Conditionner les fonds européens au respect de l’état de droit : la Commission pourrait punir les agriculteurs français en cas de victoire FN

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L’idée fait son chemin de conditionner le versement des fonds européens au respect par les Etats membres de l’UE de l’état de droit et de l’indépendance de la justice. Věra Jourová, la Commissaire européenne à la Justice, aux Consommateurs et à l’Egalité des genres (sic), pousse le projet et elle l’a dit en toute franchise au ministre polonais des Affaires étrangères qu’elle rencontrait le 8 février : ce principe, s’il entre en vigueur, sera aussi appliqué aux subventions agricoles en faveur des agriculteurs français si le FN remporte les élections en France ! C’est Jacek Czaputowicz, le ministre polonais, qui lui a posé la question, car la Pologne est aujourd’hui dans le viseur de ceux qui, de la Commission au Français Emmanuel Macron en passant par l’Allemand Martin Schulz, proposent de sanctionner financièrement, à partir de 2020 (année d’entrée en vigueur du prochain budget pluriannuel de l’UE) les pays dont la politique sera supposée violer l’indépendance de la justice, l’état de droit et les « valeurs européennes ».
 
Bien entendu, la Pologne s’y oppose, de même que les autres pays menacés aujourd’hui d’une procédure de sanction au titre de l’article 7 du traité sur l’UE : la Hongrie et la Roumanie. Mais d’autres pays renâcleront sans doute aussi à doter les institutions européennes d’un tel pouvoir arbitraire.
 

La Commission européenne prête à se substituer aux cours suprêmes et aux cours constitutionnelles nationales !

 
Qui à Bruxelles serait en effet chargé de se substituer à l’institution judiciaire et au système d’équilibre des pouvoirs des Etats membres de l’UE et de décréter quels sont les pays qui doivent être sanctionnés ? En fonction de quels critères ? Les questions de respect de « valeurs européennes » fluctuantes et de l’acceptation de quotas de demandeurs d’asile plusieurs fois évoquées dans le contexte du chantage aux fonds européens feront-elles partie de ces critères d’allocation des fonds européens ? En militant pour ce projet, la Commission européenne et la Tchèque Věra Jourová – d’idéologie libérale-libertaire – confirment leur propension à vouloir, avec le soutien de quelques pays membres, dont la France macronienne, étendre leurs pouvoirs bien au-delà de ce que prévoient les traités européens.
 

Suspendre le versement des fonds européens aux agriculteurs français en cas de vote pour le FN

 
La question du ministre polonais n’était pas innocente. Tout le monde sait bien que les règles européennes ne s’appliquent pas à tous de la même manière. Ainsi, la France et l’Allemagne n’ont jamais été sanctionnées pour leur non-respect des critères de Maastricht (que la France continue de violer allègrement avec sa dette publique frôlant les 100 % du PIB !). Sachant que les anciens pays de l’Est, grands bénéficiaires des fonds européens – et notamment des fonds de cohésion – sont directement visés par l’idée de faire dépendre ces fonds du respect de l’état de droit, de l’indépendance de la justice et des « valeurs européennes », le ministre polonais des Affaires étrangères a voulu démontrer à la Commissaire européenne l’absurdité de sa proposition. Et celle-ci s’est défendue en affirmant, selon les propos rapportés par Jacek Czaputowicz, que si Marine Le Pen devait gagner les prochaines élections en France et « qu’il y avait des problèmes au niveau du respect des valeurs européennes », alors les agriculteurs français « devraient être sanctionnés » pour leur choix. Par analogie, lui a rétorqué le Polonais, cela veut dire que les agriculteurs polonais, « parce qu’ils ont choisi le PiS devraient avoir moins d’argent ». C’est « complètement absurde », a fait remarquer le ministre polonais à la Commissaire européenne, en lui promettant que la Pologne s’opposerait fermement à ce projet.
 

Les Européens de l’Est veillent au respect de l’état de droit à Bruxelles.

 
Pas de panique, les Européens de l’Est veillent au respect par l’UE de la démocratie et de l’état de droit et n’accepteront pas que l’UE puisse devenir un Etat fédéral sans passer par un nouveau traité : « Le prochain budget européen pluriannuel sera décidé à l’unanimité. Nous ne céderons pas au chantage politique », a prévenu Zoltan Kovacs, le porte-parole du premier ministre hongrois. Au cours d’une conférence de presse avec son homologue polonais, le ministre des Affaires étrangères roumain Teodor Meleşcanu a lui aussi critiqué en des mots très fermes l’idée de conditionner l’accès aux fonds structurels européens en violation des principes de l’UE. Il a aussi rappelé que, malgré les subventions européennes, le solde des transferts de fonds est négatif pour les anciens pays de l’Est. Sous-entendu : en cas de sanctions financières, il pourrait y avoir des rétorsions et c’est la vieille UE qui perdrait le plus au change, car l’élargissement lui a rapporté et lui rapporte encore beaucoup d’argent.
 

Olivier Bault