Censure du budget Barnier : déni ou victoire de la démocratie ?

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L’annonce par Marine Le Pen qu’elle allait censurer Michel Barnier et son budget après qu’il eut engagé la responsabilité de son gouvernement a suscité des jugements consternés sur le danger putatif où cela met l’économie française. On accuse le RN de faire passer son intérêt politique devant celui du pays et de chercher un prétexte pour faire tomber le gouvernement. En même temps, Jean-Luc Mélenchon a parlé de « déni de démocratie » quand Michel Barnier fut nommé et le NFP déplore qu’il ait refusé le dialogue et employé le 49-3. Tout cela est dérisoire. D’une part, la crise a été ouverte par Emmanuel Macron quand il a dissous l’Assemblée nationale en juin, et aggravée quand les centres et la droite LR se sont ligués pour faire barrage au RN. D’autre part, Macron, Barnier, Mélenchon, Wauquiez ne sont que des comparses interchangeables. L’impasse qui menace est en fait l’aboutissement de plus de quarante ans de déni tenace de la volonté populaire par des élites acquises à la révolution mondialiste. Et la censure est une première victoire de la démocratie.

 

Barnier censuré, Castets prête à gouverner !

On peut, bien sûr, voir les choses par le petit bout de la lorgnette. Noter qu’en cas de censure, l’inénarrable Lucie Castets, du NFP, se dit déjà « prête à gouverner ». Ou réduire ce qui se passe à un incident de carrière de Michel Barnier et ce que notre confrère Le Monde nomme ses « erreurs d’analyse face à Marine Le Pen ». Croire avec l’ancien ministre Prisca Thévenot que le Premier ministre n’a pas « mesuré l’ampleur du danger ». Ou alors, avec l’un de ses proches, Antoine Vermorel-Marques, que « Marine Le Pen a décidé de faire passer son intérêt personnel devant celui de son pays, voire de son parti » en lançant un écran de fumée à ses « ennuis judiciaires ». Ou dire que le RN est « dans la surenchère » face à un Premier ministre « ouvert au dialogue », comme le fait Jean-Didier Berger, député des Hauts-de-Seine : « J’ai l’impression d’être face à mes enfants qui me demandent toujours une dernière partie de jeu vidéo. A un moment, il faut voter un budget qui ressemble à quelque chose. »

 

Quand Mélenchon dénonce le déni de démocratie

Mais tout cela est enfantin. Et Jean-Luc Mélenchon a utilisé les bons mots le cinq septembre dernier, lors de la nomination de Michel Barnier en parlant de « déni de démocratie ». Hélas, utiliser un mot juste ne garantit pas de comprendre ce qu’il signifie, Mélenchon vient d’en donner la preuve ce matin lorsque, préjugeant du résultat du vote de la censure, il a estimé : « Puisque l’Assemblée nationale n’a pas donné sa confiance au gouvernement qu’il a nommé, (…) il faut que le président démissionne. » Jusqu’ici, pourquoi pas ? Et le patron des Insoumis ajoute fort justement : « Le seul souverain dans ce pays, c’est le peuple. » Mais il gâte tout en ajoutant : « Il faut accepter le résultat du vote et si je le précise, c’est que tous nos ennuis viennent du fait que le président de la République n’a pas respecté la décision du suffrage universel. » Ici, Mélenchon nous trompe. C’est vrai, la volonté du peuple n’a pas été entendue, mais non, cela ne s’est pas passé comme il le dit, et de toute manière cela ne date pas d’hier. Il montre du doigt les seuls Barnier et Macron alors que lui-même fait partie du problème : sans Macron ni le parti de Barnier qui ont participé au barrage anti-RN, la gauche, et singulièrement la France insoumise, n’auraient eu que quelques dizaines d’élus et le RN aurait approché, sinon atteint la majorité de l’Assemblée. La volonté populaire exprimée à la fin du mois de juin était que la droite nationale gouverne la France et Mélenchon a participé au déni de démocratie qui l’en a empêchée.

 

Victoire : les bureaucrates parlent enfin du pays !

Mélenchon, qui nous a habitués à ses outrances et ses inversions grossières lorsqu’il jeta à la face des policiers « la République, c’est moi », récidive ici avec une sorte de « le peuple souverain, c’est moi ». Pire encore, du côté opposé, dans ce qui s’appelle la « droite », on entonne une rhétorique symétrique à propos du « pays ». Bruno Retailleau estime Marine Le Pen « irresponsable » parce qu’elle va mêler les suffrages du RN à ceux de la gauche. Ce que fait aussi Laurent Saint-Martin, le ministre du Budget, qui lui reproche de « mettre le pays à terre ». Même son de cloche chez Antoine Armand à l’Economie, « c’est le pays qu’on met en danger ». Le député des Côtes-d’Armor Corentin Le Fur craint même qu’il ne « bascule dans le chaos ». Cela fait plaisir d’entendre parler des technocrates du pays ! Faut-il qu’ils aient peur pour leur pouvoir ! Car la vérité est que ce sont eux qui l’ont mis dans la mouise, le pays, et cela ne date pas d’aujourd’hui.

 

De Mitterrand à Barnier, le plat unique socialisme immigration

Dans le passé récent, il y a eu Gabriel Attal, l’homme qui a laissé à son successeur Michel Barnier un budget en capilotade assorti de conseils pour s’en sortir. Avant lui, il y avait eu Bruno Le Maire, l’homme qui se disait « trop intelligent » pour faire de la politique et l’a montré à Bercy en voulant mettre à genoux l’économie russe et en creusant la tombe de celle de la France, tout en rédigeant des romans pornographiques. On pourrait remonter comme cela en droite ligne jusqu’à Mitterrand, ses 101 propositions pour changer la France, ses régularisations massives de clandestins, en passant par toutes les nuances de la bureaucratie nocive, Hollande, Chirac… Le virevoltant Macron et le rougissant Barnier n’en sont que les derniers spécimens. Depuis quarante ans, on impose aux Français le même plat unique, avec de très petites nuances : un socialisme de libre-échange qui épuise les ressources du pays, appauvrit les Français, avec des normes industrielles, commerciales et morales de plus en plus contraignantes, assorties d’une invasion migratoire sans frein.

 

Les démographes, eux, ne sont pas dans le déni

Cette invasion remplace les Français à court terme. La démographe Michèle Tribalat rappelle qu’un enfant qui naît en France sur trois a au moins un parent né à l’étranger. Et elle ne parle pas des immigrés déjà naturalisés. Or l’immigration-invasion est une intégrale, on doit y compter toutes les générations récentes et leurs descendants. Le grand démographe Jacques Dupâquier en prévoyait les effets en l’an 2000, et le phénomène n’est pas propre à la France, puisque l’un des plus grands démographes du Royaume-Uni vient de calculer que les Britanniques de souche seraient minoritaires dans leur propre pays en 2050. Or les peuples d’Europe ne veulent pas de cette politique que leurs élites leur imposent. Ils n’ont pas envie de changer d’identité, d’us, de mœurs, de croyances, ils souffrent de l’insécurité croissante, et de leur appauvrissement programmé – car cette folle politique coûte cher. La révolution arc-en-ciel transfère au Sud les richesses du Nord et ruine les pauvres du Nord, et bientôt sa classe moyenne.

 

Le budget Barnier refuse la démocratie à l’instar de la constitution européenne

Ce déni de démocratie ne date pas d’hier, il dure depuis quarante ans. Ce n’est pas Macron, ce n’est pas Barnier, qui l’ont mis en pratique les premiers, mais les gouvernements successifs qui l’appliquent férocement sans jamais rien lâcher. C’est le refus de tout referendum populaire sur l’immigration ou la peine de mort. C’est la sanctuarisation ridicule dans la Constitution de toutes les folies idéologiques. C’est Mitterrand jetant sa prostate en 1992 dans le referendum sur l’acte unique européen. C’est Chirac passant outre au non des Français à la constitution de l’Europe en 2005 et permettant à Sarkozy de ramener le texte, rapidement maquillé en traité de Lisbonne, signé par les gouvernements et ratifié par un parlement complice en 2008. Etonnant symbole : le texte qui fait autorité auprès de tous les peuples d’Europe est la conséquence d’un coup d’Etat ! Quel meilleur signe d’un déni général et volontaire de démocratie ?

 

Pour éviter la censure, Barnier pouvait supprimer l’AME

Alors il ne faut pas croire à l’erreur d’appréciation de Michel Barnier. L’homme a négocié le Brexit, c’est dire qu’il n’est pas né de la dernière pluie, c’est dire aussi que c’est un apparatchik sans états d’âme de la révolution mondialiste. Il mène sa barque socialiste, européenne, écologiste, vert à l’extérieur, arc-en-ciel à l’intérieur, comme en ont témoigné ses « lignes rouges » proclamées. En entretenant l’illusion qu’il était prêt à faire des concessions, mais sans vouloir en faire de significatives. L’exemple de l’AME, l’aide médicale d’Etat, est caractéristique. Barnier, qui cherchait en principe soixante milliards d’économies à faire, pouvait la supprimer, gagnant ainsi un milliard deux cents millions d’euros, soit deux pour cent du total. Ce n’était pas rien. Et le symbole était tel que le RN aurait semblé bien mal embouché ensuite de voter la censure. Il a préféré laisser le Sénat la rogner de quelques centaines de millions, ce qui lui a valu des cris sans fin à gauche (le socialiste Kanner parle de « déshonneur »), avec en prime les objections des professionnels de santé.

 

Censure, première victoire de la démocratie

C’est la faillite d’un homme, Michel Barnier, mais surtout d’un système qui refuse d’écouter ce que dit le peuple. Si on regarde les choses avec des lunettes de Lilliput, la réforme de l’AME peut sembler un mieux (insuffisant), ou bien la critique des médecins sur l’organisation de la chose et celle des comptables (l’AME ne représente pas 0,5 % des dépenses de santé prévues) peuvent se concevoir. Mais si l’on regarde l’état de la France et de l’Europe, ce que souffrent et disent les peuples, alors le budget, les arguments de Barnier et des politiciens de droite et de gauche sont simplement dérisoires. Depuis quarante ans le peuple français dit : on ne veut plus de votre politique, on n’en peut plus, et, malgré referendums et élections, les élites continuent, imperturbables. Et ces mêmes élites présentent au peuple qu’elles malmènent l’addition des tortures qu’elles lui infligent, car la politique arc-en-ciel coûte cher, qu’elle impose la transition énergétique ou le grand remplacement. Cette fois-ci encore, elles ont eu le culot de dire : si vous ne nous donnez pas les moyens de continuer, vous êtes irresponsables ! Eh bien, trop c’est trop. Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin… En votant la censure, peut-être pas au meilleur moment, peut-être pas sans arrière-pensée, le RN va enfin mettre fin à cet entre-soi scandaleux, à cet odieux déni de démocratie. Tout le monde devrait s’en réjouir. C’est une victoire de la démocratie.

 

Pauline Mille