Le Big Brother de la santé progresse au Royaume-Uni ; toute l’Europe occidentale connaît la crise de la santé

Big Brother santé crise
 

C’était finalement à prévoir. Alors qu’il devient de plus en plus facile de tout surveiller à distance, le nouveau gouvernement socialiste du Royaume-Uni a décidé que l’une des manières de « sauver la NHS », le système de santé collectiviste britannique au bord de la faillite, sera d’équiper les malades chroniques de « Smart watches », ces montres connectées qui vous prennent la tension, le rythme cardiaque et identifient même les pics de glycémie. Dix millions de personnes recevront ces « traceurs » dont rien ne dit qu’ils ne seront pas en lien direct avec la « National Health Service » étatisée, avec l’idée de réduire les consultations, réduire les hospitalisations et améliorer la santé de tous. C’est pour votre bien ! Et en dix ans – moyennant cette mesure et d’autres – la NHS nouvelle manière ne sera plus dans le rouge, promis. On pourra peut-être même y obtenir un rendez-vous de spécialiste d’une semaine à l’autre, là où il faut aujourd’hui des mois… La solution sera-t-elle demain étendue à l’Europe ? Les plus grands pays d’Europe occidentale connaissent de semblables crises de la santé…

Mais qui dit suivi permanent des « constantes » et autres indices d’irrégularités au regard des normes du moment, dit contrôle et pourquoi pas flicage. Certes, Wes Streeting, ministre travailliste de la Santé, assure qu’il s’agit de donner à chacun le pouvoir sur sa propre santé en étant constamment informé sur l’état de celle-ci. Mis à part le côté anxiogène de la chose, cependant, qui peut garantir que demain, un dépassement de norme de taux de glycémie ne se traduira pas par l’impossibilité d’acheter un paquet de bonbons en douce – fût-ce pour faire plaisir à un petit-neveu gourmand ?

 

Big Brother prend la forme de montres connectées

Car d’ici à dix ans, la monnaie digitale se sera – sauf résistance de la population – installée pour de bon ; et votre portefeuille électronique sera lui aussi en lien avec Big Brother. On dépensera son argent sous conditions et sous surveillance.

Enfin, ça, c’est si les bonbons sont encore en vente d’ici à dix ans. Après tout, la traque au tabac et aux sodas pourrait bien être suivie de la traque aux sucreries, et il arrivera bien un jour où l’Etat, renonçant généreusement aux taxes qu’il prélève sur ces produits peccamineux, en interdira purement et simplement la vente. Le Royaume-Uni (toujours lui) ne proposait-il pas en début d’année de rendre totalement illégale la commercialisation de tous les produits du tabac à toute personne née après 2009 ? La loi n’a pas pu être adoptée en raison de la dissolution anticipée de la chambre des communes. Il n’y a pas de raison qu’elle ne revienne pas par la fenêtre, « pour sauver la NHS »…

Revenons aux montres connectées. Jusqu’ici, elles étaient plutôt prisées des sportifs qui ont des raisons de faire le « monitoring » de leur rythme cardiaque ou de leur stress. Pour Streeting, en équiper gratuitement les malades permettra à l’assurance-maladie nationale de fonctionner à la « technologie de pointe » conçue pour aider à « conserver la santé et rester hors de l’hôpital ». Passer du traitement à la prévention ; faire soigner « au sein de la communauté » plutôt que dans les établissements de santé, voilà son objectif.

Sans doute cela n’ira-t-il pas sans certains avantages pour les malades : ainsi, des essais sont déjà en cours dans la région de Manchester pour permettre aux personnes atteintes de cancer du poumon, des intestins ou du sang de surveiller en permanence leur fréquence cardiaque, leur température, leur niveau d’activité physique et leur sommeil, ce qui permet de mener une vie sous certains rapports plus normale, sans être accroché à des engins en clinique. D’un autre côté, on perçoit le risque : la surveillance des prises de traitement, les rappels à l’ordre (« vous n’avez pas fait vos 10.000 pas réglementaires aujourd’hui »), et la possibilité d’arrêter de rembourser le traitement des indociles…

 

La crise de la santé au Royaume-Uni justifie la robotisation de la santé

L’objectif avoué est pourtant de suivre d’assez près les malades chroniques – telles les victimes d’AVC dont ont pourra relever en direct l’allure et la mobilité au cours de leur convalescence, tels encore les parkinsoniens dont les tremblements seront enregistrés par des sortes de sismographes personnels – pour pouvoir éviter qu’ils aient à consulter leur médecin traitant (typiquement une fois par mois pour les malades de diabète de type 2, par exemple).

Quand on vous dit que le « grand remplacement » sera d’abord celui de l’homme par l’intelligence artificielle… En voilà un exemple parlant ; il s’agira bel et bien de remplacer un médecin ayant fait des années d’études et supposé, en outre, avoir un regard et un contact humain qui sont si importants qu’ils jouent, on le sait, sur l’efficacité des traitement – par des machines à emporter partout.

Sachant que le Royaume-Uni veut centraliser toutes les informations sur les patients dans leur « application NHS », on comprend que tout sera prêt pour l’informatisation accélérée de la médecine.

Streeting a notamment promis que tout cela « facilitera infiniment la vie des patients », tout en permettant de « protéger ce qu’ils attendent de la NHS : la relation avec le médecin de famille, les soins gratuits au moment où on en a besoin et des temps d’attente moins longs ».

Les promesses n’engageant que ceux à qui elles sont faites, on est en droit de s’interroger sur le sens réel de ces mots : ce sont des « lendemains qui chantent » annoncés au moment où le système britannique (mais il n’est pas le seul) apparaît comme cassé, incapable malgré les sommes d’argent public qu’il engloutit de rendre le service pour lequel on a prétendu le créer.

Comme au moment du covid, on explique aux Anglais que c’est leur système de santé qui est « malade », et qu’il faut le « soigner » pour qu’il quitte son actuelle « situation critique »… parfaitement prévisible depuis des années et aggravé par des systèmes d’accueil qui assurent des soins gratuits aux immigrés clandestins, par exemple. Faisant à l’occasion des Britanniques des patients de seconde zone

 

La crise de la santé se traduit par la pénurie de médecins tous azimuts

Bien sûr, tout cela rappelle ce qui se passe en France : pénurie de médecins, déserts médicaux, temps d’attente délirants pour des pathologies qui ont besoin d’être prises en charge rapidement, accueil généreux de populations qui n’ont aucun titre légal à être en France, le tout moyennant un investissement de l’Etat (et donc une ponction des revenus et du patrimoine des contribuables) absolument faramineuse. Cela coûte au budget national britannique près de 220 milliards d’euros par an pour la seule Angleterre.

En France, on en est à 470 milliards d’euros de prestations chaque année, plus que le budget de l’Etat (350 milliards) et près de 25 % de la richesse nationale, le PIB se situant aux alentours de 2.000 milliards d’euros. Il faut préciser qu’en France, ce budget est également chargé des indemnités journalières pour la maladie et la maternité (au Royaume-Uni, ce sont les employeurs qui sont responsables de couvrir un maximum de 28 semaines de maladie), des retraites de sécurité sociale, et autres prestations de ce type.

Deux systèmes socialisés en faillite… Deux systèmes où les malades peuvent devenir plus malades (quoi qu’il en soit de la prévention façon Big Brother) faute de pouvoir voir un médecin, compétent et capable de poser un diagnostic exact (et ça, c’est une autre histoire…), en temps et en heure. Or les progrès de la médecine, la technicisation croissante et des molécules de plus en plus chères font que les grands malades risquent de « coûter » toujours davantage.

En France comme au Royaume-Uni on souffre d’un manque criant de médecins, parfaitement organisé puisque l’accroissement de la population et son vieillissement permettent de calculer quasi mécaniquement les besoins futurs. Ce sont des données qui ont été délibérément ignorées, de telle sorte que la robotisation de la médecine à laquelle on commence à assister outre-Manche finit par apparaître comme la seule solution viable.

 

La crise de la santé frappe l’ensemble de l’Europe

Et le plus intéressant de tout cela, c’est qu’il ne s’agit pas de l’incurie d’un pays isolé. Le nombre de pays européens souffrant d’une pénurie de soignants de toutes sortes est remarquable : la « crise du système de santé » se déplore aussi bien aux Pays-Bas qu’en Espagne, en Italie qu’en Allemagne. Hasard ?

Voyez l’Espagne : il y manquerait déjà 6.000 médecins traitants et pédiatres, et d’ici à la fin de la prochaine décennie il va falloir remplacer quelque 80.000 professionnels de santé qui partiront à la retraite, gonflant eux-mêmes les rangs des plus de 65 ans qui représentent déjà 20 % de la population aujourd’hui dans ce pays en plein suicide démographique. Mauvaises conditions de travail, salaires inférieurs à ce qui se pratique ailleurs font qu’une partie des nouveaux médecins formés – des « milliers », selon El País, sans que l’on sache exactement combien – passent les frontières pour aller exercer ailleurs. On a un chiffre sûr : entre 2011 et 2021, « l’Ordre des médecins espagnols a délivré des certificats d’aptitude à 18.000 professionnels de santé espagnols pour exercer à l’étranger », rapportait le Courrier international en 2022. Tous ne sont sans doute pas effectivement partis. Mais l’envie est là.

L’Italie n’est pas en reste. Elle est confrontée à une « crise majeure » de son système de santé public : là encore, le manque de personnel, les infrastructures vieillissantes et le manque de financement créent des listes d’attente interminables. Certes il y a un système privé qui fonctionne mieux, et on comprend que les médecins soient plus attirés par celui-ci ; d’autres « s’exportent » aussi là où l’herbe est plus verte.

 

De Big Brother à l’euthanasie : les solutions deviendront-elles finales ?

L’Allemagne, supposée mieux organisée, est aussi « confrontée » à une pénurie de médecins : elle a récemment enregistré l’un des taux les plus bas de diplômés en médecine par habitant parmi les pays de l’UE, et en 2023, elle comptait déjà 12 % de médecins étrangers. Les choses ne devraient pas s’arranger puisque près d’un tiers des médecins en Allemagne ont 55 ans ou plus, dont un grand nombre prendra sa retraite à d’ici à dix ans, rendant encore plus indispensable l’appel aux médecins étranger. Elle connaît également une grave pénurie d’infirmières : il lui en faudra 150.000 de plus d’ici à 2025.

Les Pays-Bas ont le même problème : le vieillissement des médecins, une insuffisance de nouveaux médecins formés, font que de nombreux Néerlandais n’arrivent pas à s’inscrire dans un cabinet de médecins traitants. Est notamment en cause le nombre de femmes médecins formées mais qui exercent souvent à temps partiel… Et le nombre de tâches administratives imposées aux soignants qui ne consacrent en principe que 10 minutes à chaque patient. Si le malade a plus d’une question à poser, il lui appartient de prendre deux rendez-vous à la suite…

La Belgique, le Portugal sont dans le même état… Dans ce dernier pays, on manque surtout de médecins hospitaliers et les grèves se multiplient au sein des professions médicales. 1,6 millions de Portugais n’ont pas de médecin de famille et les listes d’attente pour des interventions chirurgicales atteignaient les 266.000 personnes, fin mai.

La crise qui était déjà bien présente avant 2020 s’est évidemment aggravée avec le covid et ses fermetures d’hôpitaux et l’arrêt des soins nécessaires au prétexte de soigner le coronavirus (qu’au demeurant on ne soignait pas). Une tendance profonde s’est inscrite, ou plutôt on l’a inscrite dans le paysage européen, faisant qu’il est de plus en plus difficile, spécialement dans les « déserts médicaux », d’avoir un contact humain avec un médecin qui maîtrise effectivement l’art de la médecine.

Les réponses possibles, on les connaît : le rationnement de la médecine en est une. Les Pays-Bas sont déjà engagés sur ce chemin, puisque certaines pathologies n’y sont plus soignées (par certaines opérations par exemple) lorsque le patient a dépassé les 80 ans. On met des vieillards pour lesquels un remplacement de la hanche est jugé risqué en soins palliatifs.

L’automatisation de la médecine en est une autre : c’est ce que choisit actuellement de Royaume-Uni.

Les circonstances actuelles – résultats de politiques délibérées – y poussent et servent à rendre ces solutions « désirables » pour la population.

La troisième solution, la plus radicale, est l’euthanasie : sa légalisation est sur la table au Royaume-Uni, elle devrait revenir à la charge en France, elle est légale en Espagne, en Belgique, aux Pays-Bas, elle a été promulguée au Portugal en mai dernier ; l’assistance au suicide a été rendue possible en Allemagne et en Italie par le biais de décisions de hautes juridictions. Cette légalisation a au moins pour effet de banaliser le principe de la mort choisie, celle-ci n’a plus qu’à s’étendre.

 

Jeanne Smits