Pour Tillerson, la Chine pratique en Afrique une politique de prêts offensive, abusive et corruptrice

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Alléchant continent… Sur l’Afrique se cristallisent plus que jamais les convoitises mondiales. Parce que son sous-sol est riche et parce que les potentialités d’investissements sont plurielles. La Chine et les États-Unis sont au coude à coude. En 2016, selon un rapport publié en mai dernier par le cabinet d’audit Ernst & Young, pour la première fois, Pékin s’est retrouvée l’investisseur le plus important en valeur : 36,1 milliards d’euros, soit 38,5 % du montant total des investissements en Afrique. Mais le secrétaire d’Etat Rex Tillerson a tenu à mettre en garde le continent noir contre une trop grande dette à l’égard du créancier chinois.
 
De ses pratiques de prêts, il a évoqué l’« opacité » et la « corruption » – la guerre colonisatrice, deuxième round, bat son plein.
 

Tillerson, ambassadeur du « développement responsable et des pratiques transparentes de marché libre »

 
C’était dans un discours prononcé lundi, à l’Université George Mason. Rex Tillerson a largement évoqué l’Afrique et la première visite officielle qu’il est en train d’effectuer depuis le 7 mars. Comme nous informe Breitbart, il a révélé une série de nouvelles initiatives visant à renforcer la coopération économique et humanitaire (entre autres 533 millions de dollars d’aide supplémentaire) entre l’Afrique et les États-Unis.
Ces États-Unis qui cherchent à « développer une croissance durable qui renforce les institutions, renforce la primauté du droit et renforce la capacité des pays africains à se débrouiller seuls ».
 
« Pas comme la Chine », nous dit à mots quasi non couverts Tillerson ! A l’inverse, le Parti communiste chinois « encourage la dépendance à l’aide de contrats opaques, de pratiques de prêt prédatrices et de transactions corrompues qui contrarient les nations et sapent leur souveraineté, leur sabotant leur croissance à long terme et leur capacité à devenir autosuffisante. »
 
« L’investissement chinois a le potentiel de combler le déficit infrastructurel de l’Afrique, mais son approche a conduit à un endettement croissant et à peu d’emplois, voire aucun, dans la plupart des pays, d’autant plus qu’il ne forme pas assez les locaux. Associée aux pressions politiques et fiscales, cela met en péril les ressources naturelles de l’Afrique et sa stabilité politique économique à long terme ».
 

La Corée du Nord en Afrique… petit cheval de bataille ?

 
D’autre part, Tillerson ne s’est pas privé de reprocher aux Etats africains leur position non uniforme vis-à-vis de la Corée du Nord, avec laquelle certains ont maintenu un partenariat commercial actif (qui atteignait 200 millions d’euros en 2016). C’est aussi, évidemment, viser indirectement la Chine, son mentor.
« La Corée du Nord menace l’ensemble de la communauté mondiale à travers ses programmes illégaux de missiles nucléaires et de missiles balistiques et ses activités de prolifération, y compris ses exportations d’armes vers l’Afrique », a plaidé Tillerson. Les États africains « doivent en faire plus » en joignant leur voix au consensus international – ou plutôt américain…
 

La Chine n’en a que faire

 
Ce n’est pas la première fois que Tillerson avertit sur les pratiques chinoises en Afrique (et ailleurs), qui rendent redevables à un point inquiétant des pays en développement. En octobre, il les avait déjà qualifiées d’« irresponsables ». Et lundi, le secrétaire adjoint par intérim du Département d’Etat aux affaires africaines, a déclaré que la communauté internationale « doit avoir cette discussion avec la Chine ». De fait, malgré l’annulation, en 2005, de plus de 100 milliards de dollars de dette pour 14 pays africains, le poids de la dette dans le PIB de ces pays a retrouvé son niveau d’antan, dix ans plus tard, voire l’a dépassé…
 
La réponse de la Chine ne s’est pas faite attendre, dont un porte-parole a déclaré, mercredi : « Les pays et les peuples africains s’y connaissent le mieux et sont les mieux placés pour dire si la coopération sino-africaine est bonne ou non » – occupez-vous de vos oignons.
 
Les Africains eux-mêmes ou du moins le dirigeant de l’Union africaine (UA) a donné aussi sa réponse, mardi, alors que Tillerson était en Éthiopie : « Je pense que les Africains sont suffisamment mûrs pour pouvoir s’engager eux-mêmes, de leur propre gré, dans des partenariats qu’ils jugent utiles pour leur continent. Je pense que nous savons parfaitement où se trouvent nos intérêts » – à nouveau, occupez-vous de vos oignons.
 

13,59 milliards de dollars de prêts chinois en 2014

 
Les États-Unis ne sont pas à plaindre : ils sont encore les plus grands investisseurs en Afrique, en termes de volume (dans l’exploitation minière, ils investissent encore plus de deux fois plus que la Chine). Mais la concurrence devient rude, facilitée par le fait que la Chine ne réclame en retour aucune réforme socio-économique comme le préconisait le consensus de Washington à la toute fin du XXe siècle. La politique de la Chine est non-interventionniste, en particulier dans les domaines des droits de l’homme – ce qui facilite les choses. Et sa cote, même au sein du peuple, se rapproche désormais de celle des États-Unis.
 
Demeure néanmoins une légère inquiétude chez certains Africains. « Je pense que les Chinois savent ce qu’ils veulent alors que les Africains, eux, ne le savent pas », estime PLO Lumumba, le directeur de la Kenya School of Law.
 
Et la roue tourne de plus en plus vite. Selon l’initiative de recherche chinoise en Afrique, de l’université Johns Hopkins, le montant total des prêts chinois à l’Afrique est passé de 132 millions en 2000, à 13,59 milliards de dollars en 2014 (sur la même période, le commerce sino-africain est passé de 10 milliards à 220 milliards de dollars). Début octobre 2017, les autorités camerounaises annonçaient que près de 70 % de la dette publique bilatérale du pays était détenue par Pékin.
 
La Chine entend bien se substituer aux anciennes puissances colonisatrices européennes et aux États-Unis. Sa nouvelle Route de la Soie passe par l’Afrique, « son second continent » comme l’appelle le professeur Howard French.
 

Clémentine Jallais