Avant le discours de politique générale : la dictature des Ex

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Tout vient à point à qui sait attendre. Grâce aux Jeux olympiques et leurs cérémonies, à l’été et à ses rivières atmosphériques, les Français auront patienté du 7 juillet à cet après-midi pour entendre leur nouveau Premier ministre, Michel Barnier, prononcer son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. En revanche, deux anciens présidents de la République, Sarkozy et Hollande n’auront pas eu cette patience avant de donner leur avis, ni des anciens Premiers ministres, Attal, Galouzeau de Villepin, et toute une bordée d’anciens ministres. Comme si les Ex, qui n’ont plus aucune légitimité d’aucune sorte à l’ouvrir, exerçaient une sorte de tutelle sur l’exécutif, une sorte de dictature des élites républicaines se considérant au pouvoir à perpétuité, qui répond d’ailleurs drolatiquement à la prétention de Lucie Castets, ex-candidate à Matignon, à exister politiquement. Une espèce de magistère virtuel et de tutelle de fait à travers des médias complaisants.

 

Le discours de politique générale détourné par les Ex

Nicolas Sarkozy, comme souvent, a eu le mérite de dire carrément les choses, presque de théoriser sa fonction d’ancien président. Interrogé sur un éventuel retour, l’ex chef de l’Etat a dit : « Non. Il y assez de candidats. Je suis utile en discutant avec Emmanuel Macron ou avec Bruno Retailleau. » Et il a joué son rôle de consultant sans complexe. Sur l’économie : « La France est le pays qui paye le plus d’impôts, où la redistribution est la plus importante et où le sentiment d’injustice est le plus grand. Raisonner en termes d’augmentation d’impôts serait une erreur ; la France a besoin d’emplois, de croissance et d’investissements. » Et sur l’immigration, après avoir noté avec justesse que jamais la jeune Philippine n’aurait dû croiser son meurtrier sous OQTF, il en a profité pour préconiser un nouveau pas en avant vers l’intégration bruxelloise. Selon lui, diriger l’espace Schengen est « un sujet politique de première importance, le responsable doit rendre des comptes. Aujourd’hui, c’est un processus européen administratif », aussi conviendrait-il selon lui de former à ce sujet un « gouvernement européen », composé dans l’immédiat par les ministres de l’Intérieur des pays membres, qui éliraient en leur sein un président. Voilà une proposition que reprendra peut-être Barnier l’européen : sous couleur de juguler l’immigration, augmenter les pouvoirs d’une Union européenne qui provoque l’immigration !

 

Deux Ex et leur politique de sabordage dans l’UE

Dominique de Villepin, ancien premier ministre de Chirac, inventeur de la dissolution de 1997 (encore plus fuligineuse que celle de 2024), a enthousiasmé les sympathisants communistes présents à la fête de l’Humanité en reprenant l’argumentation de LFI : « Une force arrivée en tête, il fallait lui donner sa chance. Est-ce que ça aurait duré ? Le NFP aurait-il eu l’audace d’étendre ses lignes pour constituer une majorité ? Ce n’est pas au président de répondre à la place du NFP. » Avant de proposer deux options, « un gouvernement de front républicain » et un « gouvernement d’union nationale ». Deux solutions qui excluaient d’avance l’expérience Barnier, dont Villepin reprend cependant, fait très surprenant pour un homme qui n’a jamais cessé de bâtir sa carrière sur un « gaullisme » proclamé, l’orientation européiste. Pour lui, il faut « mettre sur la table la question de la souveraineté européenne. Un grand partenariat avec le Sud global, c’est là qu’est l’avenir de la souveraineté européenne ». Il est bien intéressant de voir Sarko et Villepin, deux hommes que tout sépare, le style, les intérêts (l’un voulait même à l’époque pendre l’autre « à un croc de boucher »), s’accorder sur l’avenir européiste de la France.

François Hollande, lui, a donné une interview à la Nouvelle république afin de mordre les mollets de Jean-Luc Mélenchon et de promouvoir son dernier livre, Le Défi de gouverner. Lui qui n’a aucun poids que celui de député de la Corrèze, ni aucune fonction dans le Nouveau Front populaire, prend une posture de statue du commandeur sans en avoir la stature : « Nous allons d’abord écouter le discours de politique générale du Premier ministre. Puis déposer une semaine plus tard une motion de censure pour acter combien nous sommes loin de l’esprit qui a été celui du Front républicain, du vote de nos concitoyens et de la volonté de changement exprimée lors des élections législatives. » Il ne montre ni « précipitation sectaire » ni « mouvement d’humeur », mais condamne « un gouvernement de droite dont la survie dépend de l’extrême droite ». L’épouvantail d’une dictature chimérique est toute sa pensée. L’ancien président normal est un opposant normal, il dit non avant de voir, par principe et pour exister.

 

Le discours agité de Gabriel Attal, « Ex » multi-cartes

Quant à Gabriel Attal, c’est le plus agité des ex. Bien qu’il n’ait passé que peu de temps à Matignon, il tente de mettre une pression maximale sur Michel Barnier. Le 28 septembre, il claironnait : « Nous ne serons comptables que de ce que nous soutenons. » Avant cela il avait recommandé au Premier ministre de tenir ses engagements dits « sociétaux », PMA, droit à l’avortement, paquet LGBTQI+. Il a aussi laissé sur le bureau de Matignon un texte sur la justice des mineurs, un plan santé détaillé pour porter le nombre des étudiants en médecine à seize mille en 2027, une étude pour « désmicardiser » la France. Bref, lui, qui n’a pas fait grand-chose en huit mois lorsqu’il était Premier ministre, entend réussir maintenant qu’il est ex. Il va commencer une nouvelle carrière en répondant, seul, au nom du groupe Renaissance, pendant 45 minutes, au discours de politique générale de Michel Barnier. Comme s’il était Premier ministre bis. Il a d’ailleurs dit : « Son échec sera aussi le nôtre. »

Mais la démarche la plus caricaturale des Ex me paraît la tribune signée dans le Monde par huit ministres de la Santé, intimant à l’actuel gouvernement de maintenir l’AME. L’aide médicale d’Etat permet aux immigrés entrés illégalement sur le sol français d’être soignés et de bénéficier d’une prise en charge à 100 % dans la limite des tarifs de la Sécu. Or Bruno Retailleau, après quelques autres, a constaté qu’elle fait partie des nombreuses pompes aspirantes à étrangers indésirables et veut la supprimer, comme 70 % des Français. Mais Agnès Buzyn, Olivier Véran, Roselyne Bachelot, François Braun, Frédéric Valletou, Agnès Firmin-Le Bodo, Aurélien Rousseau et Marisol Touraine ne sont pas d’accord. Ils ne veulent pas qu’on touche à l’AME. Le jugement le plus indulgent que l’on puisse porter sur leur passage aux affaires est d’avoir oublié leur nom et l’argument qu’ils produisent est d’un ridicule achevé : « Toucher à l’aide médicale d’Etat va à rebours de la logique même des politiques de santé publique que nous avons mises en place. » Or, si la France est au bord du gouffre, c’est à cause des politiques que les Français ont rejetées ! L’indécence tranquille des Ex révèle une volonté abusive mais constante de maintenir sur la politique à venir une tutelle fidèlement contraire aux décisions populaires. Toutes les faillites d’hier se liguent pour maintenir la France dans l’ornière du mondialisme arc-en-ciel.

 

Pauline Mille