C’est l’Office National des Statistiques britannique (ONS) qui l’annonce et tous les médias l’ont repris en chœur : le prénom Muhammad s’est emparé de la première place du podium des prénoms masculins les plus populaires en 2023, en Angleterre et au Pays de Galles, reléguant le gagnant de l’année 2022, Noah, à la seconde place et les autres Oliver, George et Arthur encore plus loin derrière. En revanche, aucun prénom musulman ne figure (encore) parmi les dix premiers prénoms donnés aux filles.
Certains s’exclament que cette statistique ne signifie rien, étant donné que les musulmans donnent très souvent ce prénom à leur premier garçon, engendrant une prévalence qui n’équivaut pas à une augmentation des naissances d’origine musulmane en tant que telle.
Seulement, et d’une, l’Office ne prend pas en compte les différents types d’écriture du prénom, ce qui donne un chiffre bien plus évocateur lorsqu’on le fait. Et de deux, c’est néanmoins un signe qui mériterait qu’on puisse dénombrer, parmi les naissances britanniques, l’ensemble des prénoms d’origine musulmane : cela a été fait en France et les résultats sont sans appel.
Muhammad devance Noah, Oliver et George
L’année dernière, déjà, il avait atteint la seconde place. Cette fois, c’est la bonne. Plus de 4.600 garçons ont reçu l’orthographe spécifique de Muhammad en 2023, selon l’Office des statistiques nationales, soit près de 500 de plus qu’en 2022. C’est la première fois qu’une seule orthographe du nom islamique arrive en tête des classements. Il est numéro un dans quatre régions sur neuf d’Angleterre mais est classé 63e dans le Pays de Galles, plus traditionnel.
Stricto sensu, sachant qu’il y a eu 303.041 bébés mâles nés l’année dernière en Angleterre et au Pays de Galles, cela fait seulement 1,54 % des naissances, après tout. Mais, si l’on additionne les Mohammed arrivés au 28e rang et les Mohammad parvenus au 68e, on obtient un joli total de 7.097 bébés, ce qui équivaut à 2,34 % de la nouvelle et toute fraîche population masculine.
Un chiffre encore insignifiant, diront certains ? C’est pourtant loin d’être rien, car ce n’est qu’un seul prénom musulman parmi beaucoup d’autres… The Telegraph rapporte notamment que deux des prénoms de garçons qui ont connu l’augmentation la plus forte en 2023 sont aussi d’origine arabe : Ayman, en hausse de 47 %, et Hasan, en hausse de 43 %.
Quant aux filles, les prénoms arabes ont également connu une croissance significative, Aizal et sa variante Ayzal ayant augmenté respectivement de 479 % et 183 %. Inaya a augmenté, lui, de 48 %.
En Angleterre et au Pays de Galles, le prénom masculin dominant est symptomatique
Certes, nous sommes dans une situation assez similaire à celle de 2015, où les différentes variantes du prénom islamique le plus connu avaient été accordées à quelque 7.240 petits garçons. Mais aucune alors n’avait emporté la première place.
Ce qu’il faudrait surtout savoir c’est le pourcentage de prénoms musulmans donnés à la naissance. Car en France, bien que près de 3.000 bébés garçons « seulement » aient reçu en 2023 le prénom Mohamed ou quatre de ses variantes principales (on ne parle même pas des prénoms composés), ce qui fait seulement 0,81 % de la population mâle née en 2023 (évaluée à 345.780), nous avons environ 12 % de la population mâle française naissant en 2023 qui porte un prénom musulman…
C’est le baromètre obtenu par le site Fdesouche qui permet cette prospective. Il avait, en effet, travaillé en juillet dernier sur les chiffres de l’Etat Civil publiés chaque année par l’INSEE : en examinant l’ensemble des naissances enregistrées en France sous prénom musulman, il était arrivé à 22,9 % du total des naissances pour l’année 2023 (contre 7 % en 1997), ce qui donne environ 12 % des garçons.
Sans doute qu’avec plus de 7.000 petits Muhammad et ses variantes, le nombre de garçons nés sous prénom musulman en Angleterre et au Pays de Galles, ainsi que son évolution, seraient instructifs.
De la culture de l’écran à la réalité du grand remplacement
2,34 % des petits Britanniques nés en 2023 se prénomment donc Mahomet, fondateur de l’islam et proclamateur du Coran.
L’ONS avance une prudente explication, enfonçant en même temps une porte ouverte : « La taille croissante des communautés musulmanes à travers le Royaume-Uni, alimentée par l’immigration, ainsi que la popularité de personnalités sportives telles que Mo Farah, Mohamed Salah et Muhammad Ali sont susceptibles d’avoir déclenché cette augmentation. »
Mais ce n’est pas ce qui semble l’intéresser de prime abord puisqu’il consacre surtout son analyse à l’« augmentation continue » du nombre de parents optant pour des prénoms issus de la télé-réalité, de séries en vogue, de la culture pop. Les prénoms royaux traditionnels, eux, reculent. Quant aux bébés garçons s’appelant Donald, il n’y en a eu que 7, et 5 seulement s’appelaient Nigel !
Et qui dira qu’à Berlin, en 2022, Mohammed fut aussi le prénom de bébé garçon le plus populaire, selon l’Association de la langue allemande… Comme il fut le premier dans la ville de Laval en 2023, devançant les Louis, Isaac et Jules… Les exemples ne manquent pas.