Le Doubs vote son budget : vers une crise de régime ?

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Lorsqu’après les Européennes remportées par le RN Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée nationale, des politologues ont évoqué une « crise de régime », craignant que le parti de Marine Le Pen ne vienne au pouvoir. Puis, après le 7 juillet, constatant qu’aucune majorité ne se formait, on a répété, plus fort, le mot et la gauche, voyant que son poulain Lucie Castets n’était pas appelée à Matignon, y a vu la fin de la Ve République. Depuis la nomination de Michel Barnier, l’attention s’est reportée sur le budget, introuvable et à la merci d’une motion de censure, qui, à nouveau, pour certains, ouvrirait une crise de régime. Dans la réalité, toutes ces opinions sont gratuites. Mais, en votant un budget qui ne tient pas compte des objectifs d’économies du gouvernement, le conseil départemental du Doubs vient de défier l’Etat, ce qui pourrait mener, pour de vrai, si chacun persévérait dans son action, à une crise de régime : c’est la rébellion, ou la sécession de fait, d’un département qui ne reconnaît plus l’autorité de la République française.

 

Dans le Doubs abstiens-toi de tout excès

Christine Bouquin préside le conseil départemental du Doubs, qui a remplacé le Conseil général, depuis 2015. A la tête d’une majorité tranquille de Républicains et de divers droite, elle n’a pas fait beaucoup parler d’elle depuis neuf ans. Et elle est entrée en rébellion ouverte contre Michel Barnier tout aussi tranquillement, lors de la séance plénière lundi de l’assemblée départementale : « Nous avons fait le choix de garder notre calendrier budgétaire et de maintenir le vote du budget au mois de décembre prochain. » Elle n’a donc pas reporté l’examen de son budget pour y intégrer les économies du projet de loi de finances (PLF) 2025 et le fera voter en décembre sans tenir compte des demandes d’économies de Michel Barnier. Ce faisant, elle ne défie pas seulement le gouvernement, mais le Parlement national qui aura validé ce PLF s’il ne vote pas comme elle le souhaite. Une rébellion qu’elle assume parfaitement.

 

Unanimes pour voter le budget

« Si l’ensemble des mesures envisagées dans le PLF 2025 étaient appliquées, ce sont 25 millions d’euros qui seraient retirés au département du Doubs. » Cela toucherait « la rénovation des collèges », la « modernisation des Ehpad », et entraînerait « l’abandon de 80 % » des investissements sur les routes départementales. « Nous devons être combatifs et certainement pas nous avouer déjà vaincus. Même si le temps presse, nous avons encore du temps pour refuser, convaincre et proposer », a-t-elle lancé, sans oublier au passage les « techniciens de Bercy enfermés dans leur tour d’ivoire, si loin des réalités du terrain ». Chose peu commune, Mme Bouquin a reçu l’appui unanime de l’Assemblée départementale a sa déclaration de guerre. Dans la foulée le Conseil départemental a voté une résolution de l’association des départements de France alertant Paris sur « l’ampleur de l’effort » qui leur est demandé.

 

Tout le monde parle de la crise de régime, personne n’en prend la responsabilité

Cela indique que, si la fronde n’est pas encore générale, le mécontentement l’est, et cela révèle par voie de conséquence que le trompe-l’œil du budget Barnier n’a pas échappé aux élus locaux qui en sont partiellement victimes. Le fameux slogan : 60 milliards d’économie, 20 milliards d’impôt en plus, 40 milliards d’économies de l’Etat, n’est qu’un mensonge, Bercy refilant les économies à faire aux particuliers et aux collectivités locales, et ne touchant pas aux gros gisements d’économies potentielles, dégraissage de la fonction publique et coupe dans les subventions toxiques. Le fait que de plus en plus de gens le sachent, notamment des élus locaux, et le disent, ouvre la perspective d’une crise de régime. Que peut-il se passer ? Ou le parlement retoque le budget, et, même sans motion de censure, la France devient ingouvernable. Ou le PLF 2025 est voté à peu près en l’état, et alors Mme Bouquin et le Doubs entrent en sécession ? Sur le papier, oui, pas vraiment dans la réalité. Elle s’est ménagée une voie de sortie : si le PLF est validé tel quel, le Doubs va « adapter (son) budget en prenant des mesures douloureuses ». Retenez-moi ou je fais un malheur ! La crise de régime, tout le monde la frôle, mais personne n’en prend la responsabilité. Tant que ça tient…

 

Pauline Mille