Le projet de gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne, une remise en cause de l’Alliance atlantique ?

gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne
 
« Quand on parle de solidarité européenne, j’en profite pour rappeler que cette solidarité est noyée au fond de la mer Baltique où l’on construit le gazoduc Nord Stream », expliquait en mai le député polonais au Parlement européen Ryszard Czarnecki. Or si le projet Nord Stream 2 est mené à bien, il doublera la capacité de ce gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne par la mer. Après un report lié à un avis défavorable de l’autorité de la concurrence polonaise, le projet semble avoir été remis sur les rails grâce à un nouveau montage financier impliquant cinq grosses compagnies européennes : les Allemands Uniper et Wintershall, l’Autrichien OMV, le Français Engie et l’Anglo-néerlandais Shell. En 2016, huit gouvernements d’Europe centrale et orientale s’opposaient dans une lettre au président de la Commission européenne à ce projet qui pourrait avoir « des conséquences géopolitiques potentiellement déstabilisantes ». Aujourd’hui, ce n’est plus seulement la solidarité européenne qui est remise en cause par le pacte gazier germano-russe, mais c’est aussi l’Alliance atlantique après que le Sénat américain a donné son feu vert à des sanctions contre les compagnies qui prendront part au projet Nord Stream 2 (dans le cadre des sanctions contre la Russie). Un feu vert au président Donald Trump qui doit encore être approuvé par la Chambre des Représentants mais qui a déjà suscité une réaction enragée du ministre des Affaires étrangères allemand Sigmar Gabriel et du chancelier autrichien Christian Kern.
 

Le gazoduc Nord Stream permet à la Russie d’exercer des pressions sur l’Ukraine et sur certains pays membres de l’Alliance atlantique

 
En 2006, le ministre de la Défense polonais Radosław Sikorski avait comparé l’accord Nord Stream signé entre Berlin et Moscou au pacte Ribbentrop-Molotov d’août 1939. Aujourd’hui, c’est la Pologne qui est à la tête du combat des nations d’Europe centrale et orientale contre le doublement de la capacité de ce gazoduc. Car comme l’écrivait le journal britannique The Telegraph le 21 juin, la construction du gazoduc Nord Stream 2 n’entraînera pas un accroissement des fournitures de gaz russe à l’Europe, puisqu’il s’agit uniquement, en dépit des considérations de protection de l’environnement et de sécurité, de faire passer au fond de la mer Baltique le gaz qui transite aujourd’hui par voie de terre par la Biélorussie et la Pologne d’une part et par l’Ukraine d’autre part. Cela permettra à la Russie d’utiliser plus facilement encore que jusqu’à présent son gaz comme arme politique contre les pays d’Europe centrale et orientale, en coupant ou en limitant l’approvisionnement de certains pays uniquement.
 
« Cette saga est un exemple cru de la manière dont Berlin s’empare de la machinerie européenne. Bruxelles met de côté les lois européennes pour le Nord Stream alors qu’elle les applique pour d’autres gazoducs comme le Yamal et le Southstream », reproche The Telegraph aux Allemands tout en s’interrogeant sur la loyauté de Berlin vis-à-vis de l’Alliance atlantique.
 

Olivier Bault

 
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