Une contraction du crédit, subite, importante, et à ce titre, rare, affecte actuellement les Etats-Unis de Donald Trump. Des analystes stratégiques cités par Ambrose Evans-Pritchard du Telegraph de Londres craignent un retour de bâton : le ralentissement synchronisé les économies américaines et chinoises qui pourrait, cette année, surprendre un marché aujourd’hui euphorique. C’est l’indicateur d’un problème de fond dont la Réserve fédérale américaine a choisi de ne tenir aucun compte en remontant ses taux de base.
L’un des indicateurs clés de l’emprunt par les sociétés américaines – directement lié au taux d’activité économique – chute actuellement avec une rapidité qu’on n’avait pas vue depuis la crise de la banque Lehman. De même, la croissance des liquidités disponibles connaît un ralentissement notable. Outil de financiers, ces indicateurs donnent une vision précise de l’économie réelle, et elle est inquiétante, selon Evans-Pritchard.
Aux Etats-Unis, la contraction du crédit montre-t-elle la mauvaise santé de l’économie réelle
Sur ce marché de 2.000 milliards de dollars des prêts industriels et commerciaux, on note que les prêteurs se font plus parcimonieux, notamment pour financer l’acquisition d’immobilier non résidentiel : au cours des trois derniers mois, on a observé un ralentissement qui, en valeur annuelle, attendrait 5,4 % – du jamais vu depuis décembre 2008.
Patrick Perret-Green d’AD Macro commente : « Les prêts aux sociétés sont au point mort et je suis abasourdi de voir que la Fed augmente ses taux. Ils ont fait une très grosse erreur. »
Erreur ou action délibérée ? Les chiffres analysés sont précisément ceux de la Fed qui sait donc exactement ce qu’il en est. Nous nous demandions ici il y a dix jours si cette baisse des taux n’était pas une manœuvre anti-Trump.
Ceux qui commencent à sonner l’alarme s’étonnent de voir le peu d’attention accordée à cette nouvelle réalité des prêts bancaires aux Etats-Unis – c’est le cas de Matt King de Citigroup. Sans prétendre prédire une nouvelle crise il observe tout de même que le marché du crédit tend à percevoir les signes de difficultés plusieurs semaines avant que celles-ci ne se perçoivent sur les marchés boursiers, comme on a pu le constater lors de récents épisodes de tensions financières.
La Réserve fédérale prend des décisions qui rétrécissent l’offre de crédit
Historiquement, confirment des analystes de Morgan Stanley, la chute du crédit a précédé – pour ne pas dire provoqué ? – des récessions. La hausse des taux aura d’autant plus de conséquences que le secteur des entreprises américaines est très endetté.
Et c’est bien le rétrécissement des liquidités, délibérément mis en place par la Fed, qui cause et aggrave le mouvement : à la fois par la remontée des taux et par la fin de l’assouplissement quantitatif dont les effets restent difficiles à évaluer alors que le système financier global n’a jamais été aussi endetté.
Selon une étude de 122 récessions dans des économies riches depuis 1960 réalisée par le FMI, ces contractions économiques sont généralement précédées par un ralentissement du crédit quatre à cinq trimestres plus tôt. On pourrait ajouter que, cette chose étant acquise, toute décision de faire ralentir le crédit accepte implicitement, voire recherche la conséquence : la récession.
Sans aller jusque-là, et même si les chiffres actuels ne permettent pas de prédire une crise imminente, ils contredisent en tout cas l’exubérance des investisseurs persuadés que le monde est à l’orée d’un nouveau boom économique.
Anne Dolhein