Dans un entretien pour l’hebdomadaire conservateur Sieci de cette semaine, le Premier ministre polonais Beata Szydło répond aux accusations du président français et rejette le chantage aux fonds européens sur la question des immigrants. En visite en Bulgarie le 25 août dernier dans le cadre d’une tournée en Europe centrale et orientale (sans la Pologne et la Hongrie) afin de renégocier la directive sur les travailleurs détachés, Emmanuel Macron a déclenché une véritable crise diplomatique entre Paris et Varsovie en affirmant que la Pologne avait décidé d’aller à l’encontre des intérêts européens, qu’elle était isolée au sein de l’UE et que le peuple polonais méritait mieux que les politiques de son gouvernement actuel (nonobstant les sondages qui donnent toujours le PiS largement en tête), ajoutant que « L’Europe s’est construite sur des libertés publiques qu’enfreint aujourd’hui la Pologne »
« Si le président Macron met tant d’énergie pour attaquer la Pologne, c’est bien la preuve que nous ne sommes pas isolés », fait remarquer cette semaine Beata Szydło qui explique les vraies raisons des attaques du président français à ses yeux : sa crainte que « l’exemple d’une autre politique, meilleure, ne devienne attrayante pour des sociétés occidentales de plus en plus inquiètes de l’inefficacité politique de leurs élites ». A la question de savoir si la pression mise sur la Pologne est en fait causée par son refus des politiques migratoires de l’ouest du continent, Mme Szydło répond que « oui, tous les autres arguments sont en grande partie inventés. La Pologne est un pays pro-UE, un État de droit, démocratique, solidaire avec les autres États et avec les gens qui ont besoin d’aide ».
Mais, ajoute-t-elle plus loin, « nous disons clairement que nous n’acceptons pas de remise en cause radicale et à long terme de la sécurité des Polonais simplement parce que les dirigeants politiques allemands ont eu l’idée de faire venir en Europe des millions d’immigrants ». Beata Szydło en profite pour rappeler que la Pologne, sous le gouvernement du PiS, a intensifié son action en faveur des vrais réfugiés, sur place, dans leur pays d’origine. Et elle avance que cette idée d’aider les gens dans leur pays plutôt que de les inciter à venir illégalement reçoit le soutien d’un nombre grandissant de pays, y compris depuis peu de l’Italie, soulignant encore une fois que Varsovie n’est pas isolée dans ce domaine, n’en déplaise au président français.
Beata Szydło l’affirme : la Pologne ne cédera pas au chantage de l’UE en ce qui concerne l’accueil des immigrants extra-européens
Quant à l’obligation d’accepter des quotas de demandeurs d’asile, pour laquelle la Pologne, la Hongrie et la Tchéquie sont menacées de sanctions par Bruxelles, le Premier ministre polonais rappelle qu’aucun pays ne s’est dégagé de ses obligations dans ce domaine, ce qui montre bien que ce système de relocalisation ne peut pas fonctionner. Et le récent viol collectif par quatre immigrés maghrébins et africains, dont un « réfugié congolais », d’une Polonaise sur une plage de Rimini, « montre que le terrorisme n’est pas la seule menace » induite par l’immigration extra-européenne, et que « il n’y a aucune raison pour que les Polonais acceptent une détérioration aussi drastique de leur sécurité quotidienne ».
Répondant à une question du journaliste sur les responsables d’un tel crime, Beata Szydło désigne tous ceux qui ont permis une telle politique d’immigration : « Cela détruit l’Europe, cela détruit notre monde. Il s’agit d’une opération préméditée pour mettre à bas ce qui fondait jusqu’ici notre continent, c’est-à-dire la sécurité, la communauté, la solidarité, le bien-être et les racines chrétiennes dont découlent les droits humains et le respect des femmes. »
Si la Pologne est attaquée, c’est parce qu’elle montre que d’autres politiques sont possibles
Face au concept d’Europe à deux vitesses défendu par le président français, le Premier ministre polonais revendique avec force le droit pour la Pologne comme pour chaque pays de l’UE de parler de sa propre voix et d’être traité d’égal à égal. Si la Pologne est dans le collimateur de Bruxelles, Paris et Berlin, c’est d’abord « parce que ce qui se passe en Pologne est différent de ce que les élites [d’Europe occidentale] proposent à leur société. Et cela résonne de plus en plus fort. Prenons l’exemple de la politique migratoire », explique Beata Szydło, « Les élites européennes attaquent la Pologne et les pays du Groupe de Visegrád parce que nous ne voulons pas accepter les quotas obligatoires de réfugiés. Mais les sociétés occidentales, les gens ordinaires, perçoivent de plus en plus clairement que dans ce domaine, c’est nous qui avons raison. »
La deuxième raison des attaques contre la Pologne, pour Mme Szydło, est que ces mêmes élites voient que les changements en Pologne sont durables et qu’elles doivent traiter la Pologne comme un partenaire, et non plus comme un nouvel Etat membre reconnaissant et soumis. Quant aux affirmations selon lesquelles le PiS souhaiterait faire sortir la Pologne de l’UE, Beata Szydło les qualifie de vile manipulation : « Nous sommes un gouvernement pro-européen, démocratique, qui veut une Union européenne forte fondée sur des principes de partenariat. » Et elle rappelle au président Macron que son chantage aux fonds européens pour obliger la Pologne à accepter les quotas d’immigrants est inacceptable du point de vue des principes fondateurs de l’Union européenne : « Les fonds européens, la politique de cohésion sont un pilier de l’Union européenne au même titre que la liberté de mouvement des marchandises et des services […]. C’est pourquoi nous exigeons que les traités européens soient respectés et nous n’acceptons pas le diktat des grands pays. »
Emmanuel Macron cherche-t-il vraiment à renégocier la directive sur les travailleurs détachés ?
On peut être d’accord ou pas avec la position de la Pologne et des pays de l’Est sur la question des travailleurs détachés, mais si Emmanuel Macron voulait vraiment renégocier cette directive, il s’y serait sans doute pris autrement. Visiblement, l’accueil obligatoire et massif des immigrants extra-européens est plus important pour le président français que la défense des intérêts des travailleurs français dans le Marché unique.