Première : le pape François a participé aux vêpres à la paroisse anglicane de Rome

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Le 26 février 2017, le Pape et l’évêque anglican David Hamid lors des vêpres

 
Pour la première fois dans l’histoire, un pape a rendu visite à une église anglicane à Rome. Le pape François a participé dimanche après-midi aux « vêpres anglicanes » (Evensong) à l’église de Tous les Saints dont les anglicans fêtent le 200e anniversaire – non loin de la place d’Espagne, où il a été reçu par l’évêque anglican Robert Innes. Celui-ci l’a accueilli avec un discours de louange pour sa solidarité avec les réfugiés et les migrants. L’événement a été salué comme une nouvelle étape dans la marche vers l’unité.
 
Etape historique, commente la presse anglophone. Le pape François a prononcé une homélie au cours de laquelle il a déclaré que seule l’humilité, le fait de savoir « se reconnaître comme des mendiants de miséricorde » était le trésor qui pouvait laisser œuvrer l’extraordinaire puissance de Dieu et en occurrence, surmonter les « désaccords » entre catholiques et anglicans, desaccords qu’il n’a au demeurant pas nommés. Il n’a donc pas été question de l’ordination des femmes ou des évêques homosexuels, note l’Associated Press.
 
La rencontre a tout fait au contraire pour gommer ces différences. La prière était commune : le pape a béni une icône du Christ peinte par un artiste anglais : enfin le pape et l’assistance ont récité en commun un même texte de leurs promesses baptismales.
 

Le pape François rend visite à la paroisse anglicane de Rome

 
Plus significative encore, la cérémonie de jumelage de l’église anglicane de Tous les Saints avec son homologue romain, catholique, d’Ognissanti, a eu lieu à l’issue de l’office religieux – il se trouve que c’est l’église titulaire du cardinal Walter Kasper, ancien président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens et inspirateur de la révolution introduite par Amoris laetitia.
 
Quoi de plus apte ? La fracture entre l’Eglise d’Angleterre et Rome s’est précisément produite à propos d’un homme qui pour épouser la belle Anne Boleyn avait mis en avant ses doutes intimes quant à la validité de son mariage avec la veuve de son frère, Catherine d’Aragon. Henri VIII n’avait jamais obtenu de Rome que son adultère fût blanchi au nom d’un discernement au for interne. Aujourd’hui, les anglicans admettent le divorce : c’est toute leur histoire. L’Eglise catholique n’en est pas encore là, du moins ouvertement (elle ne serait d’ailleurs plus catholique) mais force est de constater le manque de clarté des documents et des affirmations pontificales faites actuellement à titre personnel par le pape François.
 
Le jumelage est un bon signe du désir de « devenir des disciples toujours plus fidèles de Jésus, toujours plus libérés de nos préjugés respectifs venus du passé, et toujours plus désireux de prier pour et avec les autres », a-t-il déclaré.
 

En finir avec les « préjugés » entre catholiques et anglicans

 
Au cours de sa brève homélie pendant les vêpres, le pape a noté que les anglicans et les catholiques ne se regardaient plus « avec suspicion et hostilité ». « Aujourd’hui, grâce à Dieu, nous nous reconnaissons comme nous sommes vraiment : frères et sœurs dans le Christ, à travers notre baptême commun. Comme amis et pèlerins, nous désirons cheminer ensemble, suivre ensemble notre Seigneur Jésus-Christ », a-t-il ajouté.
 
Méditant sur les rapports de l’apôtre Paul avec les chrétiens de Corinthe, le pape a souligné que la miséricorde, et notamment l’exercice commun de « différentes formes de service », pouvait permettre des progrès sur le chemin vers la « pleine communion ».
 
Et le meilleur pour la fin : « Encourageons-nous les uns les autres à devenir des disciples toujours plus fidèles de Jésus, toujours plus libres des préjugés respectifs du passé, et toujours plus désireux de prier pour et avec les autres. Un beau signe de cette volonté est le jumelage réalisé entre votre paroisse d’All Saints, et celle catholique d’Ognissanti. Les saints de toutes confessions chrétiennes, pleinement unis dans la Jérusalem d’en haut, nous ont ouvert la voie pour parcourir ici-bas toute les voies possibles d’un chemin chrétien commun et fraternel. Là où l’on se réunit au nom de Jésus, il est là, et en envoyant son regard de miséricorde il appelle à se dépenser pour l’unité et pour l’amour. Que le visage de Dieu resplendisse sur vous, sur vos familles et sur toute cette communauté », a conclu le pape. A cette aune, en effet, les différences comptent peu, et l’idée de vouloir ramener les anglicans au bercail de l’Eglise établie par le Christ apparaît comme à la fois surannée et inutile.
 

Des vêpres anglicanes à Rome aux offices partagés en Argentine

 
L’Evensong a été suivi d’une séance de questions et de réponses où le pape a de nouveau évoqué la « voie œcuménique du service » qui permet de cheminer et de coopérer sur le chemin de l’unité chrétienne. Interrogé sur le pape Benoît XVI qui avait mis en garde contre le fait de donner la priorité à la collaboration pour les entreprises sociales plutôt que de rechercher l’unité théologique, le pape François a répondu qu’il ne savait pas dans quel contexte son prédécesseur l’avait dit, si Benoît XVI avait voulu l’exprimer au sens de la question qui était posée ou si sa déclaration n’avait pas été faite un groupe de théologiens – pour devenir, du coup, inopérante ?
 
Le pape François a néanmoins reconnu qu’il fallait un « dialogue théologique en vue d’étudier les racines (de l’unité), les sacrements, et de nombreuses choses à propos desquelles nous ne sommes pas en accord – mais cela ne peut pas se faire en laboratoire, il faut le faire sur la route ».
 
Et de rendre hommage aux jeunes Eglises de l’hémisphère sud où l’œcuménisme, a-t-il dit, est plus facile parce qu’elles sont plus « créatives ». Crux rapporte ainsi l’exemple proposé par le pape François évoquant une région septentrionale reculée de l’Argentine où anglicans et catholiques travaillent ensemble pour proposer leurs ministères aux indigènes. Chaque église comptant peu de prêtres, a expliqué le pape François, anglicans et catholiques préfèrent fréquenter mutuellement les offices plutôt que d’en manquer un. Il a ajouté que la Congrégation pour la Doctrine de la foi était au courant.
 
Est-ce à dire qu’elle approuve ? C’est une autre histoire.
 

Anne Dolhein