Mgr Vincenzo Paglia veut revoir le rôle de l’Académie pontificale pour la vie

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Mgr Vincenzo Paglia, président de l’Académie pontificale pour la vie.

 
Mgr Vincenzo Paglia a encore frappé. Dans un entretien accordé à Austen Ivereigh – grand admirateur du pape François – de Crux, le nouveau président de l’Académie pontificale pour la vie a annoncé les réformes qu’il entend introduire pour élargir le champ d’action de l’APV. Le nouveau rôle de l’institution créée par Jean-Paul II dans le but précis de faire connaître et respecter les enseignements de L’Evangile de la vie – le respect de la vie dès la conception et jusqu’à sa fin naturelle – semble taillé sur mesure pour noyer son objectif initial. Fera ainsi son entrée dans les attributions de l’APV la lutte contre la pollution atmosphérique…
 
La volonté de changement marquant l’arrivée de Mgr Paglia à la tête de l’Académie pontificale pour la vie devient ainsi très manifeste. Une nouvelle stratégie et une nouvelle vision sont à l’œuvre, note Ivereigh : elles passent notamment par le rôle important dévolu désormais à des membres non catholiques de l’institution en vue d’un nouvel engagement « missionnaire » qui permette de s’attaquer aux « grandes frontières de la vie », comme le dit le prélat. Un engagement missionnaire mis en œuvre en « collaboration avec les croyants d’autres religions ». Ce n’est plus l’Evangile qui est prêché, mais l’homme, et encore plus la Planète.
 

Vincenzo Paglia veut du changement

 
L’ordre de mission vient du pape lui-même, rappelle Austen Ivereigh. François veut faire sortir le message de l’Eglise sur la vie de son « ghetto auto-référentiel » : il s’agit, selon Paglia, de mener le plus grand nombre de personnes possible – catholiques ou non ? – à vivre dans la « dimension de l’Evangile de la miséricorde ». Face à la culture du déchet, l’APV doit sortir vers « toutes les frontières humaines » pour aider à créer « une humanité plus humaine, selon la miséricorde de Dieu et non seulement la violence et l’oppression ».
 
Refusant de répondre à la critique exprimée par le père Shenan Boquet, directeur de Human Life International qui à la suite de la récente nomination du Britannique pro-avortement Nigel Biggar à l’APV avait affirmé dans Crux que « L’Eglise ne prend plus son enseignement contre l’avortement autant au sérieux que jadis », Paglia a préféré détailler ses projets d’avenir.
 
Projets salués avec enthousiasme par Ivereigh qui a dénoncé au passage « la culture de pureté idéologique et même de fanatisme » reprochée à l’APV par le passé : peu attrayante et inefficace pour attirer le monde au sens large. Fanatisme ? On n’est pas loin du fondamentalisme reproché à ceux qui défendent l’intégralité de la foi – le qualificatif n’est pas seulement faux et méchant, il est chargé de haine. Est « fanatique » le fou d’Allah. De là à dire que ces catholiques ne le sont pas en vérité, comme les djihadistes qui n’ont rien à voir avec l’islam-religion-de-paix-et-d’amour, il n’y a qu’un pas !
 

Revoir le rôle de l’Académie pontificale pour la vie

 
Ce « monde », Paglia sait lui parler… Etre pro-vie, a-t-il expliqué au journaliste, signifie certainement s’opposer à l’avortement et à l’euthanasie, mais cela entraîne aussi la lutte contre l’oppression à l’égard des enfants. « Cela signifie également être conscient de ce qu’en six mois seulement aux Etats-Unis 6.600 personnes sont mortes après avoir été touchées par un tir d’arme à feu », a-t-il dit. Ivereigh explique avoir vérifié le chiffre. Et le vaticaniste opine : « De façon remarquable, les groupes provie qui se trouvent aux Etats-Unis sont presque entièrement muets à ce sujet. » Comme s’ils avaient pour charisme d’agir contre l’insécurité publique…
 
Ivereigh rappelle ensuite l’engagement de Paglia au service de l’immigration depuis le Proche-Orient. En tant que membre fondateur de la communauté de Sant’Egidio, le prélat s’inscrit sans états d’âme dans la logique de cette dernière qui gère des « couloirs humanitaires » pour amener Irakiens et Syriens vers l’Union européenne, et qui fait campagne pour faire adopter une interdiction mondiale de la peine de mort.
 
Paglia aussi ; il confirme. « Sujet identique : provie. Je ne peux pas être provie si je pollue l’atmosphère. Je ne peux pas être provie et en même temps jeter les vieux. Je ne peux pas être provie et m’engager dans le type de modification génétique qui va contre la dignité de la vie. Je ne peux pas être provie et créer une fille dans une éprouvette. »
 

APV : ouverture aux non-croyants et recherche de consensus

 
Mélanger peine de mort, pollution atmosphérique, morts violentes du fait de l’insécurité d’une part, et de l’autre, l’approfondissement et la défense du message spécifique de l’Eglise catholique sur le respect du plan de Dieu pour la procréation humaine, le respect de la vie innocente et l’interdiction faite à l’homme de décider lui-même de leur de sa mort, c’est décidément confondre politique et bioéthique, même si dans l’article, il est clair qu’Ivereigh et Paglia reprochent finalement au mouvement provie un message politique. Ce n’est pourtant pas de sa faute si la culture de mort est encore davantage promue par la gauche que par la droite.
 
Cela nous vaut une pique bien sentie d’Ivereigh à l’encontre de Human Life International qui définit sa mission comme la lutte contre « les maux de l’avortement, de la contraception, de l’euthanasie et du suicide assisté ainsi que la redéfinition du mariage » sans faire mention du « trafic des armes légères ou de la peine de mort », dont le pape François a fait des questions propres au respect de la vie lors de son discours au Congrès américain en septembre 2015.
 
Pour Paglia, il s’agit de relire la Genèse dans son intégralité, en tenant compte de la mission confiée à l’homme de prendre soin de l’environnement et de créer des liens sociaux allant de la famille à la cité et jusqu’à la nation. Il appartient donc, selon lui, à l’Académie pontificale pour la vie de travailler sur ce grand thème qui relie l’environnement et la génération. L’Eglise, dit-il, doit parler de ces choses de manière attirante en évoquant l’interconnexion intégrale de l’éthique de la vie, présentée comme belle.
 

Mgr Paglia : les mères sont des martyres

 
Et de citer Mgr Oscar Romero qui lors d’une homélie remarquée, avait évoqué le don de la vie en expliquant que lorsqu’une femme donne naissance à un enfant et l’élève elle devient « martyre » à l’égard de cet enfant. « Voilà comment il faut parler pour la vie et contre l’avortement. Pas en restant coincé dans une forteresse en brandissant le drapeau de tel ou tel principe », dit Paglia. Pas sûr que cela fonctionne !
 
Lors d’une conférence à venir à l’automne, l’APV s’intéressera au transhumanisme, qui sans aucun doute touche à la question bioéthique. Tant mieux.
 
En abordant la question du contrôle des naissances, l’APV touchera aux moyens contemporains de la procréation manière artificielle et à la question des mères porteuses : rien que du très classique pour elle.
 

Armes à feu, peine de mort, euthanasie : pour Vincenzo Paglia, c’est tout comme

 
On reste plus circonspect face à l’annonce d’une réflexion sur la fin de vie et des soins palliatifs qu’il fera l’objet d’une importante rencontre en janvier 2018, étant entendu que Mgr Paglia a fait signer un accord entre chefs religieux en Italie sur l’importance des soins palliatifs. La frontière est aujourd’hui ténue entre ces derniers et l’euthanasie : en recherchant un consensus « aussi large que possible » qui a fait ouvrir les portes de l’institution à deux juifs, un musulman, un anglicans et plusieurs non-croyants, on risque d’aller vers quelque chose de négocié. Puisqu’on ne veut plus brandir de principes ! C’est pourtant là – l’affirmation claire des principes – qui constitue toute la particularité de l’enseignement de l’Eglise en ce domaine. On se trouve face un interdit clair et sans exceptions : « Tu ne tueras point l’innocent. »
 
Il paraît – c’est Paglia qui le dit – que les non-catholiques apportent de la « crédibilité » à l’APV, manière de dire que l’enseignement de l’Eglise ne saurait seul en avoir. N’aurait-il donc pas d’intérêt alors même que les catholiques en ont tant besoin et, surtout, que l’Eglise, en son enseignement relatif à la foi et aux mœurs, à l’assurance d’être dans la vérité ?
 
Dans l’esprit de Mgr Paglia, rapporte Ivereigh, il y a la volonté de renforcer le côté académique et scientifique de l’Académie pontificale pour la vie, dont les déclarations auront selon lui davantage de chances d’influencer la communauté scientifique si elles résultent d’un consensus entre croyants et non croyants. « C’est une position stratégique qui évidemment exige que nous mettions en jeu différentes forces », lui a déclaré Paglia, qui récuse l’approche « défensive ».
 
« Nous sommes là avec des mégaphones, criant dans le désert, alors que les gens vont ailleurs. Si je puis dire, il y a une certaine façon de défendre la vie qui ne la défend pas », lâche enfin Paglia.
 
Quel dommage que personne n’ait songé à mettre saint Jean-Baptiste au courant. Il aurait probablement gardé sa tête.
 

Jeanne Smits