Il faut croire que les grecs-orthodoxes n’ont pas été gagnés par l’esprit du dialogue interreligieux. C’est en tout cas ce qui ressort de la récente lettre ouverte du métropolite Séraphim du Pirée au président turc Recep Tayyip Erdogan, avertissant le chef d’État que lui et sa famille doivent se convertir au christianisme sous peine de se retrouver dans les « souffrances éternelles de l’enfer ».
Hors de l’Eglise point de salut ? Le métropolite Séraphim fait de ce principe une interprétation que l’on qualifiera de vigoureuse, puisque selon lui, Mahomet et les siens, mais aussi Allah, se trouvent déjà en état de damnation éternelle. « Si vous désirez vous sauver, vous et votre famille, vous devez vous convertir à l’Eglise grecque orthodoxe, la seule vraie foi », écrit-il.
Quelques remarques d’emblée. Le métropolite Seraphim est connu pour ses positions traditionnelles – parfois exprimées dans le cadre de déclarations outrancières, une aubaine pour ses opposants. Il a déjà suscité la controverse en accusant le sionisme d’avoir coopéré avec Hitler pour la réalisation de la Shoah et en désignant « les juifs » comme étant à l’origine des difficultés de son pays, la Grèce. Ses déclarations ont une évidente part de provocation et ne servent pas toujours la cause qu’elles prétendent faire avancer, loin s’en faut.
Le métropolite grec-orthodoxe Séraphim peut-il faire convertir Erdogan ?
Autre précision : l’Eglise catholique affirme l’existence de l’enfer mais ne se reconnaît pas la capacité de dire avec certitude qu’une personne déterminée s’y trouve. Le mystère de la miséricorde et de la justice de Dieu reste de ce point de vue entier. Par ailleurs, on notera que le métropolite Séraphim revendique l’orthodoxie comme la seule vraie foi. Rafraîchissant, lorsque tant de responsables religieux sombrent au contraire dans le relativisme en refusant de revendiquer la véracité de leurs croyances face au reste du monde. Mais enfin l’orthodoxie est schismatique…
Cela dit, les déclarations du métropolite grec tranchent du point de vue de leur revendication sans complexes de la véracité du christianisme et par l’affirmation de quelques phrases bien senties sur l’islam.
Ainsi, Séraphim a-t-il qualifié l’islam de « fausse religion démagogique… fondée sur nombre d’illusions » répandues par un « faux prophète ». Le Coran ? Ce n’est pas un livre « saint » ou « sacré », écrit-il dans sa lettre à Erdogan.
Menaces pour le président turc : soit il se convertit, soit il ira en enfer
Détaillant quelques différences entre le christianisme et l’islam, le métropolite a toutefois souligné les emprunts faits par ce dernier à la Bible et à d’autres écrits religieux. Il n’a pas oublié de rappeler que Mahomet n’a pas craint d’épouser une fillette de neuf ans.
Son rappel du risque de damnation pour ceux qui refusent sciemment la grâce de la conversion (il ne le dit pas en terme aussi nuancés) sont à l’opposé de l’actuel discours au Vatican. Le pape François a réitéré le mois dernier, devant une association de laïcs, sa condamnation du « prosélytisme » qu’il a assimilé à la « coercition ». Il le qualifiait de « braconnage parmi ceux d’une foi différente ». Le pape François avait déjà déclaré en octobre dernier : « Il y a un péché très grave contre l’œcuménisme : le prosélytisme. Nous ne devons jamais faire de prosélytisme à l’égard des orthodoxes. »
Le métropolite Séraphim, partisan de la plus grande franchise quand il s’agit de dénoncer les erreurs de l’islam, ne mange pas de ce pain-là.
Et c’est dramatique, car on en arriverait à croire que des schismatiques affichent mieux leur fidélité à la foi chrétienne que l’Eglise catholique. Voilà qui fait les affaires de ses ennemis.