Est-ce pour mieux préparer des changements radicaux qu’il veut introduire dans la doctrine de l’Eglise ? Le pape François, lors de son homélie à Sainte-Marthe du 18 janvier, a expliqué que le chrétien qui se dissimule derrière l’idée que « l’on a toujours fait ainsi… » commet un péché d’idolâtrie, rien moins, comme celui qui refuse la volonté de Dieu, et devient « rebelle » en vivant une « vie rapiécée, à moitié ». « Le vin nouveau dans les outres neuves », a insisté le pape : ceux qui craignent le changement n’acceptent pas de s’ouvrir « à la nouveauté de l’Esprit, aux surprises de Dieu ».
On retrouve là des thèmes et un registre sémantique auxquels le pape nous a habitués depuis son élection. Mais alors que des réformes de fond ont déjà été engagées – comme celle de la procédure de nullité des mariages – ou s’annoncent dans la foulée du synode et d’actes symboliques qui annoncent une plus grande ouverture œcuménique et interreligieuse, l’appel à l’ouverture à Dieu sonne aussi comme une injonction d’accepter même les changements qui iraient contre l’enseignement constant de l’Eglise, conçu comme une idole.
La confusion sur le péché, le changement, la volonté de Dieu
Nul ne saurait dire à quel moment le pape François publiera son Exhortation post-synodale à la suite des deux synodes sur la famille, où les changements majeurs promus par certains – l’accès des divorcés « remariés » à la communion, une forme de reconnaissance pour les unions irrégulières, voire homosexuelles – n’ont pas été clairement dénoncés par le souverain pontife.
Son livre d’entretiens avec Andrea Tornielli, Le nom de Dieu est miséricorde, semble avoir dans une certaine mesure fermé des portes, puisque le pape François y évoque la « maturité » du mari civil d’une de ses nièces qui, en attendant la déclaration de nullité de son mariage religieux antérieur, ne s’approchait de la table de communion que pour se faire bénir. En même temps, cela constitue une justification de la démarche du nouveau couple qui n’a pas attendu le jugement de l’Eglise – long à venir il est vrai – avant de cohabiter…
Quoi qu’il en soit, le pape a laissé s’installer la confusion par son refus de trancher, et alors que ses homélies quasi privées à Sainte-Marthe se sont montrées au fil des mois très révélatrices de ses choix et de ses intentions, on peut dire que cette confusion est voulue et qu’il dénonce dans un premier temps ceux qui s’en offusquent.
Le pape François utilise son homélie de Sainte-Marthe pour préparer les catholiques au changement
Bien sûr et comme toujours, le pape a appuyé son exhortation sur des paroles de l’Ecriture Sainte : l’histoire de Saul rejetant le commandement de Dieu en refusant d’exterminer le roi des Amalékites et leur meilleur bétail. De même il souligne comment Jésus répond à ceux qui lui reprochent que ses disciples ne jeûnent pas… mais sans rappeler l’essentiel : « Les amis de l’époux peuvent-ils jeûner pendant que l’époux est avec eux ? Aussi longtemps qu’ils ont l’époux avec eux, ils ne peuvent pas jeûner. Mais les jours viendront où l’époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront en ces jours. »
La logique de la condamnation des chrétiens qui se réfèrent à la pratique et à la doctrine constantes de l’Eglise – ils sont clairement visés – est ici étrange. Car elle semble vouloir faire coïncider absolument la volonté de Dieu – qui de fait peut commander de vivre l’Evangile de manière inhabituelle, comme le fit un saint François d’Assise – avec des innovations non soumises au discernement qu’exige la fidélité au Christ.
Dès lors que ces innovations vont contre la foi, la morale mais aussi la tradition de l’Eglise – y compris liturgique – le chrétien est en droit de se poser des questions. Et de s’appuyer sur la volonté de Dieu que l’Eglise doit rendre audible au catholique avec constance et clarté.