parlement européen : d’après le quotidien espagnol La Vanguardia qui affirme en avoir eu connaissance, les discours visés par la nouvelle règle pourraient être définitivement « effacés de l’enregistrement audiovisuel des débats », dans la meilleure tradition totalitaire. En l’absence de journalistes dans la salle, certaines déclarations pourraient donc ne jamais être connues du public.
 
D’après le quotidien, la règle s’accompagne d’une notice technique précisant la procédure en vue de stopper la diffusion en direct, y compris sur les moniteurs télévisés à l’intérieur du Parlement, mais également en désactivant le lien satellite afin d’éviter toute diffusion vers le monde extérieur. On conserverait tout de même un enregistrement en quatre langues servant de trace légale pendant la durée du black-out, en attendant de trouver un meilleur moyen, efficace et permanent.
 

Stopper la diffusion des débats racistes pour éviter la contagion ?

 
Il semblerait que l’on envisage également un décalage de quelques secondes entre l’enregistrement et la diffusion des débats parlementaires afin de pouvoir interrompre toute émission avant même que les premiers mots ou les premières images « racistes, diffamatoires ou xénophobes » puissent atteindre le public. Mais le système reste difficile à mettre en œuvre, vu les 24 langues officielles de l’Union européenne : du côté des partisans de la censure, on se plaint de ce qu’un incident puisse arriver à son terme avant même que le président du Parlement, Antonio Tajani n’ait pu frapper le bouton coupe-circuit. En face, d’autres soulignent le risque de malentendus et d’abus.
 
Un représentant du Vlaams Belang, Gerolf Annemans, soulignait lors des débats en décembre que certains pourraient avoir des « réactions hystériques à l’égard de choses qu’ils qualifient de racistes ou xénophobes, alors qu’ils se trouvent simplement face à l’expression de points de vue politiquement incorrects ».
 
Même la gauche n’est pas tout à fait convaincue : Helmut Scholz du parti allemand Die Linke estime que les membres de la seule institution composée de membres élus par la population de l’Union européenne doit être un espace de liberté où chacun puisse s’exprimer sur la manière dont l’Europe doit fonctionner. « Vous ne pouvez limiter ou dénier l’exercice de ce droit », a-t-il déclaré, tout en reconnaissant qu’il fallait un moyen pour empêcher que soient proférés des « cris de ralliement nazis et des obscénités racistes ».
 
« Nous avons besoin d’un instrument pour contrer cela, pour faire enlever ses propos des enregistrements, pour stopper la distribution de ces slogans, de ces idées », a-t-il ajouté.
 
Comme si leur simple diffusion allait déclencher une vague de racisme !
 

Anne Dolhein