Veto du président de la Pologne sur la réforme de la justice, la Commission européenne renouvelle ses menaces de sanctions

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Le président polonais, Andrzej Duda, annonce son intention d’opposer son veto aux lois controversées sur la justice, le 24 juillet 2017.

 
S’il fallait encore faire la démonstration de l’inutilité des ingérences de Bruxelles dans les affaires intérieures polonaises, c’est chose faite avec le double veto annoncé le 24 juillet par le président Andrzej Duda contre deux des trois lois de réforme de la justice voulues par le PiS. Le premier vice-président de la Commission Frans Timmermans menaçait le 19 juillet, avant même que la mouture définitive des textes de loi soit connue, de demander au Conseil européen d’activer l’article 7 du traité de l’UE afin de suspendre la Pologne dans ses droits d’État membre. Son prétexte ? Les tribunaux nationaux étant aussi des tribunaux de l’UE, la Commission aurait un droit d’ingérence même si les traités européens ne lui donnent aucune compétence en ce qui concerne l’organisation de l’institution judiciaire des Etats membres.
 
Or en Pologne, si une loi est votée en violation de la constitution, le président peut y opposer son veto, obligeant le parlement à trouver une majorité des trois cinquièmes pour passer en force. Avec le scrutin à la proportionnelle, aucun parti n’a jamais disposé à lui seul d’une telle majorité depuis la chute du communisme. Si le président n’oppose pas son veto, il reste le Tribunal constitutionnel dont les juges sont évidemment bien mieux qualifiés que les commissaires européens pour examiner les lois du pays.
 

La Pologne a bien l’intention de poursuivre sa réforme de la justice malgré les menaces de sanctions formulées par la Commission européenne

 
Dans le cas présent, en attendant que le président Andrzej Duda propose ses propres projets de loi pour réformer la Cour suprême et le Conseil de la magistrature, ce qu’il a promis de faire sur la base des deux lois rejetées, seule la loi sur les tribunaux ordinaires doit donc pour le moment entrer en vigueur. En vertu de cette loi, les juges n’auront plus leur mot à dire dans la nomination par le ministre de la Justice du président et du vice-président du tribunal où ils exercent, et le ministre, qui est aussi Procureur général, dispose de six mois pour révoquer les présidents de tribunaux du pays sans qu’il soit possible au Conseil de la magistrature de bloquer ses décisions. Par la suite, toute révocation et nomination par le ministre de la Justice d’un président ou vice-président de tribunal pourra être bloquée par le Conseil de la magistrature à une majorité des deux tiers.
 
Le but avoué, c’est de purger enfin les tribunaux de leurs brebis galeuses, quasiment jamais sanctionnées par leurs pairs ancrés dans leur esprit corporatiste, et aussi des juges au passé communiste. L’autre objectif, c’est de rétablir une certaine dose de contrôle démocratique sur une justice qui fonctionne souvent mal mais qui bénéficie d’une impunité quasi-totale contrairement aux pouvoirs exécutif et législatif. Les présidents de tribunaux auront aussi des pouvoirs réduits puisque les affaires seront attribuées aux juges de manière aléatoire et la composition des tribunaux ne pourra plus être changée en cours de procès.
 

En annonçant son double veto, le président polonais a promis de présenter ses propres projets de loi

 
Contrairement à ce qu’affirme la Commission européenne, cette réforme va donc dans le sens de plus de démocratie et d’un meilleur respect de l’état de droit.
 
Les deux autres lois, qui viennent d’être bloquées par le veto présidentiel, allaient elles aussi dans le sens d’un contrôle démocratique de l’institution judiciaire, mais certaines de leurs dispositions étaient très discutables, de même que la stratégie choisie par le PiS qui consistait à passer en force et à toute allure au parlement en plein mois de juillet. D’après un député du PiS avec lequel j’ai eu l’occasion de discuter à plusieurs reprises la semaine dernière, le PiS et le président Andrzej Duda (lui-même issu du PiS) partagent la même volonté de réformer la Cour suprême et le Conseil de la magistrature, et la réforme de la justice sera poursuivie.
 
Attendons-nous donc à ce que la Commission européenne ressorte sa menace de recours à l’article 7, même si le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a de nouveau déclaré que son pays bloquerait l’utilisation de cet article contre la Pologne. Or si la première étape d’une telle procédure de suspension d’un Etat membre dans ses droits nécessite le vote positif des quatre cinquièmes seulement des Etats membres, soit 22 pays (ce qui sera déjà difficile à atteindre), il faut ensuite un vote à l’unanimité du Conseil européen (sans le pays incriminé) pour passer à l’action. La Commission européenne voudrait encore faire voler en éclats l’Union européenne après le Brexit qu’elle ne s’y prendrait pas autrement.
 

Olivier Bault