Bill Gates promeut un monde de SF à travers l’IA

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Que l’intelligence artificielle, l’IA, change le monde, le travail, l’économie, les relations entre les humains, comme l’ont fait avant elle la révolution industrielle puis Internet est une évidence d’abord pressentie par les auteurs de science-fiction (SF) puis confirmée par les sociologues. Bill Gates, patron du géant Microsoft, informaticien de métier, a participé à l’essor de l’IA et s’en trouve donc fervent partisan. Il appelle de ses vœux un monde qu’elle aura selon lui libéré du travail : « L’IA va nous permettre de travailler moins d’heures et de nous concentrer sur des taches plus créatives et pleines de sens. » C’est une opinion intéressante, venant d’un homme qui possède l’une des plus grosses fortunes du monde, qui se dit « philanthrope », agit partout dans le monde par l’intermédiaire de sa fondation Bill and Melinda Gates, et se veut philosophe à ses heures. A quoi ressemble donc ce monde qu’il promeut ?

 

La SF imagine un monde 100 % sans humains

C’est de l’antique malédiction de la Genèse, Adam chassé du paradis terrestre et obligé de peiner pour vivre (« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front »), que Bill Gates affirme que l’IA libérera nos sociétés. On pourra produire des biens et soigner les humains mieux, plus vite et à moindre coût qu’on ne le fait actuellement. Déjà, il est avéré que, dans certaines unités de surveillance et de soins d’un grand hôpital américain, les patients se trouvent plus satisfaits d’être traités par l’intelligence artificielle que par des soignants humains. Et de fait, la proportion des emplois remplaçables par l’AI qui avait d’abord été fixée à 60 % par les prospectivistes se rapproche de plus en plus des 100 % imaginés par les amateurs de SF : avec une IA développée à l’extrême et les robots perfectionnés ad hoc, quasiment toute tâche peut être accomplie sans que l’homme n’y participe.

 

L’étrange prophétie de Bill Gates sur l’IA et l’emploi

C’est ici qu’il faut observer avec attention les prédictions de Bill Gates pour évaluer le monde qu’il promeut. Selon lui, seuls trois secteurs professionnels subsisteront après le séisme IA, « l’énergie, la biologie et la programmation des systèmes d’IA ». Pourquoi ces trois-là ? On comprend pour l’IA : il faudra des interprètes humains pour parler à l’IA et des cornacs pour la diriger. Et puis Bill Gates prêche pour son saint. Il exhorte les parents à orienter les jeunes vers l’informatique : « L’IA évolue à un rythme vertigineux et ceux qui maîtrisent ces compétences trouveront plus facilement de l’emploi. » Mais on peut très bien penser au contraire que l’IA fera tant de progrès que les besoins en informaticiens baisseront. Quant à l’énergie, il en faut pour l’IA et pour faire tourner le reste de la société, et la recherche biologique il en faut aussi, mais on peut raisonnablement prédire que l’IA y prendra une place croissante. Et pourquoi exclure d’autres recherches, et d’autres secteurs ?

 

L’IA et les coiffeurs, la SF et les radis

Le survol des forums est très instructif à cet égard. Et les coiffeurs, dit un internaute, l’IA va-t-elle les remplacer ? On pourrait dire aussi bien : et la fleuriste, l’acteur, le petit horticulteur qui vend ses salades et ses radis au marché ? Tout un monde humain, qui pourra d’ailleurs s’il l’entend se servir de l’IA, pourra opérer en marge de l’IA et peut-être contre elle, ce pourrait faire l’objet de jolis scénarios de SF. Les déclarations de Bill Gates se résument en fait à dire : l’IA, c’est très bien, ça va bien se passer, c’est une révolution positive mais il faut se préparer à une incidence négative sur l’emploi. Et cela, c’est vrai. A plus ou moins brève échéance, une énorme part du travail aujourd’hui accompli par les hommes le sera par la machine (IA + robots), et le changement sera encore plus grand que lors de la révolution industrielle.

 

Dans le monde de Bill Gates, qui dirigera l’IA ?

Bill Gates s’emploie surtout (il a fait d’autres déclarations, sur les effets positifs de l’IA sur l’instruction publique ou l’humanitaire, par exemple) à détourner l’attention des questions très graves que pose l’IA. Elle existe, aujourd’hui, et elle va prendre une place énorme, c’est inéluctable, et elle va supprimer de très nombreux emplois, c’est un fait. Mais pour quelles conséquences ? Dans un premier temps, le revenu universel auquel auront droit les élus désignés par le crédit social, dans le deuxième temps la réduction forcée des populations. Et selon quels critères ? Quel eugénisme ? Enfin, et surtout, qui dirigera en fin de compte l’IA ? Ces questions ne sont plus de la SF, ce sont les principaux combats d’après-demain.

 

Pauline Mille