Réponse au cardinal Ravasi qui a écrit aux « chers frères maçons » : le vrai « dialogue »

Réponse cardinal Ravasi chers frères maçons
Le cardinal Ravasi.

 
Un membre du Tiers-Ordre dominicain, fondateur du RIES (Réseau ibéro-américain d’étude des sectes) et universitaire à Madrid, vient de publier un article sur la parution dans la presse italienne, en février, d’une lettre du cardinal Gianfranco Ravasi aux « chers frères maçons ». Vicente Jara s’intéresse depuis longtemps à toutes les sectes, depuis celles qui se réclament du christianisme comme les Témoins de Jéhovah jusqu’aux néo-païens du « New Age ». Il y intègre tout naturellement les sociétés secrètes comme les rosicruciens et les diverses formes de franc-maçonnerie. Jara – dont le sérieux est reconnu par l’ordre des Dominicains – estime l’affaire assez grave pour mettre en lumière les erreurs et les imprudences du cardinal « ministre de la Culture » de l’Eglise…
 
Le texte de la lettre du cardinal Ravasi a été traduit et commenté avec justesse par le site benoit-et-moi : c’est par ici
 
La réponse de Vicente Jara a paru sous forme d’article mais elle est également une apostrophe au cardinal… En voici la traduction complète. — A.D.
 
Les intertitres en caractères droits sont de notre rédaction.
 

Que dire de cette lettre ?

 
Le mot « frère » occupe une place centrale à l’intérieur des loges pour définir l’appartenance à la franc-maçonnerie. Il ne doit pas être  utilisé par un cardinal de l’Église catholique. Le cardinal Ravasi devrait savoir, nonobstant les nuances et les analogies sémantiques par rapport au mot « frère », qu’il ne faut pas l’utiliser avec les francs-maçons. Nous autres catholiques, nous n’avons pas les maçons pour frères. Ce titre fait parti des choses les plus infortunées qui se soient produites dans l’Église catholique.
 
D’un autre côté ce titre circule déjà depuis plus de quinze jours dans les loges, les courriels et les réseaux sociaux de toutes les obédiences maçonniques à travers le monde, et on va le mettre en avant comme une victoire maçonnique, comme une volte-face historique, comme un point de changement et d’inflexion, comme une reconnaissance. Et bien évidemment ce que l’on écrit et publie le plus, ce sont les mots « Cari fratelli massoni », chers frères maçons.
 
Tel est l’impact de ce titre que le cardinal Ravasi a déclaré qu’il ne l’a jamais dit, que le titre avait été ajouté par l’organe de presse. Eh bien, il n’y a que vous et l’intervieweur qui puissiez le savoir. Avez-vous employé ce titre à un moment ou à un autre ? Vous affirmez que non. Eh bien comme je l’ai dit, ce titre a fait le tour du monde et il a été répété des centaines et des milliers de fois. Dans 10 ou 50 ans, si quelqu’un regarde la presse pour voir ce que l’Église a pu dire sur les francs-maçons, cet article sortira, avec ce titre. Et votre nom il sera associé. Et c’est ce qui comptera. Le titre.
 

Le cardinal Ravasi s’est-il adressé à la franc-maçonnerie avec les mots « chers frères maçons » ?

 
Est-ce vrai que vous ne l’avez pas dit ? Avez-vous par hasard dénoncé le journal Il Sole 24 Ore pour avoir menti dans le titre ? Est-ce que par hasard vous avez mobilisé toute la presse catholique, les revues, l’Osservatore Romano lui-même, la radio et la télévision vaticanes, en disant simplement : « Ce titre est faux. Jamais je ne l’ai dit. On ne peut pas me l’attribuer. Qu’ils le retirent. C’est un mensonge. » Par hasard, l’avez-vous fait, cardinal Ravasi ? Avez-vous demandé une rectification au journal Il Sole 24 Ore d’une manière aussi nette, qui expose clairement la position de l’Église ? Non, vous ne l’avez pas fait. Eh bien, et c’est ce qui restera : « Cari fratelli massoni. »
 
Dans cette malheureuse lettre, le cardinal a seulement raison lorsqu’il affirme que la maçonnerie et l’Eglise sont inconciliables. Là vous avez juste, M. le cardinal. Inconciliable, inconciliable, condamnation et interdiction. Mieux, pour citer le prêtre de la RIES expert en maçonnerie, Manuel Guerra, « c’est à peine 21 ans après la fondation de la maçonnerie, en 1738, que le Pape Clément XII la condamne ». Cela veut dire qu’il n’était pas nécessaire d’attendre plus longtemps pour savoir de quoi il retournait. Nous le savions très bien. Et comme le dit encore le P. Guerra, « jusqu’en 1980 il y a une série ininterrompue de 371 documents pontificaux de certaine importance, et il y a plus de 2.000 références contre la maçonnerie dans les écrits pontificaux ». Les seuls papes Pie IX et Léon XIII ont produits 2.200 documents qui la condamnent (Manuel Guerra, Religion et politique, p. 129).
 

La position de l’Église par rapport à ce qui a été tant de fois affirmé a-t-elle changé ?

 
Évidemment non. Ce qui n’a pas changé non plus, et nous le savons par les déclarations de maîtres et d’autres hauts gradés de la maçonnerie, c’est que la maçonnerie désire que les maçons puissent continuer de l’être tout en restant membres déclarés de l’Eglise. Y compris parfois en tordant le sens des documents pontificaux ou des condamnations. Cela veut dire que les maçons veulent être reconnus pour pouvoir entrer dans les structures de l’Eglise par la grande porte. Avec les pleins droits. A la messe le matin et à la loge l’après-midi.
 
Justement, la veille de l’entrée en vigueur du nouveau code de droit canonique, le cardinal Joseph Ratzinger, avec l’approbation du saint pape Jean-Paul II, a publié le texte que vous citez, M. le cardinal, celui du 26 novembre 1983, la Declaratio de associationibus massonicci, au cas où quelqu’un l’aurait manqué dans le nouveau code de droit canonique.
 

La réponse de l’Eglise aux maçons

 
La citation complète, que vous ne donnez pas, M. le cardinal Ravasi, est la suivante : reste « inchangé le jugement de l’Église envers les associations maçonniques, parce que leurs principes ont toujours été considérés comme inconciliables avec la doctrine de l’Église, raison pour laquelle il restait interdit de s’y inscrire ». C’est jusque-là que va la citation par le cardinal Ravasi, que nous allons donc compléter : « Les fidèles qui appartiennent aux associations maçonniques sont en état de péché grave et ils ne peuvent accéder à la sainte communion. »
 
Ils ne peuvent communier, ils sont en état de péché grave, ils ne sont pas des frères, des « cari fratelli massoni ».
 
A lire les derniers paragraphes de la lettre on se rend compte de la manipulation des textes cités par le cardinal. Il n’y a aucun doute que celui des évêques philippins montre clairement l’incompatibilité, l’impossibilité à être à la fois maçon et catholique, et même, en maintenant l’excommunication, en avertissant qu’il ne doit y avoir ni rituels ni événements qui paraissent mélanger l’Eglise avec les francs-maçons, par exemple à l’occasion de funérailles. Cela veut dire qu’il doit y avoir totale clarté sur le fait que l’Eglise s’oppose frontalement à la maçonnerie.
 
D’un autre côté, le document des évêques allemands de 1980, le 28 avril, dit explicitement : « Les évêques allemands ont examinés avec le plus grand intérêt le secteur maçonnique qui se dit compatible avec l’Eglise et ils y ont rencontré des obstacles insurmontables. »
 
Pour revenir au sous-titre, je ne doute pas, et l’Église n’a jamais douté, que les maçons aient un sentiment communautaire, le sens de la bienveillance, d’abord entre eux, puis avec les autres ; que ce sont des personnes qui désirent un monde meilleur. Faisant ces jours-ci le tour de  leurs tweets, je vois des bourses d’études, je vois des dons du sang, etc., toutes choses bonnes, louables sans doute, mais je sais qu’en d’autres choses leur bienveillance n’est pas de cette sorte, ou plutôt elle est selon leur style…  Je sais qu’ils cherchent à promouvoir la dignité humaine, au moins à la manière dont ils l’entendent, car au-delà de ce que je viens de dire et de quelques œuvres caritative de plus, il faut dire qu’ils entendent la dignité humaine comme l’élimination de la religion catholique de la sphère publique, en faisant la promotion de l’avortement, de la dissolution de la structure familiale chrétienne, etc.
 

La recherche du bien est propre à l’homme

 
Voyons : tout le monde recherche le bien, comme le dit saint Thomas d’Aquin, en ce cas oui, nous pouvons dire « cher frère » saint Thomas d’Aquin : toujours et en tout lieu l’homme cherche le bien même lorsqu’il fait le mal, parce que personne ne recherche le mal en soi. Mais parfois en cherchant le bien, nous altérons les valeurs, où nous les utilisons comme moyens, y compris de mauvais moyens pour obtenir le bien que nous désirons toujours.  Judas voulait le bien et il a livré Jésus en recherchant le bien, pour voir si cela allait déclencher la révolution des Zélotes. Les assassinats de Juifs et d’autres minorités, ou d’autres races, dans les camps d’extermination national-socialistes, ou les massacres de bourgeois par la révolution du socialo-communiste,  sont considérés par leurs instigateurs comme nécessaires à la bonne fin qu’ils cherchent à atteindre. Tout assassinat se fait en recherchant le bien. Même les pires maux se font toujours, comme le dit saint Thomas, en recherchant le bien. Mais dans les exemples cités de millions d’assassinats, comme pour les millions d’avortements, où l’on cherche toujours un bien qui les justifie, on commet des atrocités.
 
Donc, permettez-moi de poser la question, très estimé cardinal Ravasi : les maçons recherchent-ils le bien ? Oui. Le font-ils à l’occasion par des moyens licites, corrects et bons ? Il n’y a pas de doute : oui. Peut-on leur faire confiance ? Non, ils ne sont pas de confiance, M. le Cardinal. Et je dois vous dire que je ne leur suis pas hostile, et je ne prononce pas d’« outrage » par « préjugé », comme vous l’affirmez à la fin de votre lettre.
 
Je crois, M. le cardinal Gianfranco Ravasi, que vous plongez dans la confusion beaucoup de catholiques. Et en tant que cardinal vous n’avez pas le droit de semer la confusion, mais d’éclairer. Vous semez le doute. Et vous semez des doutes parce que la réaction de la maçonnerie est celle-ci…
 

La réponse de la maçonnerie au cardinal

 
Ainsi se prononce le grand maître du Grand Orient d’Italie, Stefano Bisi :
 
« Je me réjouis de savoir que vous avez parlé de la maçonnerie sans préjugés et avec l’ample vision culturelle qui vous caractérise et que, au-delà des précisions sur la position officielle et écrite de l’Eglise, amplement connue, vous avez reconnu, sans idées préconçues, qu’entre ces deux réalités il existe aussi des valeurs communes qui nous unissent, et qui néanmoins, n’annulent pas les points de vue distincts et les différences marquées. (…) Les valeurs communes qui nous unissent sont la dimension communautaire, la dignité humaine, la lutte contre le matérialisme et la bienfaisance. Dans le plein respect des identités diverses. »
 
Et le Grand Maître de la Grande Loge d’Espagne, Oscar de Alfonso Ortega, l’inclut à l’intérieur de sa fraternité et l’appelle à continuer les œuvres maçonniques en affirmant : « Vénérable frère Gianfranco, merci pour ce geste courageux qui ouvre un espace des possible concorde fraternelle. Comme tout Vénérable, convoquez les travaux. »
 

Comment dialoguer avec les maçons ?

 
Comme je vois que vous n’avez pas compris ce que la maçonnerie fait depuis très longtemps, c’est moi qui vais vous le dire, M. le Cardinal. Elle affiche les apparences du dialogue, elle essaie de collaborer et de se normaliser en faisant des choses avec les chrétiens. Elle essaie de s’infiltrer dans l’Eglise, elle essaie de changer la révélation de Jésus-Christ que l’Église garde et protège. Elle essaie de dynamiter l’Eglise. Elle voit dans le dialogue un moyen de manipulation. La maçonnerie ne veut pas le dialogue, pas plus que les sectes. Mais ils savent l’utiliser pour faire leur propre propagande, capter davantage de membres et diffuser leurs principes. On ne peut pas dialoguer avec ces personnes.
 
Le dialogue avec les maçons et une affaire d’experts en maçonnerie et il y en a dans l’Eglise. Il y en a en Italie ou en Espagne, comme Manuel Guerra, déjà cité membre de la RIES ; il est l’un des meilleurs connaisseurs de la maçonnerie dans le monde entier.
 
La seule manière dont nous puissions dialoguer avec les maçons et ce mode que nous a enseigné Jésus-Christ dans son dialogue avec Satan au désert au moment où Il fut tenté point : « Arrière Satan, car il est écrit : “Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, lui seul tu serviras et tu lui rendras le culte.” » Tel est le dialogue que je vous propose en tant que fils fidèle de la Sainte Mère, l’Église, d’avoir avec les francs-maçons.
 
Et à vous autres, maçons, je vous dis : je veux dialoguer avec vous, je serai enchanté de remplacer l’équerre et le compas, le sol en damier, les colonnes, les tympans, les candélabres et les épées, les tabliers… oui je veux dialoguer avec vous pour voir si nous arrivons à vous changer… Nous allons mettre Jésus au Saint-Sacrement à la place de tout cela et nous allons lui rendre le culte, et nous nous agenouillerons devant Jésus-Christ. A l’entrée, des fonts baptismaux, à l’intérieur une statue de la Vierge Marie écrasant le serpent et quelques autres statues de saints. Et de chaque côté, des confessionnaux. Mon dialogue à moi, c’est de convertir les loges en chapelles d’adoration perpétuelle au Saint-Sacrement qui est Jésus-Christ.
 
Dialoguons ? J’ai très hâte de commencer. Ce n’est que de cette manière que je pourrais vous appeler « très chers frères ». Et je le dis de tout cœur. C’est seulement de cette manière que nous serons des frères bien-aimés dans l’amour de Jésus-Christ. Arrêter de croire aux histoires, maçons, et retournez votre visage vers Jésus-Christ.