Journée des peuples indigènes : quand l’ONU sacre le bon sauvage professeur de civilisation

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Les « peuples indigènes », ou « autochtones » dont l’ONU a fixé la journée annuelle le 9 août, tiennent dans l’imagerie formée par l’écologisme la place que tenait au dix-huitième siècle, le bon sauvage, l’Otahitien de Diderot. Il s’agit de faire honte aux mauvais civilisés des défauts de leur civilisation, et de leur donner pour professeur, pour s’en défaire, l’homme qui n’en a censément pas été infecté grâce à la protection de la nature.

 

L’ONU, les indigènes, aborigènes et autochtones

Un mot de terminologie d’abord. Pourquoi l’ONU parle-t-elle de peuples indigènes ou autochtones ? Et d’abord, que signifient ces mots ? Autochtone apparaît au seizième siècle dans la traduction par Amyot de la Vie de Thésée, de Plutarque, pour décrire les « premiers habitants qui tinrent le pays d’Attique, lesquels on a depuis appelés autochtones, qui vaut autant dire comme, nés de la terre même, pour ce qu’il n’est point de mémoire qu’ils soient onques venus d’ailleurs ». En 1798, le dictionnaire de l’Académie constatait : « a le même sens d’aborigène ». Et Littré d’observer : « Entre autochtone et aborigène il n’y a que cette différence-ci, et qui est purement étymologique : autochtone rappelle à l’esprit l’opinion antique que l’homme naquit de la terre. » Quid, donc, d’indigène ? Selon Voltaire le mot désigne celui « qui est établi de tout temps dans le pays où il habite », et l’étymologie ajoute : « emprunté au latin indigena, originaire du pays ». De nombreux historiens parlaient ainsi de Gallo-Romains indigènes auxquels se mêlaient des Francs.

 

L’ONU promeut la politique du bon sauvage

Mais l’ONU, partisane aujourd’hui des migrations, comme elle reconnaît pour le passé lointain de vastes translations de peuples, ne croit plus qu’il puisse exister « des peuples nés de la terre même », ni « originaires du pays ». Le consensus paléontologique nous dit que tout homme vient d’ailleurs. La définition de l’ONU est donc une définition volontariste, politique. La voici : « Les peuples autochtones représentent 476 millions de personnes réparties dans 90 pays. Bien qu’ils ne représentent que 5 % de la population mondiale, ils constituent aujourd’hui 15 % des individus les plus marginalisés de la planète. Les peuples autochtones sont les héritiers d’une grande diversité linguistique et culturelle, ainsi que de coutumes et de traditions ancestrales. Ils ne comptent pas moins de 5.000 cultures différentes et parlent la vaste majorité des quelque 7.000 langues de la planète. » Le bon sauvage porte une longue civilisation.

 

Le bon sauvage et les méchants blancs colonisateurs

L’ONU continue : « Malgré leur diversité, la plupart des peuples autochtones partagent d’importants points communs, notamment les liens qu’ils entretiennent avec leurs terres ancestrales et leur environnement, de même que la volonté de préserver leur mode d’organisation, leurs valeurs culturelles, sociales et économiques, qui varient souvent des normes dominant dans les sociétés dans lesquelles ils vivent. (…) Les violations des droits des peuples autochtones du monde entier sont devenues un problème persistant, parfois en raison d’un fardeau historique lié à la colonisation, parfois en raison du contraste avec une société en constante évolution. En réponse à ce problème, rappelons chaque 9 août que les peuples autochtones ont le droit de prendre leurs propres décisions et de les mettre en œuvre de manière significative et culturellement appropriée. »

 

L’Amazonie professeur d’écologie et de civilisation

Pourquoi cette défense et illustration d’un groupe de peuples à la fois hétérogènes et arbitrairement définis (ils ne sont pas plus « indigènes » que vous et moi) ? Parce que cette foule de bons sauvages est appelée à nous servir de professeur de vie, de civilisation, de respect de l’environnement. On s’en doutait depuis le synode sur l’Amazonie promu par le pape François, cela nous est confirmé par un document paru sur le site du Forum économique mondial de Davos. Il s’ouvre ainsi : « Un tiers de la surface de la terre est sous la garde de peuples indigènes et de communautés locales, et il est en meilleure forme environnementale que la plupart du reste de la planète. Sans doute pouvons apprendre quelque chose des peuples indigènes sur la façon de prendre soin de notre monde. »

 

La sagesse millénaire du bon sauvage

Le papier énumère ensuite les cinq manières des peuples indigènes pour protéger la planète. Point 1, ils « sauvegardent des savoirs traditionnels uniques recueillis au cours des millénaires et profondément intégrés à leur culture ». Les « experts disent » que « la survie des communautés indigènes dans des environnements très difficiles est la preuve que leurs connaissances peuvent efficacement aider le monde à faire face à la crise du climat ». Selon le Fond de l’ONU pour le développement de l’Agriculture, « le dynamisme inhérent aux systèmes de connaissance des peuples indigènes est au cœur de leur capacité à ajuster leurs actions pour répondre au changement climatique ». Tel quel ! Le bon sauvage sera notre professeur d’agriculture durable.

 

Professeur de développement durable et solidaire

Deuxième point, de la nourriture pour tous. Les peuples indigènes sont experts pour produire de la nourriture à l’échelle de petites communautés : nos immenses systèmes sensibles à la guerre et au covid devraient en prendre de la graine. Et puis, « pour assurer un flux de nourriture soutenable, il est critique de maintenir la biodiversité ». On touche au troisième point : améliorer la biodiversité. D’après le Forum Mondial, « presque la moitié des mammifères menacés vivent sur des terres que les peuples indigènes possèdent et protègent. Dans bien des pays, la richesse de la vie animale et végétale des terres des indigènes atteint celle des réserves naturelles ». Quant aux forêts, le taux de déforestations chez les indigènes est trois ou quatre fois plus faible que sur les territoires voisins. « Dans l’ensemble, les peuples indigènes gèrent un stock de près de 300 milliards de tonnes de carbone sur ou sous le sol, soit plus de 30 ans d’émissions terrestre. »

 

Le bon sauvage professeur de révolution spirituelle

Quatrième point : les peuples indigènes sont les gardiens de la terre. Selon le World Resources Intitute (WRI), la moitié des terres de la planète sont sous la garde des indigènes, pour le bénéfice de tous car 2,5 milliards d’humains vivent à proximité. Il convient de le croire sur parole, même si l’on ne visualise pas bien. Cela passe par le droit et la politique. Au Suriname, les Indigènes se sont déclarés propriétaires de 7,2 millions d’hectares (72 mille km2, deux fois et demie la Belgique) pour s’en faire les protecteurs : le gouvernement a enregistré. Mais l’action peut aussi être mentale, quasi religieuse. A Davos en 2023, le chef Fawn Sharp, président du congrès national des Indiens d’Amérique a dit : « La chose la plus importante que le monde peut apprendre des Autochtones américains est notre connexion spirituelle avec nos territoires, notre connexion spirituelle avec notre créateur. »

 

Sous l’égide de l’ONU, propager la sagesse

Cinquième et dernier point, agir pour le climat. Selon le forum du savoir intégré des indigènes, les peuples autochtones réduisent les émissions de carbone en suivant simplement leurs modes de culture traditionnels. Par exemple, en reprenant des brûlis maîtrisés, les indigènes du Nord de l’Australie ont divisé par deux les émissions de carbones engendrées par les incendies involontaires et non maîtrisés. En février 2023, les Indigènes de tous les pays se sont réunis au forum des peuples indigènes pour trouver les bons moyens de répandre leurs savoirs et promouvoir leurs façons de vivre et de cultiver – pour un monde durable. Et aussi pour que les gouvernements les incluent dans le cycle de discussions et de décisions contre le changement de climat.

 

Démystifions une imposture facile

De ce petit tour d’horizon, on voit se dégager un point capital, outre la définition fantaisiste des « peuples indigènes », et le caractère invérifiable des données statistiques fournies, c’est l’utilité politique de ces peuples indigènes. Admettons pour vrai que ces damnés de la terre forment cinq pour cent de sa population et « possèdent » entre 22 et 33 % de son territoire (la différence n’est pas mince entre ces différentes données d’un même papier), admettons qu’ils en gardent « la moitié » : un enfant de cinq ans voit que les Etats, et les institutions internationales et supranationales, ont confié à une petite minorité une part exorbitantes des ressources naturelles de la planète, en particulier des grandes forêts et des mammifères menacés. Si donc les résultats de ces peuples apparaissent si flatteurs en matière de biodiversité et de « défense de l’environnement », c’est en raison de cette situation de départ, sans qu’il soit besoin d’y chercher quelque capacité particulière.

 

Le bon sauvage idiot utile de la révolution

De même la prétention des « experts » d’assurer l’alimentation de l’humanité grâce aux compétences des peuples indigènes provoquerait le fou-rire si elle n’était si dramatiquement mensongère : quand on songe à ce qu’il a fallu de révolutions agricoles pour tenir la planète un peu au-dessus du seuil des disettes, quand on se souvient qu’encore en 1974 une famine décima le Bengladesh, c’est vraiment indécent. Mais les « experts » en déclarations fantaisistes et en mythes politiques qui pullulent à l’ONU et au Forum de Davos n’en ont cure, comme ils ne se soucient pas non plus des peuples indigènes. S’ils ont trouvé leur nouveau bon sauvage et l’instituent comiquement professeur de nouvelle civilisation, de développement durable et de solidarité mondiale, c’est pour faire leur révolution mondialiste. Les peuples indigènes sont un artifice de rhétorique et en quelque sorte les idiots utiles de la révolution.

 

Pauline Mille