Jean de Yepes Alvarez naquit à Fontiveros, entre Salamanque et Avila, en Espagne, le 24 juin 1542, dans une noble famille déshéritée de juifs convertis. Orphelin de père dès 1545, il fut envoyé en 1547 dans un orphelinat où il vécut une première expérience mystique alors qu’il manquait se noyer : la Vierge Marie lui apparut, mais comme il se refusait à se saisir de sa main pour ne pas la salir, il fut secouru par un homme qui passait par là. En 1548, au cours d’une famine, il s’installa avec sa mère et son frère à Arévalo. Avec ce dernier, il commença à venir en aide aux pauvres de la ville. La famille déménagea par la suite à Medina del Campo où sa mère travailla comme tisserande pour subvenir à leurs besoins. Très pieux, Jean devint servant de messe et étudia chez les frères de la Doctrine chrétienne puis chez les Jésuites.
En 1563, il entra au Carmel de Medina del Campo et prit le nom de Jean de Saint-Matthias. Un an plus tard, il prononça ses vœux perpétuels, puis il fut envoyé à Salamanque pour y poursuivre ses études ; il fut particulièrement marqué par la spiritualité de saint Thomas d’Aquin. Ordonné prêtre en 1567 et désireux de mener une vie contemplative, il voulut un temps entrer chez les chartreux, mais y renonça pour mener la réforme de son ordre. Sa rencontre avec sainte Thérèse d’Avila concrétisa ce désir de réforme ; il s’engagea dès lors dans la fondation des Carmes déchaussés et prit en 1568 le nom de Jean de la Croix. Pratiquant au départ une vie de mortification particulièrement intense, il renonça rapidement à ces excès de pénitence initiaux qui répondaient plus à une satisfaction humaine qu’au seul amour de Dieu.
Jean fonda plusieurs couvents et eut une intense vie mystique, qu’il traduisit par la rédaction de plusieurs traités. Entre 1572 et 1575, il se retira dans la solitude du couvent d’Avila où il fut directeur spirituel des religieuses. En 1577, il fut fait prisonnier à Tolède par des carmes qui refusaient sa réforme : il considéra cet emprisonnement très éprouvant qui dura huit mois comme sa nuit de la foi. Après cette expérience, il se consacra à la fondation de plusieurs autres monastères des carmes déchaussés, et développa sa théologie, fondée sur l’union de l’âme à Dieu et le détachement du monde, dans plusieurs traités, en affirmant notamment : « En toute âme, même en celle du plus grand pécheur du monde, Dieu réside et demeure substantiellement. » A sainte Thérèse qui disait « ou souffrir ou mourir », il ajoutait : « Souffrir et être méprisé pour Dieu. »
L’Ordre des Carmes déchaussés fut approuvé par Sixte-Quint en 1587. Jean de la Croix, qui occupa plusieurs fonctions d’importance en son sein, fut à la fin de sa vie calomnié et relégué en 1591 au rang de simple moine. Tombé malade en août, il mourut au couvent d’Ubeda le 14 décembre 1591, après qu’on lui eut lu, à sa demande, le Cantique des Cantiques. Il fut canonisé par Benoît XIII le 27 décembre 1726 et proclamé Docteur de l’Eglise par Pie XI le 24 août 1926 : il est le Doctor mysticus (Docteur mystique).
Benoît XVI, dans son audience générale du 16 février 2011, déclara : « Si un homme porte en lui un grand amour, cet amour lui donne presque des ailes, et il supporte plus facilement toutes les épreuves de la vie, car il porte en lui cette grande lumière ; telle est la foi : être aimé par Dieu et se laisser aimer par Dieu en Jésus Christ. Se laisser aimer est la lumière qui nous aide à porter le fardeau de chaque jour. Et la sainteté n’est pas notre œuvre, très difficile, mais elle est précisément cette “ouverture” : ouvrir les fenêtres de notre âme pour que la lumière de Dieu puisse entrer, ne pas oublier Dieu car c’est précisément dans l’ouverture à sa lumière que se trouve la force, la joie des rachetés. »