Depuis toujours, les sondages servent à influencer l’opinion. S’ils disent Macron élu, Fillon éliminé, c’est pour orienter les votes. Mais aujourd’hui cela tourne à l’arnaque pure. Un sondage donne la gauche majoritaire, alors qu’elle n’atteignait pas 45 % au premier tour de 2012.
Les instituts de sondage se suivent et se ressemblent. Elabe, récemment venu sur le marché, nous en donne un exemple ébouriffant avec l’étude qu’il vient de pondre pour l’Express. C’est un machin hyper-scientifique comme d’habitude, avec méthode des quotas et marge d’erreur, échantillon, questionnaire auto administré et tout, garanti sur facture. Le résultat est à se taper le derrière par terre. Macron est élu, bien sûr, Fillon éliminé, évidemment, mais la vraie surprise arrive : quel que soit le cas de figure, la gauche est majoritaire au premier tour.
La gauche majoritaire et Fillon éliminé en toute hypothèse
Détaillons : si Bayrou se présente, elle atteint 51 %, s’il est absent, 54 %. Etonnant tout de même. En 2012, elle a totalisé 44 % des voix au premier tour. Elle aurait donc fait un bond de 10 % dans l’opinion pendant le quinquennat de Hollande, alors que celui-ci ne satisfait dans ses bons jours qu’un Français sur cinq à en croire les sondages, qu’elle a échoué avec lui et qu’elle s’est divisée ? Qui peut le croire ? Racontez cela à un cheval de bois, disait le capitaine Haddock, et il vous flanquera une ruade !
Que peut signifier ce gros mensonge impudent ? D’abord, il entre dans le jeu de billard visant à influencer les esprits par le biais du vote utile. Il suggère qu’une telle baisse ne peut être due qu’à l’indignité regrettable d’un homme, le désastreux François Fillon. L’influence bénéfique de François Bayrou (avec lui, on se rapproche de l’équilibre, 51 % au lieu de 54 %) souligne ce fait.
Macron, élu des sondages et des médias
Le sondage, dans son ensemble, et l’ensemble des sondages, entrent dans la promotion d’Emmanuel Macron : il est ipso facto élu si Fillon est éliminé, écrasant Marine Le Pen au second tour (67 % contre 33 %). On note au passage que, dans l’hypothèse ou Fillon atteindrait le second tour, il battrait moins nettement la candidate du Front national (54-46). Le message est très clair : Fillon est un moins bon rempart contre le populisme que Macron.
Ici se poursuit la campagne dont Juppé avait été le premier champion, visant à promouvoir un président du libre échange mondialiste, d’aspect modéré, favorable à l’immigration et aux réformes « sociétales ». La chose ayant échoué avec le vieux, Fillon jugé (tout est relatif) trop à droite, trop conservateur, c’est Macron-le-neuf qui est maintenant le premier poulain de l’écurie mondialiste. Si les sondages ne suffisaient pas à le montrer, regardez sa fréquence d’apparition sur la couverture de Match, l’hebdomadaire du groupe Lagardère. La fortune anonyme et vagabonde a vraiment choisi son candidat, un Kennedy à la française, qui pose avantageusement avec sa maman Brigitte pour faire plus glamour.
Comme tous les oracles, les sondages ont un message ambigu
En gonflant d’une manière extravagante le score de la gauche au premier tour et en donnant Fillon éliminé au premier tour, cet amusant sondage vise aussi peut-être à peser sur le résultat du premier tour ou à modifier la liste des candidats. Dans le dernier cas, les amis de François Fillon le persuadent, au vu des sondages, de se retirer au profit d’Alain Juppé, et le mondialisme dur a deux candidats dont l’un est sûr d’être élu – mais le refus net du maire de Bordeaux et la division des Républicains rendent la chose difficile. Dans le premier, Fillon se maintient, et, alerté par les sondages, l’électorat de la droite classique se reporte en masse sur lui pour éviter qu’il ne soit éliminé et ne laisse Marine Le Pen affronter Macron. Les sondages peuvent en effet prophétiser des mensonges pour qu’ils se réalisent, mais ils peuvent aussi les prophétiser pour qu’ils ne se réalisent pas : alors c’est Marine Le Pen qui, emportée par le vote utile, pourrait ne pas jouer le second tour. C’est le meilleur cas de figure pour le système. S’affronteraient pour la présidentielle d’un côté le mondialisme à visage de fausse droite conservatrice en la personne de François Fillon, de l’autre le mondialisme à visage de vraie fausse gauche novatrice en la personne d’Emmanuel Macron.
Le problème : les Français aiment l’arnaque des chiffres
En toute hypothèse le système est gagnant et le peuple français n’a rien à dire. Le vote sera aussi démocratique que les sondages sont scientifiques. L’arnaque est de tous les instants, à tous les niveaux, mais excusable en somme. Les sondages « se trompent ». Ils disent n’importe quoi ? Il y a des raisons à cela. Il ne s’agit que « d’instantanés », de « photos de l’opinion à un moment t » : les gens sont si changeants, la situation si évolutive ! Les sondeurs ne sont que des hommes après tout ! Et c’est ainsi qu’un système de désinformation et de propagande agit en toute impunité et s’auto-absout, sous le regard toujours patient des gogos. Il est impudent parce qu’il sait qu’il peut l’être.
Les Français – les Occidentaux – sont habitués depuis si longtemps qu’on leur mente avec des chiffres. Ils savent très bien en marchant dans la rue que l’immigration déborde : mais l’INSEE leur dit que le taux des immigrés est stable, celui des étrangers aussi. Ils savent très bien que le peuple vomit Hollande et la gauche : mais l’Express et Elabe leur disent que la gauche est majoritaire. Ils savent très bien qu’il ne croient plus ce que disent les médias : mais les sondages, ça veut quand même dire quelque chose au fond. Notre vrai problème, c’est notre soif inextinguible de ne pas savoir la vérité.