Si l’usage de l’informatique à outrance a pu augmenter la productivité, voici qu’on apprend qu’il fait s’effondrer la disponibilité des travailleurs. Aux Etats-Unis, la force de travail semble se réduire, et ce n’est pas par manque de postes. Tout simplement, à la suite d’une baisse des prix et d’une technologie optimisée, les jeux vidéo sont perçus comme une meilleure manière de passer son temps, surtout parmi les jeunes hommes de la génération des « Millennials », nous apprend une étude publiée par le National Bureau of Economic Research Digest. « Le nombre moyen d’heures de travail des hommes âgés de 21 à 30 ans a diminué de 203 heures par an entre 2000 et 2015 », y lit-on. Soit une baisse de 12 % en quinze ans.
Le taux jeunes hommes « Millennials » – les 20-30 ans – n’ayant pas du tout travaillé en 2015 a doublé par rapport à 2000
En excluant ceux qui sont étudiants à plein temps, environ 15 % des hommes entre 20 et 30 ans n’ont pas affiché la moindre semaine de travail durant l’année 2015. Ce taux a doublé entre 2000 et 2015. Les chercheurs Mark Aguiar, Mark Bil, Kerwin Kofi Charles et Erik Hurst ont établi que les jeunes hommes en pleine santé préfèrent rester plus longtemps chez eux et passer leurs heures libres à pratiquer des loisirs, et cela en proportion bien plus importante que les jeunes femmes ou les hommes plus âgés. Les chercheurs écrivent : « Nous avons calculé que le temps passé sur ordinateur pour des jeux ou en divertissement représente environ la moitié de l’augmentation du temps de loisir chez les jeunes hommes depuis 2004 et explique un déclin des heures travaillées de 1,5 à 3 %. »
Ainsi les « Millennials », ces jeunes nés à la fin du XXe siècle, aiment mieux jouer que travailler. Les conséquences sont sensibles sur les budgets de leurs parents, qui paient les boissons énergisantes destinées à nourrir les passions de leurs fils. Mais elles seront plus sensibles encore sur l’économie générale quand ces jeunes arriveront sur le marché du travail en état de quasi-abrutissement. Avec le syndrome de Peter Pan, celui de ces hommes qui ne veulent pas grandir. Or ces « garçons perdus » continueront de prendre de l’âge, au risque de devenir de véritables cas sociaux. « Si ces garçons préfèrent ne pas grandir et rester dépendants des générations qui les précèdent, alors le pays sera confronté à un avenir périlleux », estime la journaliste américaine Katie Petrick.
La génération la plus nombreuse… et la plus soumise à la dépendance des jeux vidéo
Le bureau du recensement américain évalue les Millennials comme la génération en vie la plus importante en 2016 aux Etats-Unis. Avec 75,4 millions de 18-34 ans, ils dépassent en nombre leurs parents baby-boomers (74,9 millions), ce qui s’explique à la fois par l’effet mécanique d’une mortalité inférieure mais aussi par le nombre de jeunes immigrants entrant aux Etats-Unis. Les baby-boomers disposent encore des capacités de soutenir financièrement leur descendance, mais que se passera-t-il quand ils ne pourront plus être eux-mêmes autonomes ? Pourront-ils alors se reposer sur leurs fils ?
Pour ces jeunes hommes accros aux jeux vidéo l’argent ne constitue plus une gratification suffisante pour justifier de s’engager plus avant dans le travail. Interrogé par un journaliste l’année dernière, Danny Izquierdo, 22 ans, confiait qu’en jouant, il savait « qu’en y passant un peu de temps (il) serait récompensé… alors qu’avec un emploi, il y aura toujours un décalage entre le travail fourni et sa rémunération ». Erik Hurts, économiste à l’Université de Chicago et co-auteur de l’étude, déplore que le statut de chômeur n’embarrasse pas ces « garçons perdus ». Il permet en revanche aux géants des jeux vidéos d’engranger les bénéfices. Jusqu’à quand ?