L’élection d’Erdogan est mauvaise pour l’Europe et le Proche Orient

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La presse occidentale a si longtemps fait la promotion de l’adversaire d’Erdogan Kiliçdaroglu et présenté son élection comme possible, que beaucoup, par méfiance devant cette propagande et/ou aversion pour les Etats-Unis de Biden, ont fini par souhaiter la réélection du raïs turc. Or, c’est une très mauvaise chose tant du point de vue politique que religieux, pour l’Europe, la Turquie, l’est de la Méditerranée et le Proche Orient.

 

Un bon Erdogan antimondialiste ? Ce n’est qu’un rêve

Quelques-uns voient Erdogan en chef nationaliste opposé à la Révolution mondialiste, un peu comme ils rêvent un Poutine nouveau tsar chrétien opposé à l’empire arc-en-ciel mené par l’OTAN au service des Etats-Unis. Ce ne sont que des rêveries. L’histoire d’Erdogan et de la Turquie actuelle suffit à les dissiper. Sans doute, du point de vue économique, son échec n’est-il pas complet. Mais le soutien populaire qu’il a su garder, en particulier en Anatolie (Istanbul et la côte méditerranéenne sont moins enthousiastes) vient d’autres raisons. D’abord, son islamisme forcené. On cite en exemple la transformation de Sainte-Sophie en mosquée, et c’est en effet un symbole : l’avancée du voile et du burkini, partout, à la campagne et dans les grandes villes, en est une autre manifestation. Et son épuration de l’armée, traditionnellement garante d’une certaine laïcité kémaliste, encore une autre. Sans doute ne faut-il pas se faire d’illusion sur le kémalisme maçon, mais l’islamisme d’Erdogan est pire.

 

Une élection mauvaise pour la politique étrangère

L’élection d’Erdogan est également mauvaise du point de vue de la politique étrangère. En Syrie et dans l’ensemble du Proche Orient, en Irak notamment, c’est un facteur de guerre. Parce qu’il réprime toute solution au problème kurde. Parce qu’il a tendance à s’étendre. On l’a vu à la frontière du pays alaouite. Et parce qu’il soutient toutes sortes de groupes armés dans un jeu assez compliqué. Il a en outre contribué à la pérennité de la guerre de Syrie en « accueillant » des millions de réfugiés, puis en laissant une partie envahir la Grèce et l’Europe de l’Est, avant de négocier avec l’Union européenne un accord financier : milliards d’euro contre fermeture (imparfaite et temporaire) des frontières. Depuis, il alterne provocations manifestes contre la Grèce et chantage à l’ouverture des vannes de l’immigration.

 

Le maître du chantage contre l’Europe

Sa position dans l’OTAN lui donne par ailleurs une puissance de chantage formidable. Les Etats-Unis, qui ont besoin de lui, n’osent pas le sommer de retirer ses troupes de Syrie. Et l’OTAN, qui entend intégrer la Finlande et la Suède, fait patte de velours avec lui : il a déjà levé son veto pour la Finlande, mais pas encore pour la Suède. C’est-à-dire qu’il se pose en arbitre de ce qui se passe en Europe. Et la chose est renforcée par une diaspora turque extrêmement nombreuse (en Allemagne et en France notamment où il a obtenu près des deux tiers des voix au premier tour), entièrement à sa dévotion (l’analyse du récent scrutin le montre), à la fois chauvine et islamique, attachée aux organisations de l’islam politique turc transnational, dont Erdogan est issu. Cette diaspora, qui fait parfois le coup de poing ou le coup de feu contre les Kurdes, il l’appelle périodiquement à une « guerre entre la Croix et le croissant ». Cette élection est une mauvaise nouvelle pour l’Europe et les chrétiens.

 

Pauline Mille