Dieu, le divorce et les sacrifices qui lui sont agréables : déjà dans Malachie

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Dans le débat qui se poursuit à propos de la communion pour les divorcés remariés alors qu’ils sont par ailleurs engagés dans les liens d’un mariage sacramentel, justifiée de manière quasi ouverte par le pape François au motif que dans certains cas, on ne peut imputer de péché mortel à la personne se trouvant dans ces cas, au point que la nouvelle union puisse être considérée comme correspondant à la volonté de Dieu, il n’est pas inintéressant de se retourner vers Malachie. Ce dernier des prophètes mineurs – le dernier avant la naissance du grand saint Jean-Baptiste mort martyr pour avoir témoigné de la grandeur du mariage – rappelle que le rejet du divorce par Dieu n’est pas un conseil de perfection, voire un « idéal » inatteignable du Nouveau Testament, mais une réalité terrible. Au point que le sacrifice ne saurait être agréable à Dieu, dès avant la venue de son Fils, Messie et Rédempteur, de la part de Lévites qui méconnaissaient cette loi.
 

Dès Malachie, divorce et répudiation sont rejetés

 
Voici ce passage de Malachie. Il est tiré du chapitre 2, qui parle de l’infidélité de Juda choisissant des femmes païennes, puis, avec une même horreur, du mal que constitue la « répudiation » – le divorce – à la suite d’une alliance matrimoniale scellée devant Dieu (la traduction citée ici est celle de Silvestre de Sacy ; on trouvera ici le texte latin de la Vulgate).
 
13 Voici encore une suite de ce que vous avez fait : Vous avez couvert l’autel du Seigneur de larmes et de pleurs, vous l’avez fait retentir de cris ; c’est pourquoi je ne regarderai plus vos sacrifices, et quoi que vous fassiez pour m’apaiser, je ne recevrai point de présent de votre main.
 
14 Et vous me dites : Pourquoi nous traiterez-vous de la sorte ? C’est parce que le Seigneur a été témoin de l’union que vous avez contractée avec la femme que vous avez épousée dans votre jeunesse : et qu’après cela vous l’avez méprisée, quoiqu’elle fût votre compagne et votre épouse par le contrat que vous aviez fait avec elle.
 
15 N’est-elle pas l’ouvrage du même Dieu, et n’est-ce pas son souffle qui l’a animée comme vous ? Et que demande cet auteur unique de l’un et de l’autre, sinon qu’il sorte de vous une race d’enfants de Dieu ? Conservez donc votre esprit pur, et ne méprisez pas la femme que vous avez prise dans votre jeunesse.
 
16 (Vous direz peut-être) Le Seigneur, le Dieu d’Israël, a dit : Lorsque vous aurez conçu de l’aversion pour votre femme, renvoyez-la. Mais (moi je vous réponds) Le Seigneur des armées a dit : Que l’iniquité de celui qui agira de la sorte, couvrira tous ses vêtements. Gardez donc votre esprit pur, et ne méprisez point vos femmes.
 
17 Vous avez fait souffrir le Seigneur par vos discours. Et en quoi, dites-vous, l’avons-nous fait souffrir ? En ce que vous avez dit : Tous ceux qui font le mal, passent pour bons aux yeux du Seigneur, et ces personnes lui sont agréables : ou si cela n’est pas, où est donc ce Dieu si juste ?
 
Tout cela mérite quelques commentaires pour préciser le sens de ce texte. Traditionnellement, les larmes, les pleurs et les cris évoqués au verset 13 sont considérés comme étant ceux des femmes répudiées, méprisées, comme les témoins d’une injustice de la part du sacrificateur qui rend impossible l’agrément par Dieu du sacrifice. Dans les premiers versets de ce chapitre, la violence avec laquelle Dieu dit transformer en malédictions les « bénédictions » prononcées par des prêtres qui ont été « à plusieurs une occasion de scandale et de violement de la loi » en ne disant pas « la loi de vérité », est décrite de manière marquante : « Je vous jetterai sur le visage l’épaule de vos victimes, et les ordures de vos sacrifices solennels, et elles vous emporteront avec elles. »
 
Le verset 14 dit l’importance du mariage conclu devant Dieu, Dieu étant pris à témoin du serment de fidélité. Ainsi la rupture de cette alliance est-elle à la fois un parjure et la profanation d’un lien sacré.
 
Le verset 15 a reçu diverses traductions dont certaines – la Bible de Jérusalem en particulier, et la Bible traduite par le protestant Louis Segond – semblent renvoyer, sans le nommer, à Abraham qui se tourne vers l’esclave païenne Agar pour obtenir la postérité qui lui avait été promise, et dont il doute. Si cette approche est exacte, c’est toujours l’infidélité d’Abraham qui est dénoncée ici au nom du respect de la première alliance maritale avec « la femme prise dans la jeunesse ». Dans les traductions catholiques classiques, on retrouve davantage l’idée de l’unité du couple devenu une seule chair.
 
Le verset 16 renvoie clairement à ce que Jésus dira plus tard aux Pharisiens : Dieu n’aime pas le divorce, la répudiation, et la tolérance de cette pratique ne la rend pas agréable aux yeux du Seigneur. Dans la Bible de Jérusalem, la traduction est plus ramassée : « Car je hais la répudiation, dit Yahvé le Dieu d’Israël, et qu’on recouvre l’injustice de son vêtement, dit Yahvé Sabaot. Respect donc à votre vie, et ne commettez pas cette trahison ! » Au fond, le sens est le même.
Le verset 17 dit clairement ce qui est le plus grave : appeler « bien » ce qui est mal, c’est une injustice qui entache directement le culte rendu à Dieu.
 

Le sacrifice agréable à Dieu d’après Malachie

 
Tout cela pose évidemment la question dans le contexte actuel : comment le divorce suivi d’une nouvelle union, quelle qu’en soit la cause, peut-il être compatible avec une réception fructueuse du sacrifice parfait, celui du Christ sur la croix rendu actuel sur l’autel ? Car il est clair que même dans l’Ancien Testament, la loi de Moïse, loi de tolérance, ne correspondait pas à ce que Dieu voulait pour le mariage – et par conséquent pour la société tout entière constituée de mariages et minée par l’injustice des mariages brisés.
 
Cela suscite une réflexion supplémentaire : tout cela renvoie également à l’épisode de saint Joseph apprenant que sa fiancée, Marie, était enceinte sans l’avoir « connu ». On lit au chapitre 1, verset 19 de l’Evangile de saint Matthieu : « Or Joseph, son mari, étant juste, et ne voulant pas la déshonorer, résolut de la renvoyer secrètement. »
 
Joseph était « juste », et c’est parce qu’il était « juste » qu’il ne voulait pas la « déshonorer » – alors que la loi de Moïse prescrivait de répudier la femme infidèle (et qu’elle aurait même pu être lapidée alors pour ce qui serait apparu comme un adultère). La répudiation secrète, que Joseph envisagea « parce qu’il était juste », n’aurait pas rompu l’engagement. En définitive, on sait que saint Joseph, très chaste époux de la Vierge, et la Sainte Mère de Dieu n’usèrent pas du mariage par lequel ils étaient pourtant légitimement liés. Ce ne fut pas une « répudiation en secret » mais une décision de vivre sans relations charnelles, parce que Marie était toute donnée à Dieu, et par respect du sacré.
 
Voilà qui dit toute la force de l’engagement matrimonial pleinement conforme en tout point à la volonté de Dieu, et capable ainsi de permettre la naissance du Messie attendu par Israël, en vue du seul Sacrifice qui pût lui plaire entièrement.
 

Jeanne Smits