Remédier à la crise des crèches pour garder les mères au travail et contrôler les enfants

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Depuis quelques années, c’est une inquiétude qui revient plus fortement dans les médias : le problème des garderies. Et il semble que ce même souci touche tous les pays occidentaux, du monde anglo-saxon à la France, en passant par l’Allemagne, la Suède ou encore le Japon. « Il manque des places de crèche pour les enfants en bas âge ! » Le désarroi semble considérable, et pour les politiques et pour les parents… du moins est-ce ce qu’on en lit. Mais qui veut vraiment des nouvelles places de garderie ? L’Etat. Car la crèche n’est ni une obligation, ni la meilleure des solutions.

A lire ces nombreux rapports qui s’affolent, il est clair qu’on évalue le petit enfant selon son poids d’intérêt public, à savoir ce qu’il en coûte à l’Etat d’avoir une maman qui quitte le monde professionnel pendant ses trois premières années. La santé mentale de ce petit d’homme, à ce moment si important de sa vie, est totalement ignorée. Pire, ils en viennent même à dire que, élevé par d’autres que par ses parents, son développement n’en sera que meilleur !

Non seulement il n’y a aucune intention d’aider réellement les familles qui, pour la plupart, considèrent qu’un parent au foyer est la solution idéale pour élever les enfants. Mais la priorité politique reste la garde officielle financée par l’Etat : les tout petits enfants doivent tomber dans un giron institutionnel dès que possible.

 

Maintenir les parents sur le marché du travail et renforcer l’économie

Les crèches sont à la peine. C’est une réalité partagée par nombre de pays occidentaux, pour des raisons plus ou moins communes. Manque de personnel, problème de financement… et la crise du covid a accentué le phénomène. Le rapport financé par la Helios Education Foundation, montrait en effet, l’année dernière, que 70 % des parents interrogés avaient du mal à obtenir une garde d’enfants de qualité.

Les prix sont aussi parfois devenus prohibitifs : les frais annuels (près de 15.000 dollars) ont dépassé le coût d’une université publique, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Une étude a révélé que 23 % des parents basés au Royaume-Uni avaient quitté leur emploi ou abandonné leurs études pour éviter les frais de garde d’enfants. Et même lorsqu’ils sont quasiment gratuits comme en Allemagne ou en Autriche, c’est l’Etat qui peine alors à payer et la pénurie de places demeure.

Le résultat est logique : les familles s’usent tant à trouver des places en crèche, et des places à un coût correct, qu’une partie d’entre elles finissent par garder leurs enfants de moins de trois ans elles-mêmes. Et c’est là le vrai problème, ou du moins considéré comme tel par nos élites : car un enfant qui bloque l’un de ses parents à la maison l’empêche de rejoindre le marché du travail et donc de participer au rendement économique de la société.

Partout, on lit le même refrain sur ce « manque à gagner » : pour les entreprises, c’est un frein à l’embauche, alors qu’elles manquent de main d’œuvre ; les parents y laissent des plumes en perdant des revenus et donc du pouvoir d’achat ; et l’Etat doit par conséquent renoncer à des recettes fiscales. Un rapport publié en février 2023 par ReadyNation, une coalition d’entreprises, affirmait ainsi que la crise de la garde d’enfants coûtait, aujourd’hui, aux Etats-Unis, 122 milliards de dollars par an. Et la situation n’évolue pas dans le bon sens puisque ce chiffre était deux fois moindre en 2018.

 

L’obsession politique pour les crèches

Il y a aussi l’idée que ce mode de garde des crèches collectives est l’unique solution. Comme le faisait remarquer Kimberly Ells sur Mercator, l’obsession est flagrante à considérer et faire considérer que si des soins institutionnalisés ne peuvent lui être donnés, l’enfant souffrira. Le rapport de ReadyNation, cité plus haut, affirme ainsi que les enfants qui n’ont pas la chance d’obtenir une place peuvent être confrontés à une multitude de problèmes, notamment un manque de soins et de développement cérébral : « Cette crise de pénurie de main-d’œuvre [pour les crèches] nuit absolument à la sécurité des enfants », peut-on lire dans son rapport.

La directrice des politiques chez Voices for Utah Children notait que lorsque les services de garde agréés sont moins accessibles, les parents se tournent « de plus en plus vers des situations sous-optimales », notamment « des soins non agréés, un patchwork de membres de la famille et d’amis ou des horaires de travail alternés des parents ». Une solution alternative qui apparaît comme absolument non idéale et non enviable.

Et si c’était, à l’inverse, la meilleure des solutions, alors que les parents doivent tous deux travailler ? Beaucoup en font volontairement le choix – et le bénéfice est à la fois économique et émotionnel.

 

La crise de santé mentale chez les enfants américains n’est pas étrangère à l’absence maternelle

Pour la psychologue américaine Erica Komisar, spécialisée dans l’éducation, c’est évident. « Il existe de nombreuses études qui établissent un lien entre la garde institutionnelle de zéro à trois ans et l’augmentation des niveaux de cortisol, l’hormone du stress, les problèmes de comportement, l’anxiété et l’augmentation de l’agressivité », assure-t-elle.

Pourquoi ? Parce que « les enfants sont “programmés” pour se développer au sein d’un petit groupe de personnes familières et ont besoin de relations individuelles et nourrissantes pour bien se développer ; pendant la majeure partie de l’histoire de l’humanité, en fait, le développement précoce des enfants s’est déroulé à la maison, généralement avec des soins maternels à temps plein. (…) La sécurité de l’attachement, établie au cours des trois premières années d’un enfant par des liens sensibles et empathiques, est fondamentale pour la santé mentale », explique la psychologue.

Selon une étude du National Institute of Child Health and Human Development Study of Early Child Care, qui a analysé les comportements d’enfants en regard du temps passé en crèche collective, « seuls 2 % des enfants qui passaient en moyenne moins de 10 heures par semaine présentaient des problèmes de comportement, contre 18 % de ceux qui passaient en moyenne 30 heures ou plus et 24 % de ceux qui passaient en moyenne 45 heures ou plus par semaine. Les effets négatifs associés à de longues heures de garde d’enfants rivalisaient avec les effets de la pauvreté ».

 

Intervention étatique : éloigner les mères du foyer et éduquer les tout petits

Mais le mieux reste encore de laisser ces tout petits bambins à leur mère ! Et Erica Komisar le reconnaît largement. Pendant des années, le message sociétal a souligné que les femmes contribuaient davantage à la société sur le marché du travail qu’à la maison avec leurs enfants. Or, elle constate l’inverse : « Les effets de l’absence maternelle sur nos enfants constituent un problème social majeur de notre époque. »

Miser sur cette présence féconde et structurante est le meilleur cadeau qu’on puisse faire, à la fois à l’enfant et à la société dont il est un pilier futur.

Pourquoi les Etats n’allouent-ils pas un soutien direct aux familles, au lieu de payer et ainsi d’imposer des modes de garde collectifs spécifiques, comme on le voit dans la majorité des pays occidentaux ? Ce serait contrevenir aux deux impératifs concernant la maternité dans notre société devenue woke : non seulement la mère ne doit pas quitter le marché du travail, mais son petit enfant doit être éduqué selon des normes prédéfinies et une pédagogie bien précise.

Qu’on se rappelle la solution proposée par la 68e session de la Commission de la condition de la femme aux Nations unies qui a eu lieu fin mars : « Fournir une garderie universelle financée par l’Etat pour toutes les familles. » Encore faut-il que les aides ne soient pas trop élevées… Ce serait donner trop d’encouragement à la natalité.

 

Clémentine Jallais