Elimination en série d’informateurs de la CIA : en matière d’espionnage, la Chine emploie la manière forte

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Le sourire de dirigeants communistes chinois cache une main de fer. Le New York Times révèle que Pékin a gravement affaibli les opérations de renseignement menées par la CIA en Chine depuis 2010, assassinant ou emprisonnant une vingtaine d’indicateurs en seulement deux ans et paralysant ainsi les réseaux américains pour des années. Selon les sources du quotidien new-yorkais, ce revers est l’un des pires subis par les Etats-Unis en matière d’espionnage depuis des décennies.
 

De nombreuses éliminations

 
Selon certains, une taupe au sein de la CIA aurait trahi les Etats-Unis. D’autres estiment que les Chinois ont espionné le système de communications cryptées que l’agence utilise avec ses sources situées à l’étranger. Les années ont passé et l’équivoque subsiste. En revanche, tout le monde est d’accord sur l’ampleur des dégâts : de la fin 2012 à la fin 2013, le nombre d’exécutions d’indicateurs en Chine a dépassé la douzaine. Selon trois responsables de l’agence interrogés par le New York Times, un de ces informateurs a même été tué d’une balle dans la tête devant ses collègues dans la cour d’un bâtiment ministériel – message sanglant à destination de ceux qui pourraient céder à la tentation. D’autres ont été incarcérés. Le nombre total des agents neutralisés s’élèverait à 18 ou 20, réduisant à néant un réseau qui avait exigé des années pour être construit.
 

Un revers comparable à celui subi face à Moscou après les trahisons d’Aldrich Ames et de Robert Hanssen

 
Selon les responsables américains, ces pertes sont comparables à celles subies en Union soviétique puis en Russie à la suite des trahisons d’Aldrich Ames et de Robert Hanssen, respectivement fonctionnaire de la CIA et du FBI et condamnés, le premier en 1994 et le second en 2001, pour espionnage au profit de Moscou.
 
Avec la Chine, le premier signe de dysfonctionnement est survenu en 2010. Jusque-là, les informations en provenance de Pékin étaient les meilleures depuis des années grâce à l’acquisition de sources très introduites dans l’administration communiste, sur fond de corruption croissante du régime. C’est à la fin de cette année-là que la qualité des informations provenant du cœur des ministères chinois a commencé à baisser. Début 2011, les chefs de la CIA ont réalisé que leur précieux réseau chinois, un des plus importants à leurs yeux, avait disparu.
 
Le FBI et la CIA ont ouvert une enquête commune sous la direction des plus hauts gradés de leurs services de contre-espionnage, avec pour nom de code Honey Badger (« raton mielleux »). Chaque employé de l’ambassade américaine à Pékin fut soumis à interrogatoire. Certains pensèrent à un décryptage des communications, d’autres suspectèrent une trahison au sein de la CIA. On interrogea un agent du service « Chine » mais on ne put établir de charges suffisantes. L’agent en question vit désormais dans un autre pays d’Asie, recyclé dans le privé, emploi qui pourrait lui avoir été procuré par les services chinois. A cette époque, Pékin avaient aussi réussi à infiltrer les renseignements taïwanais, qui travaillent en étroite coopération avec les Américains.
 

Négligences des agents de la CIA, infiltration des Chinois aux Etats-Unis avec les affaires OPM et Claiborne

 
Les enquêteurs du FBI sont convaincus que les agents de la CIA en Chine voyageaient trop souvent par les mêmes itinéraires et vers les mêmes points de rencontre, ce qui aurait permis au puissant réseau de surveillance local de les identifier. Certains officiers rencontraient leurs informateurs dans un restaurant truffé de capteurs audio et dont les serveurs étaient eux-mêmes des indicateurs chinois. Ces négligences, ajoutées à un possible décryptage des communications de l’agence, pourraient expliquer, selon certains, de nombreuses arrestations, voire la totalité. D’autres estiment que le désastre résulterait d’une guerre intestine entre services de la CIA.
 

L’espionnage chinois particulièrement actif aux Etats-Unis

 
La Chine a été particulièrement active ces dernières années contre les Etats-Unis, en particulier en 2015 par l’obtention de données aux dépens de l’administration du personnel de la fonction publique fédérale, l’Office of personnel management (OPM). En 2016, un employé du FBI a plaidé coupable pour avoir transmis des informations techniques sensibles aux Chinois contre des liquidités, des chambres d’hôtel luxueuses et des prostituées. En mars 2017, le parquet a annoncé l’arrestation d’une fonctionnaire du département d’Etat, Candace Marie Claiborne, accusée d’avoir menti au sujet de contacts avec des responsables chinois. Elle aurait reçu d’importantes gratifications en liquidités, en objets de valeur et se serait même vu offrir un appartement entièrement meublé. Elle plaide non coupable.
 

Matthieu Lenoir