Le président de la République de Pologne Andrzej Duda a tenu la promesse qu’il avait faite en opposant son veto il y a deux mois à deux des trois lois de réforme de la justice votées par la majorité PiS au parlement de Varsovie. Il a présenté lundi ses propres projets qui vont maintenant être discutés à la Diète. Chose curieuse, même si l’on commence à s’y habituer, le socialiste hollandais Frans Timmmermans, premier vice-président de la Commission européenne chargé de l’Amélioration de la législation, des Relations inter-institutionnelles, de l’Etat de droit et de la Charte des droits fondamentaux, cherche à nouveau à s’ingérer dans le débat parlementaire polonais.
Il s’est en effet adressé de sa propre initiative à la Commission de Venise, organe consultatif du Conseil de l’Europe, pour que celle-ci se déclare prête à être consultée sur les projets de loi débattus à partir de cette semaine à Varsovie. La Commission de Venise a répondu positivement, mais il ne semble pas que le parlement ou le président polonais aient l’intention, en tout cas pour le moment, de lui demander son avis dans un domaine qui relève de la compétence exclusive des nations.
La Commission européenne voudrait pouvoir intervenir en amont dans le débat sur la justice d’un Etat membre
Le jour où le président polonais proposait ses projets de loi pour réformer la justice, plutôt bien accueillis par la majorité parlementaire mais déjà accusés par une partie de l’opposition de vouloir violer la constitution, le commissaire Timmermans présentait devant le Conseil de l’Union européenne un état des lieux sur son « dialogue » avec Varsovie. Parmi les domaines de « dialogue », c’est-à-dire en fait de conflit, entre la Commission européenne et le gouvernement polonais issu des élections d’octobre 2015, il y a la réforme des tribunaux ordinaires, qui n’avait pas été bloquée en juillet par le président Duda, et à laquelle la Commission reproche d’aligner la retraite des juges sur le régime général, qui à partir du 1er octobre rétablit l’âge de la retraite à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes. Aujourd’hui, la Commission européenne voit une discrimination dans ce régime général alors qu’entre 2004, date d’entrée de la Pologne dans l’UE, et 2013, année où l’âge de la retraite avait été porté à 67 ans pour tous par le gouvernement de Donald Tusk, les institutions européennes n’y avaient rien trouvé à redire.
Quelle que soit la mouture finale des lois de réforme proposées par le président Duda, les sanctions réclamées contre la Pologne ont peu de chances d’aboutir
Dans le projet présidentiel concernant la réforme de la Cour suprême, il est prévu que le mandat des juges (hommes et femmes) prendra fin à 65 ans (au lieu de 70 ans aujourd’hui, avec possibilité de rester en place au-delà) sauf s’il est prorogé, au cas par cas, par le président de la République. La première concernée est la présidente de la Cour suprême qui pourrait voir ainsi son mandat raccourci puisqu’elle aura 65 ans en novembre prochain. On peut déjà déduire des déclarations faites par le commissaire Timmermans que ce sera pour lui, si cette disposition est maintenue, un motif de sanction contre la Pologne pour violation de l’état de droit.
Cela dit, pour sanctionner la Pologne au titre de l’article 7 du Traité sur l’Union européenne comme l’envisage Timmermans, c’est-à-dire pour la suspendre dans ses droits d’Etat membre, il faudra l’unanimité du Conseil européen. La Hongrie a maintes fois répété qu’elle s’y opposerait et plus récemment, au Forum de Krynica, la Tchéquie a indiqué qu’elle ferait de même. Et il est probable que d’autres pays d’Europe centrale et orientale soutiendront la Pologne au moment crucial.
Ainsi, lorsque le président français Emmanuel Macron expliquait mardi à la Sorbonne, à propos du gouvernement de Beata Szydło, qu’il « faut que ce gouvernement explique très clairement au peuple polonais que s’il met en place son programme, il doit proposer de quitter l’Europe », il est peu probable qu’il arrive à ses fins, même soutenu par Juncker et Timmermans. D’autant plus qu’Angela Merkel a maintenant d’autres chats à fouetter.