En demandant la grâce présidentielle pour Jacqueline Sauvage condamnée à dix ans de prison pour avoir abattu son mari dans le dos, les féministes ont monté une opération politique dont l’objectif est de modifier le droit français. En l’accordant, François Hollande abaisse sa fonction et satisfait sa gauche en vue de la présidentielle de 2017.
L’affaire semblait simple. L’époux de Jacqueline Sauvage la battait, il aurait violé ses filles, le fils s’est suicidé, Jacqueline Sauvage a donc tué celui qui « faisait vivre un enfer à sa famille » de trois coups de fusil dans le dos. En 2014, la cour d’assises du Loiret l’a condamnée à dix ans de prison, confirmés un an plus tard en appel la cour d’assise du Loir-et-Cher. Est-ce trop cher payé pour les faits ? Dans des cas que la défense assurent semblables, la peine prononcée a été moins forte : mais cela relève de la conscience des juges de chaque tribunal. En tout cas les dossiers ont été régulièrement instruits et les jugements régulièrement prononcés. Les deux cours étaient composées de jurés populaires et de magistrats professionnels.
L’étrange demande de grâce de Sauvage à Hollande
Une chose est à retenir, les avocates de la meurtrière ont plaidé la « légitime défense ». C’est surprenant : d’autres arguments auraient mieux attiré la clémence du jury. Cela doit être placé dans le contexte de l’évolution du droit sur les violences faites aux femmes, avec notamment la loi de 2010 et celles de 2012. Et c’est révélateur d’une confusion grandissante en la matière. La même personne peut être à la fois victime pour les faits qu’elle subit et criminelle pour ceux qu’elle commet. S’il est louable de lutter contre les coups et les abus sexuels commis contre les femmes, aussi bien dans les transports qu’à la maison, cela n’ouvre nullement droit aux victimes de se faire justice elles-mêmes, sauf à vouloir modifier le droit et l’esprit du droit. Aussi les cours du Loiret et du Loir-et-Cher n’ont-elles pas suivi les avocates de Jacqueline Sauvage, elles ont donné raison à l’avocat général Frédéric Chevalier pour qui « la légitime défense n’est absolument pas soutenable (…) Trois coups de feu tirés dans le dos, ce n’est pas admissible. »
Bizarrement, après le jugement d’appel de décembre 2015, au lieu de se pourvoir en cassation, Jacqueline Sauvage et son clan organisent une campagne d’opinion. Soutenues par des actrices comme Nathalie Baye ou Eva Darlan, par les Femen, par des hommes politiques de tous les partis bien pensants, Valérie Pécresse, Mélenchon, Cohn-Bendit, Anne Hidalgo, Nathalie Kosciusko-Morizet, elles présentent une pétition qui, assurent-elles, aurait réuni quatre cent mille signatures, demandant à François Hollande d’accorder sa grâce à la meurtrière. Et finalement ce week-end, après un délai de réflexion, le président l’accorde.
Quand Hollande, Sauvage et la classe politique piétinent le droit
Tout surprend dans cette histoire. Dans un contexte où la légitime défense est de plus en plus encadrée et même combattue par le politiquement correct, des avocates de gauche la plaident, alors que les faits ne permettent manifestement pas de l’invoquer. Premier signe d’une intention politique de changer le droit. Ensuite, la gauche, globalement opposée au droit de grâce présidentielle, supplie François Hollande, lui-même pas très chaud partisan de son utilisation de l’accorder, dans « ce cas ». Deuxième signe. Ce qu’il fait, alors même que le jugement n’est pas définitif, que toutes les voix de recours n’ont pas été épuisées. C’est contre l’usage, et c’est se moquer ouvertement du droit, et de la grâce, qui est une affaire sérieuse, soumise à des conditions juridiques et morales strictes. Troisième signe. L’ancien procureur général Philippe Bilger a raison de juger « extrêmement dangereuse cette tendance qui va demander la mise en branle de la grâce présidentielle dans des processus judiciaires qui n’ont rien de critiquables ».
Hollande le sent si bien que, au lieu d’user largement de son droit de grâce régalien, il trouve une espèce de compromis, en éternel épicier de la république, qu’il justifie en plus dans un communiqué alambiqué. Ce faisant, il abaisse la fonction présidentielle en même temps qu’il donne des arguments aux opposants au droit de grâce. Le député PS de Paris Christophe Caresche en demande la suppression, bientôt suivi par le Huffington Post, et d’autres voix, notamment à l’Union syndicale des magistrats. Celle-ci note à juste titre qu’il déjuge deux tribunaux ayant statué en connaissance de cause. Et que le droit de grâce est une survivance de « l’Ancien Régime ». Un professeur de droit constitutionnel, Pascal Jan, ajoute dans une tribune où il demande lui aussi sa suppression que c’est, selon lui, un empiètement de l’exécutif sur le judiciaire. Et ce n’est que le début d’une campagne.
La manipulation des féministes pour dénaturer l’homme à travers le droit
Tout se passe donc comme si l’affaire Sauvage entrait dans un double processus. L’un vise à l’abaissement de la fonction présidentielle, clé de voûte des institutions nationales en quoi se perpétue l’ombre de la majesté royale, avec la complicité du toxique Hollande. L’autre vise la dénaturation du droit en tablant sur l’émotion naturelle que suscite la violence contre les plus faibles. Ce que nous suggère l’histoire de Jacqueline Sauvage telle que les médias manipulés par les féministes nous la racontent, c’est que le mâle est un prédateur mauvais, et qu’il a exercé jusqu’ici en toute impunité sa brutalité à l’intérieur de la famille : il faut donc donner à la femme les moyens juridiques de se défendre, puisque les cours d’assise les leur refusent. Il est significatif que dans sa chronique Pascal Jan demande aussi la suppression des jurys populaires. Pour que la justice devienne la seule affaire des professionnels – soumis à leur hiérarchie et aux cercles de pensée. Dans le même esprit un nouveau texte sur les violences faites aux femmes est en préparation, plus conforme aux revendications féministes. La justice, le droit, la politique ne doivent plus être l’affaire du peuple mais celle des militants éclairés par la grâce spéciale de l’humanisme.