Dubaï : l’autre rencontre mondialiste du Sommet des gouvernements du monde

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Quatre mille participants, 150 intervenants, 139 pays représentés : la rencontre internationale de Dubaï, dans les Emirats arabes unis, est comme le pendant islamo-arabe de Davos, avec à peu près les mêmes thèmes mondialistes et une participation qui mobilise la majorité des pays de la planète. Le « sommet des gouvernements du monde » (World Government Summit ne se traduit pas par « gouvernement mondial ») a ses vedettes semblables à celle de la station suisse. Mais se vante d’être implanté dans un lieu par essence ouvert au monde, à l’inverse de Davos qui sombre dans la torpeur lorsque les élites mondialistes ont repris leurs nombreux jets pour rejoindre leurs pénates à grands coups de CO2…
 
L’édition 2017 a vu défiler, aux côtés des princes locaux, Elon Musk, Christine Lagarde du FMI, le président de la Banque mondiale Jim Kim, Mme Irina Bokova, l’ex-communiste bulgare chargée de l’Unesco, d’autres responsables de l’ONU, des politiques, des psychologues, des élus locaux, Joseph Stiglitz, et des ex : José Zapatero, Jorge Quiroga, sans compter la doyenne des maîtresses de yoga, Mme Tao Porchon-Lynch, et une très jolie professeure d’Ikebana. Et Jeffrey Sachs, bien sûr : comme le Vatican, Dubaï se focalise sur le changement climatique…
 

Le Sommet des gouvernements du monde parmi les keffiehs de Dubaï

 
N’oublions pas Mme Ohood al-Roumi, ministre d’Etat pour le bonheur (si, si !) dans les Emirats. Elle s’est adressée aux participants en conférence plénière sur le thème : « Le bonheur : une affaire sérieuse pour le gouvernement. » « Les gouvernements du monde entier reconnaissent de plus en plus que l’un de leurs objectifs fondamentaux est de promouvoir le bonheur de la société. Le bonheur, en tant qu’objectif de développement, est une étape importante vers la mise en place du progrès holistique », annonce le site du WGS.
 
« Le bonheur est-il affaire d’Etat ? » Il y a quelques dizaines d’années, c’était un sujet de philosophie au bac français. On imaginait encore qu’il était possible de répondre « non ». L’eau a coulé sous les ponts : aujourd’hui, le gouvernement se mêle de tout et tout le monde est d’accord…
 
Klaus Schwab, fondateur du Forum économique mondial de Davos, s’est adressé au Sommet dès son ouverture, dimanche. Toujours pour défendre la globalisation et le libre-échange. A Dubaï, un journaliste anglophone, Frank Kane, s’amuse du télescopage dans Arab News : pas besoin, ici, de s’en remettre à Xi Jinping ni de vanter les mérites du système chinois. Klaus Schwab a pu être « plus efficace ». Loin de Davos et de ses extravagances élitistes, il a pu – assure Kane – apporter la preuve que la globalisation profite à chacun, notamment « en tirant des centaines de millions de personnes, notamment en Asie, de la pauvreté ».
 

Le World Government Summit, l’« autre » sommet mondialiste

 
« Dubaï – ville cosmopolite toute l’année, plutôt que quelques jours de janvier comme Davos – est un lieu qui convient mieux pour entendre ce message. Accueillant plus de 100 nationalités, toutes les religions peuvent s’y pratiquer ouvertement, les normes du libéralisme et de la tolérance sont les plus élevées du Golfe arabe et parmi les plus élevés au monde. L’Emirat est un exemple de globalisation en pratique », écrit-il.
 
Est-il permis de sourire ? Quelle que soit la volonté d’adapter l’islam au monde post-moderne, reste que la charia inspire encore le droit pénal émirati et que l’apostasie – la conversion d’un musulman à une autre religion – y est toujours punie de mort, comme en Arabie saoudite, en Iran… ou sous le régime du Califat islamique. Dubaï sait certes attirer les hommes d’affaires internationaux, et employer des sikhs, des hindous ou des chrétiens du bout du monde pour les tâches inférieures, mais sa tolérance s’arrête là. La jolie mondialisation que voilà !
 
On s’est inquiété à Dubaï de l’émergence de mouvements politiques opposé à la mondialisation : « Nationalistes, adeptes de l’esprit de clocher, protectionnistes et xénophobes » – vous aurez reconnu Donald Trump et le Brexit. Schwab a évoqué « la crise identitaire des travailleurs de quelque part au centre des Etats-Unis qui ont vu l’industrie traditionnelle détruite par les nouvelles tendances globales, et dont la communauté est frappée par les problèmes sociaux et économiques d’un environnement post-industriel ». Il semblerait qu’on doive passer tout cela par pertes et profits…
 

L’élite mondialiste fait des courbettes aux Emirats lors du Sommet des gouvernements du monde

 
Kane n’a pas été convaincu par la réponse apportée par Schwab, notamment à propos de la Quatrième révolution industrielle et de ses effets qui bouleversent profondément les systèmes économiques et des sociétés – cette révolution qui a davantage provoqué la « réaction Trump », selon Schwab, que la concurrence d’une main-d’œuvre bon marché étrangère. Le fondateur du Forum économique mondial propose désormais une sorte de « compromis entre le nationalisme et la globalisation », une « humanisation du changement technologique » afin de venir à bout de la peur de l’avenir. Paroles creuses, commente Frank Kane.
 
A Dubaï, un journaliste bien en cour comme lui croit davantage la réponse émiratie face au protectionnisme. « Dans une société tournée vers l’avenir, la diversité et la tolérance, il se pourrait que l’on trouve les racines d’une nouvelle formule de gouvernement “responsable et réactif” adaptée au monde post-global. Cela semble être un meilleur incubateur pour ce nouvel ordre mondial que les vieux clichés fatigués de Davos », conclut-il.
 
Après la Chine, c’est le monde arabe qui se met sur les rangs de la gouvernance globale, dishdash et keffieh compris.
 

Anne Dolhein