Juppé sort du bois et du jeu, Fillon élu dernier homme de la démocratie

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Bandar-logs

 
Juppé est enfin sorti de son silence et du bois. Hollande a bafoué la fonction de président, médias et politiques en piétinent l’élection : un système de pouvoir non élu liquide la démocratie dont Fillon, vieux prince à assassiner, est paradoxalement le dernier homme.
 
En Albe la longue, la dévolution du pouvoir se faisait dit-on par l’assassinat rituel du vieux roi par le nouveau dans un bois sacré, Renan raconte cela quelque part. J’ignore les dernières trouvailles des historiens sur la question, mais l’actualité nous donne une belle illustration de la méthode, encore que le maquis de la justice et des médias n’ait rien à voir avec les bois amènes qu’affectionnait l’antiquité gréco-romaine. Point de gazons ni d’ombrage des yeuses pour l’hallali anti-Fillon.
 

Les bandar-logs dépècent Fillon en meute

 
Ce qu’il faut noter, plus que le résultat de l’opération, c’en est la méthode. Nourri durant des lustres de niaiseries mortellement anodines comme une drogue douce par l’Education nationale, l’homme occidental moderne ne désire plus rien que le bien-être et la sécurité, juste pimentés par la satisfaction de soi que procure l’adhésion à des idées dites généreuses. Il ressemble furieusement aux bandar-logs, ces hommes singes du Livre de la jungle dont la devise mérite d’être citée en entier tant elle résume notre société : « Nous sommes grands. Nous sommes libres. Nous sommes merveilleux. Nous sommes le peuple le plus merveilleux de toute la jungle. Nous le disons tous, de sorte que cela doit être vrai. »
 

Chasse à l’homme au nom de la démocratie

 
Les bandar-logs sont tous well educated au bout de quinze ans d’école primaire, ils savent tout ce que doit savoir un homme politiquement correct pour s’opposer au populisme. Or François Fillon, en rassemblant ses partisans hier au Trocadéro, a franchi « la barrière qui le séparait du populisme », estime Michel Winock, historien spécialisé dans ces choses-là. Voilà justifiée l’incroyable chasse à l’homme menée depuis plus d’un mois par la justice, les médias et les politiques intéressés au résultat contre le candidat de la droite et du centre. C’est un lynchage civique et organisé. Les bandar-logs chassent en meute, sans qu’il y ait besoin de chef, commandés par l’instinct, le lait sucé ensemble, un même ADN politique, philosophique et spirituel.
 

L’ADN de BFM : du premier au dernier, ils pensent tous bien

 
Cela donne ce merveilleux syndicat d’entraide, cette fraternelle maçonnique, cette synergie de tous les instants dont ils nous offrent le spectacle : comme il y a des instructions à charge, il y a aussi de l’information à charge, et le plus bel exemple en est BFMTV, la machine du milliardaire Patrick Drahi qui a pris tant de place en quelques mois. C’est un camaïeu médiatique : le reportage, les interviews, les commentateurs, l’invité de plateau et le présentateur-modérateur soutiennent la même opinion dans un dégradé de nuances pastel du meilleur effet. Il résulte de tout cela que François Fillon est un bien vilain homme et un danger pour la démocratie, une honte pour l’honnête homme, une gêne pour son parti. Bien sûr, BFMTV n’est que l’un des coryphées du chœur, ce qui vaut d’être retenue de cette polyphonie d’information à charge est qu’elle est à la fois trans-partisane et trans-médiatique, droite (un petit bémol au Figaro, forcé de ménager ses lecteurs) et gauche, télés, radios et presse rendent le même son. Tous les Républicains sont contre Fillon, c’est-à-dire contre la démocratie.
 

Le vrai crime de Fillon : avoir été élu

 
Car enfin la primaire à droite, dont j’ai ici-même dénoncé l’américanisme et le caractère contraire aux institutions de la cinquième république, n’en a pas moins clairement choisi François Fillon, à une écrasante majorité, comme candidat de la droite et du centre. De même depuis cinq ans, toutes les élections intermédiaires ont-elles exprimé, de la manière la plus nette et la plus forte, une extrême défiance, un dégoût, un ras-le-bol pour parler grossièrement, de la gauche, de François Hollande et de sa clique, les Hamon, les Valls, les Macron. Et voilà qu’aujourd’hui, après quelques embrouilles et beaucoup de sondages, tout uniment, la presse se demande si la droite peut encore gagner la présidentielle ! Et voici que les structures dirigeantes de la droite elles-mêmes ont concouru avec entrain aux pressions visant à éliminer son candidat désigné, François Fillon. Si cela n’est pas un déni de démocratie, alors qu’est-ce que c’est ?
 

Les Républicains pratiquent le « dégagisme » contre la démocratie

 
François Fillon n’est pas autiste, paraît-il, mais il est un peu sourd : les médias ayant annoncé le suicide de sa campagne, il a entendu compagne, et il s’est indigné sur l’estrade qu’on puisse en vouloir autant à Pénélope. C’est ridicule mais touchant, et cela veut dire aussi qu’il est très seul : l’entourage bien payé d’un roué lui aurait évité cette gaffe. Fillon est seul, dernier représentant de la démocratie, du moins parmi les partis dits présentables (Marine Le Pen est populiste) et voilà pourquoi ses soutiens l’ont courageusement laissé tomber. Voilà pourquoi il fallait qu’il « dégage », selon le vocabulaire de Jean-Luc Mélenchon. La hiérarchie maçonne de la droite et du centre aura pratiqué à mort le dégagisme contre un homme qui n’est, selon elle, pas suffisamment formaté. Cela prouve son extrême sensibilité, car Fillon, nous avons eu l’occasion de le voir, est tout à fait comme il faut sur de nombreux points, y compris hélas sur l’éthique de la vie et de la famille.
 

Fillon, vieil enfant de chœur dans un coupe-gorge

 
François Fillon a reconnu deux erreurs, celle d’avoir employé Pénélope, et celle de ne pas s’être très bien défendu. Sur le deuxième point on lui donnera raison. Quand on a blanchi trente-cinq ans sous le harnais gaulliste, ignorer que la politique est un coupe-gorge et que l’on peut tomber pour rien, une misère, un souffle, un fantôme de rumeur, c’est ne pas entendre non seulement les leçons de son entourage mais celles de l’histoire : l’affaire du collier de la reine, où il n’y avait rien d’autre que la fatuité d’un Rohan, fut l’un de ces coups de masse qui firent s’écrouler la monarchie. Dans une république pourrie à l’os où le chef de l’Etat dépense l’argent du contribuable à garder sa maîtresse, le salaire d’une épouse assistante aura durement sapé la démocratie.
 

Le mondialisme soumettra la démocratie jusqu’au dernier homme

 
L’autre erreur reconnue n’en est pas une et montre la limite de Fillon. Employer, s’il l’a fait honnêtement, son épouse n’était pas seulement légal, mais moral : « reconnaître » cette « erreur » revient donc, c’est gravissime pour quelqu’un qui a brigué le pouvoir suprême, à se soumettre à un système non élu qui prétend fixer en dehors du droit positif les élégances morales et les règles du savoir se comporter. Pourquoi ne pas le nommer, ce pouvoir qui écrase peu à peu la démocratie : c’est la gouvernance mondiale en train de s’installer. Elle s’est manifestée dans l’affaire Fillon par le pouvoir absolu des juges et des médias. Absolu signifie indépendant. Indépendant de quoi ? Pas de l’argent des commanditaires ni des injonctions du politiquement correct. Mais indépendant, pour les juges, des règles de droit. Indépendant, pour les médias, de la réalité.
 

Quelle carte joue Sarkozy ?

 
Indépendant aussi, pour les politique, de la démocratie. Cela se sera manifesté jusqu’au bout de la manœuvre. Le comité politique chargé de pousser Fillon dehors n’est pas une instance régulière du parti, c’est un machin non élu coopté en vitesse. Sarkozy, que l’on a découvert plusieurs fois, hilare, à la manœuvre, est le grand vaincu du scrutin de la primaire. Qu’espère-t-il au juste de ce qui arrive à son vainqueur ? De même, parmi les trois présidents de région qui se sont donné majestueusement pour mission de trouver une « sortie respectueuse » (du temps de Sartre, c’étaient les prostituées qui l’étaient, respectueuses) à Fillon, Bertrand est élu avec les voix de la gauche, Estrosi aussi, et Pécresse est une chaude partisane d’Alain Juppé. On ne saurait mieux se moquer du monde. Le pouvoir qui se substitue à la démocratie ne prend plus de gants.
 

Juppé sort du bois pour rentrer à Bordeaux

 
La (fin de) partie qui se joue aujourd’hui est particulièrement pathétique. Juppé est enfin sorti du bois : il ne sera pas candidat. C’est-à-dire qu’il n’a pas osé entrer dans le bois sacré pour assassiner le prince des candidats, Fillon. Non qu’il n’en ait eu envie, depuis la première minute, mais il se sait coincé : si l’on élimine Fillon sous le prétexte qu’il est soupçonné d’un emploi fictif, Juppé, dument condamné par la justice pour un système d’emplois fictifs à la ville de Paris, n’aurait pas pu se maintenir une seconde. Et les haines qu’il suscite tant dans le parti que dans l’électorat de droite le menaient à la déroute malgré de flatteurs sondages. Il se retire donc en suggérant à ceux qui le suivent de se reporter sur Macron, son éloge de l’Europe de Bruxelles le montre. Tout va bien, le candidat LR de la gouvernance mondiale adoube le candidat ex-PS de la gouvernance mondiale.
 
A droite, restent deux hommes : Fillon, qui paraît vouloir persister, et Sarkozy, qui continue à manœuvrer. Tous deux entendent sauver non la France mais les intérêts d’un parti qui serait laminé en cas d’une victoire d’Emmanuel Macron. Mais quelle est aujourd’hui leur marge de manœuvre ? Que pèse, en d’autres termes, le rassemblement d’hier dimanche dans le rapport des forces en présence ? On en parlera sûrement au bureau politique des Républicains. Mais que peut-il en sortir ? C’aura été le paradoxe de la primaire, pensée pour imposer l’hégémonie d’un parti, de mener celui-ci à l’implosion.
 

Pauline Mille

 
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