Christophe Pierre : un Français futur nonce à Washington ?

Christophe Pierre Français nonce Washington
Le nonce, Mgr Christophe Pierre, aide le Pape à se coiffer d’un sombrero, à Mexico le 13 février 2016.

 
C’est une chose peu connue : les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et les États-Unis ne remontent qu’au 10 janvier 1984, c’est-à-dire sous le pontificat de Jean-Paul II et la présidence de Ronald Reagan…
 
L’actuel nonce à Washington, l’archevêque Carlo Maria Viganò, y fut nommé officiellement par Benoît XVI le 19 octobre 2011. À son corps défendant ont prétendu les vaticanistes à l’époque. La décision de transférer le secrétaire général du gouvernorat de l’État et de la Cité du Vatican à ce poste diplomatique prestigieux, avait été prise par le cardinal secrétaire d’État Tarcisio Bertone le 13 août précédent, sans doute en application de l’adage promoveatur ut amoveatur : qu’il soit promu pour qu’on s’en débarrasse…
 
Né à Varèse, en Italie, le 16 janvier 1941, Viganò a atteint ses 75 ans le 16 janvier dernier et a donc, conformément au droit canon, remis sa démission au pape François. Ce dernier, on peut le croire, l’attendait pour au moins deux raisons.
 

Un nonce qui a cessé de plaire au pape

 
La première et sans doute la plus fondamentale, c’est que le nonce Viganò avait poursuivi une “politique” de nomination d’évêques ou de promotion de diocésains amorcée dès le pontificat de Jean-Paul II et qui sera globalement poursuivie par Benoît XVI. Elle visait à modifier le corps épiscopal étatsunien en sélectionnant de préférence des prêtres ou des évêques connus pour leur doctrine orthodoxe et donc “conservateurs”. Ce n’est pas exactement la politique qu’envisage le pape François dans son intention de remodeler l’épiscopat étatsunien. Sa nomination surprise, le 20 septembre 2014 de l’évêque de Spokane (État de Washington), Blase Cupich – on prononce soupitche – au siège archiépiscopal de Chicago (Illinois), un des diocèses les plus importants des États-Unis, en dit long pour les observateurs. Évêque que l’on peut, sans craindre de se tromper, classer parmi les “progressistes” et que l’on considère comme le plus “bergoglien” des évêques étatsunien. En gros, Cupich c’est l’anti Raymond Burke (lequel, on ne l’aura pas oublié, a été en quelque sorte “remercié” par François). Promotion de l’un, rétrogradation de l’autre : de grand “dessein” du pape pour les États-Unis se lit avec clarté.
 
L’autre raison tient à un événement, que certains ont qualifié “d’incident”, survenu lors du voyage apostolique de François aux États-Unis du 22 au 28 septembre 2015. Viganò organisa à la nonciature de Washington une entrevue, brève mais significative, entre le pape François et Kim Davis, une pentecôtiste greffière du comté de Rowan (Kentucky) qui s’était retrouvée six jours en prison pour avoir refusé, au nom de sa foi chrétienne, de délivrer un certificat de mariage à deux personnes homosexuelles… L’affaire fit beaucoup de bruit aux États-Unis et au Vatican, et il n’est pas improbable qu’on ait fini par convaincre le pape que Viganò lui avait fait commettre un impair.
 

Le prochain nonce est annoncé : Christophe Pierre

 
Le prochain nonce sera donc une personnalité selon le cœur du pape François. Et il est déjà choisi. Pour comprendre ce choix, il faut, notamment, remonter au voyage apostolique du pape au Mexique en février dernier. Il fut, certes, marqué par une grande liesse populaire mais aussi par un incident. Les évêques mexicains, réunis en la cathédrale de Mexico le 13 février, furent admonestés par le Souverain Pontife qui les apostropha ainsi : « Nous n’avons pas besoin de “princes”, mais plutôt d’une communauté de témoins du Seigneur ». Une sortie blessante que, rompant avec tous les usages, le cardinal Norberto Rivera Carrera, archevêque de Mexico et primat du Mexique, crut pouvoir relever dans l’éditorial du 6 février de l’organe officiel de l’archidiocèse, Desde la Fe : « « Les évêques mexicains ont toujours accompagné le peuple souffrant et opprimé, consacrant leurs vies aux autres et ne vivant pas comme des “princes” […] Qui tente de saper le travail des évêques mexicains ? Est-ce que les mots improvisés du Saint-Père furent le résultat d’un mauvais conseil de quelqu’un de son entourage ? ».
 
Des mots sans doute pas improvisés mais, cela fait plus que se murmurer, soufflés par le nonce au Mexique : l’archevêque français Christophe Pierre. Ce Breton, né à Rennes en 1946, ordonné pour l’archidiocèse de Rennes en 1970, est entré dans la diplomatie vaticane en 1977 et occupa différents postes en Nouvelle-Zélande, au Mozambique, au Zimbabwe, à Cuba, au Brésil, avant d’être nommé nonce à Haïti (1995) puis en Ouganda (1999). C’est Benoît XVI qui le nommera au Mexique.
 

Un Français selon le cœur du pape François et des Jésuites à Washington

 
Pour les organes catholiques “progressistes” des États-Unis, America, l’hebdomadaire des Jésuites, Catholic National Reporter, il ne fait pas de doute que l’archevêque Pierre sera le prochain nonce à Washington, et ils s’en réjouissent. En Italie, un vaticaniste chevronné comme Sandro Magister mais moins enthousiaste sur le pape François, donne aussi le Français gagnant… Le « bergoglien » Pierre, comme le qualifie Magister, sera chargé de remodeler l’épiscopat étatsunien selon les vœux du pape. Il a devant lui six ans – le pape n’en a peut-être pas autant –, mais il risque surtout d’avoir contre lui une large frange de l’épiscopat des États-Unis…